Un compromis se dessine entre l’Ukraine et la Pologne sur les importations agricoles

Économie
10 mars 2024, 10:12

Selon Taras Kachka, représentant de l’Ukraine pour le commerce auprès de l’UE, le gouvernement ukrainien est prêt à accepter des restrictions au commerce avec l’Union européenne afin de réduire les tensions politiques entre son pays et la Pologne. En retour, Kyiv attend de l’UE qu’elle interdise les importations de produits agricoles russes.

« Nous soutenons les mesures proposées par Bruxelles pour imposer des restrictions sur les importations d’œufs, de volaille et de sucre de juin 2024 à juin 2025, ainsi que pour permettre aux différents pays de fermer leurs marchés aux céréales ukrainiennes, à l’exception du transit vers d’autres pays », a souligné Volodymyr Lapa, expert en questions agricoles et officier des forces armées ukrainiennes, au cours des discussions sur ce que devrait être « La position de négociation avec la Pologne en matière d’exportations agricoles ».

Dans le même temps, les protestations des agriculteurs polonais se poursuivent. Un grand rassemblement a eu lieu à Varsovie le 6 mars. Les agriculteurs polonais ont demandé l’annulation du « Green Deal » européen et la limitation des livraisons de denrées alimentaires en provenance d’Ukraine. L’objectif du Green Deal est de réduire les émissions de gaz à effet de serre causées par l’activité humaine. En conséquence, les agriculteurs européens sont soumis à certaines restrictions concernant l’utilisation de produits chimiques. De plus, afin de préserver la diversité écologique, ils laisser au moins 10 % de leurs terres en jachère.

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« Je pense que la principale raison de ces manifestations est la baisse des prix mondiaux des céréales. La deuxième raison est l’approvisionnement du marché polonais en céréales ukrainiennes. Une interdiction a été mise en place, mais nous oublions toujours qu’il y a un an, ces approvisionnements avaient un impact certain sur le marché. La troisième raison des protestations est liée au Green Deal européen », estime Volodymyr Lapa. « La différence d’attitude à l’égard des céréales russes et ukrainiennes en Pologne s’explique, à mon avis, par le fait que la Russie était, est et sera en dehors de l’UE. L’Ukraine, quant à elle, se prépare à rejoindre l’UE. De toute évidence, la question est de savoir dans quelles conditions ces marchés seront prêts à coopérer », a-t-il ajouté.

Il faut reconnaître que la structure de l’agriculture ukrainienne diffère sensiblement de celle de la Pologne. Dans ce pays, ce sont d’abord les ménages, les petites exploitations et entreprises familiales qui prédominent, bien avant les grandes entreprises agricoles. L’Ukraine est structurée différemment. « Nous avons beaucoup d’exploitations, des exploitations de taille moyenne et des exploitations plus petites. Tout agriculteur ukrainien vous dira qu’il n’est pas conseillé de produire des céréales sur une surface de 13 hectares, ce qui est la taille moyenne d’une exploitation en Pologne. Vous ne pourrez pas rentabiliser les investissements que vous faites dans ce secteur », explique l’économiste ukrainien.

Dans le même temps, le gouvernement polonais a toujours défendu les intérêts des petites exploitations, malgré les subventions dont elles bénéficient. De plus, les Polonais ne perçoivent pas cela comme un désavantage d’un point de vue économique. C’est leur avantage en matière de développement rural.

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Les protestations des agriculteurs sont tournées vers l’avenir. Les Polonais craignent qu’un jour les entreprises ukrainiennes s’intègrent aux marchés européens et, ayant la capacité de produire plus efficacement et à moindre coût, commencent à faire pression sur leurs agriculteurs. Pour calmer les grandes manifestations, l’Ukraine doit absolument faire des concessions.

« En fait, nous ne comprenons pas encore tout à fait l’enchevêtrement des problèmes contre lesquels les agriculteurs polonais protestent. Par conséquent, la première étape consiste à réduire le degré de tension et à déclarer que les Ukrainiens sont prêts à discuter. Néanmoins, je ne pense pas que la décision d’imposer des restrictions aura un impact radical sur l’Ukraine. Nous devons tenir compte du fait que nos principaux flux agricoles passent par les ports », explique l’économiste Dmytro Boyartchouk à Tyzhden.

Le chemin sera long pour trouver des formes de coexistence entre les entreprises polonaises et ukrainiennes sur le marché européen. Toutefois, dans la situation actuelle, nous ne devons pas oublier que ce sont les Russes, et non les Polonais, qui créent les problèmes existentiels aux Ukrainiens.