Selon un rapport du FMI, la retour de l’« influence oligarchique » est identifié comme le risque principal qui pourrait freiner les réformes en Ukraine et son futur financement extérieur.
Les oligarques ne sont pas seulement un symptôme, mais aussi la cause de la corruption qui a freiné la croissance de l’Ukraine depuis l’indépendance. Cette question et les craintes d’une renaissance du pouvoir oligarchique en Ukraine à l’aube de l’intégration européenne sont abordées par les analystes de l’agence Bloomberg.
Selon les auteurs, beaucoup dépend aujourd’hui des décisions de du président Zelensky, de l’UE, des États-Unis et d’organisations internationales telles que le FMI. A cause de la guerre, les oligarques sont affaiblis et les décisions politiques sont mise en pause. Or il faudrait profiter de cette période pour renforcer les institutions et supprimer les conditions qui permettent à la corruption de prospérer. Un diplomate européen anonyme a déclaré à Bloomberg que les principaux alliés du G7 font pression sur Kiev pour qu’il reprenne immédiatement son programme de réformes.
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Valeria Gontareva, ancienne directrice de la Banque nationale, a déclaré à l’agence que l’aide devrait être liée aux progrès des indicateurs de réforme, même en temps de guerre. Selon elle, le paradoxe est que l’Ukraine a peut-être encore besoin de certains oligarques : ceux qui peuvent rester et réinvestir au lieu d’emporter leur argent vers des marchés étrangers plus sûrs. Parmi eux, selon Valeria Gontareva, se trouve Rinat Akhmetov.
Les oligarques ont gravement nui aux perspectives de l’Ukraine en empêchant les investissements étrangers et les marchés concurrentiels. Bloomberg souligne que le PIB par habitant de l’Ukraine, selon la Banque mondiale, était presque 50 % plus élevé que celui de la Pologne au moment de l’effondrement de l’Union soviétique, et qu’en 2020, il était presque trois fois plus bas.
Un grand nombre des hommes d’affaires les plus puissants avaient des liens étroits avec la Russie et font aujourd’hui l’objet d’enquêtes criminelles ou sont en exil. Ceux qui vivent encore en Ukraine ont aussi été durement frappés.
Globalement, malgré toutes ces inquiétudes, Bloomberg note des progrès : l’Ukraine est passée de la 142e pire place au monde selon l’indice annuel de perception de la corruption de Transparency International en 2013 à la 116e aujourd’hui. Dans le même temps, le classement de l’Ukraine par Transparency International reste le plus mauvais d’Europe et pire que le résultat de la Russie.
« La purge bancaire de V. Gontareva a eu un impact sismique, réduisant de plus de moitié la part des actifs financiers dans l’économie, puisque les banques ayant des créances douteuses non déclarées ont été recapitalisées, fermées ou, dans le cas de PrivatBank de Kolomoisky, nationalisées », écrit Bloomberg.
Francis Malij, directeur général des institutions financières de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, a déclaré à la publication que l’argent pour la reconstruction de l’Ukraine devrait être surveillé de près. Dans le même temps, il doute de l’efficacité d’une telle réglementation en raison de l’expérience de l’Irak et de l’Afghanistan.
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Bloomberg écrit que l’Ukraine manque toujours d’un système judiciaire et fiscal non-corrompu et d’une numérisation des procédures étatiques, ce qui garantirait la transparence. « Selon les responsables actuels et anciens, sans ces mesures, la corruption dans les ministères du gouvernement risque à nouveau d’empoisonner l’avenir de l’Ukraine », indique le texte.
Selon la Banque mondiale, avec une population de plus de 40 millions d’habitants, le PIB de l’Ukraine en 2021 n’était que de 200 milliards de dollars, soit moins que la Nouvelle-Zélande avec une population de 5 millions d’habitants.
Il faut aussi craindre que Volodymyr Zelensky fasse obstacle à un ordre d’après-guerre plus libéral en contrôlant les grandes entreprises. Par exemple, les sociétés « Ukrnafta » et « Ukrtatnafta », toutes les deux étaient contrôlées par l’oligarque Ihor Kolomoisky et ont été nationalisées.
Bloomberg évoque la loi anti-oligarchique, largement critiqué en Occident. Selon certains partenaires internationaux de l’Ukraine, elle peut limiter la liberté des médias. En Ukraine, la loi en question a aussi été critiqué en raison de son influence douteuse sur les oligarques eux-mêmes.
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Selon Tomas Fiala, directeur exécutif et fondateur de Dragon Capital, après s’être séparé de la Russie, si l’Ukraine ne reste tournée que sur son propre petit marché et sans accès aux marchés de l’UE, il y a peu d’espoir pour les entreprises ukrainiennes. D’où l’importance pour elle de pouvoir s’intégrer au vaste marché européen, qui peut lui ouvrir de novelle perspectives. Mais pour y arriver, l’Ukraine doit réussir ses réformes.