L’Ukraine continue de faire partie des trois premiers pays exportateurs de miel, avec une production qui dépasse les 60000 tonnes par an. Malgré la guerre, les 700.000 apiculteurs ukrainiens ne se contentent pas de maintenir leur production, ils développent les ventes et démontrent un amour de leur métier.
L’apiculture ukrainienne n’est pas seulement un métier, c’est un véritable art, dont l’histoire remonte au XIXe siècle. Ces dernières années, l’Ukraine s’est fermement établie sur le marché mondial comme l’un des plus grands producteurs et exportateurs de miel. Selon le producteur de miel ukrainien Beehive, en 2022, malgré le déclenchement de la guerre à grande échelle, l’Ukraine s’est classée au deuxième rang des pays exportateurs de miel non membres de l’Union européenne. Le leader mondial est la Chine, suivie de l’Argentine.
L’apiculture comme vocation
Pour de nombreux apiculteurs, l’apiculture n’est pas un simple travail, mais une véritable passion. Environ 700 000 personnes sont engagées dans la production de miel en Ukraine, ce qui représente approximativement 1,5 % de la population totale du pays. La plupart de ces personnes sont des producteurs privés, et non des grandes entreprises.
Vassyl Pryiatelenko est l’un d’entre eux. Il a commencé l’apiculture non pas pour gagner de l’argent, mais juste pour lui, parce qu’il voulait avoir son propre miel naturel. Son rucher compte aujourd’hui 25 ruches, ce qui n’est pas beaucoup, mais suffisant. Au fil du temps, l’apiculture est devenue partie intégrante de sa vie. L’approche de Vassyl est simple : il produit du miel pour lui-même, puis propose le surplus à la vente.
« J’ai commencé plus comme un hobby, je voulais avoir mon propre miel naturel pour ma famille. Cela demande beaucoup de temps et une bonne forme physique, car j’ai déjà 73 ans et je ne peux donc pas en faire autant que je le voudrais, mais cela en vaut la peine. L’apiculture est un métier qui s’apprend en permanence. Au début, j’ai lu des livres, j’ai regardé les autres faire, et maintenant je trouve beaucoup d’informations utiles sur Internet. Je produis pour moi, pour mes voisins et je vends le surplus. Pour moi, le naturel et la qualité sont primordiaux », explique Vassyl à Tyzhden.
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Malgré les difficultés causées par l’invasion à grande échelle, l’apiculture ukrainienne continue de fonctionner sans ralentissement. En 2021, les centres régionaux de l’apiculture étaient les régions de Kirovohrad (actuellement Kropyvnytsky), Zaporijjia et Vinnytsia. En 2022, la région de Khmelnytskyi est devenue un leader inattendu, en augmentant considérablement ses exportations. La région a atteint près de 5 000 tonnes de production au cours des cinq premiers mois et étend ses exportations à près de 50 pays.
« Il y a beaucoup de miel frelaté sur le marché aujourd’hui. Je veux que les gens sachent que le vrai miel n’est pas seulement un produit sucré, mais qu’il contient aussi toute une série de substances utiles. C’est pourquoi je préfère les méthodes d’apiculture traditionnelles, sans aucun traitement chimique. Lorsque l’on produit soi-même son miel, on est sûr de sa qualité. C’est comme cultiver des légumes sur son propre terrain. On sait qu’il n’y a rien de superflu dans le produit », déclare l’apiculteur plein de conviction.
Vassyl a expliqué à Tyzhden comment choisir un bon miel pour éviter d’acheter un miel frelaté : « En général, il existe de nombreuses façons de vérifier le caractère naturel du miel, mais les principaux critères à prendre en compte lors de l’achat sont le goût, la couleur, l’arôme et la consistance.
La consistance du vrai miel peut varier : liquide ou cristallisée. Mais si le miel est trop liquide, comme de l’eau, ou présente une structure hétérogène avec de gros cristaux, il faut réfléchir avant de l’acheter. La couleur dépend des plantes mellifères et peut varier du jaune clair au brun foncé. Mais si le miel est trop brillant, comme si on y avait ajouté un colorant, c’est qu’il s’agit d’un miel frelaté.
Quant à l’arôme, le vrai miel a une saveur pure, riche et naturelle, qui dépend également des plantes mellifères. Mais si l’arôme est faible ou absent, il peut également s’agir d’une imitation. Et le plus important, c’est le goût. Le miel naturel a un goût sucré, avec une légère acidité. Si le miel est trop sucré ou a un arrière-goût désagréable, cela peut indiquer l’ajout de sucre ou d’autres édulcorants.
Il convient également de prêter attention à la mousse qui se trouve dans le pot de miel. Si elle est présente, c’est que le processus de fermentation a probablement commencé ou que des produits chimiques ont été ajoutés au miel. Un autre critère d’authenticité est la solubilité du miel. Si le miel se dissout immédiatement et complètement dans l’eau, il ne s’agit pas d’un miel naturel. Le vrai miel se dissout lentement et laisse un peu de sédiment ».
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En plus de 20 ans d’expérience dans le secteur, Vassyl a réussi non seulement à constituer son propre rucher, mais à aussi créer et à breveter son propre modèle de ruche : « Lorsque j’ai décidé de créer mon propre rucher, j’avais 50 ans et peu de connaissances en apiculture. Je suis donc parti de zéro, en testant mes idées et les suggestions des innovateurs du monde entier. Sans avoir recours à aucune source, j’ai fabriqué moi-même une ruche dont le modèle, comme j’ai appris plus tard, avait été proposé par Hippolyte Korablyov et utilisé en Ukraine il y a près de 100 ans. Par conséquent, ayant découvert d’importantes lacunes dans cette ruche, j’ai apporté en quelques années des modifications significatives au modèle lui-même et je l’ai breveté en 2011 ».
Afin de transmettre ses connaissances aux jeunes générations, Vassyl Pryiatelenko a publié un livre « Technologie apicole moderne » [non traduit en français – ndlr]. Il a également sa propre chaîne YouTube où il partage des informations utiles pour les apiculteurs amateurs. « J’essaie de transmettre ma connaissance de l’apiculture aux jeunes, car il ne s’agit pas seulement d’un métier, mais d’un élément de notre patrimoine culturel. J’aime parler des abeilles et de leur rôle dans l’écosystème », dit-il.
Histoire de la production de miel en Ukraine
Depuis l’époque de Rus’ de Kyiv (la Ruthènie, selon les sources grecques), le miel est considéré comme une denrée et un produit importants, selon les nombreux noms de localités ukrainiennes associées à l’apiculture : Bortnyky, Medynichi, etc. Depuis le Moyen Age, le miel est utilisé en Ukraine comme aliment et comme médicament, et la cire comme matériau pour les bougies et divers objets artisanaux.
Le développement de l’apiculture a été favorisé par les conditions naturelles, à savoir les forêts, les prairies et les steppes, qui sont riches en plantes mellifères. Au XIXe siècle, l’apiculteur ukrainien Petro Prokopovych a réalisé une invention révolutionnaire : la ruche à cadres, qui a grandement simplifié les soins aux abeilles et augmenté les rendements en miel.
Pendant l’ère soviétique, l’apiculture était une activité coopérative, de sorte que la production a connu un déclin après l’indépendance et la fin des coopératives. Cependant, malgré de nombreuses difficultés, les Ukrainiens ont réussi à relancer l’apiculture et à la développer au point de pouvoir entrer sur le marché mondial avec ses produits.
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Statistiques
Actuellement, l’Ukraine est l’un des trois plus grands exportateurs de miel au monde, et elle est également l’un des leaders mondiaux en matière de production et de consommation. En moyenne, un Ukrainien consomme 1,2 kg de miel par an, ce qui est l’un des taux les plus élevés au monde. Les autres leaders sont l’Australie (1,6 kg), la Grèce (1,4 kg) et l’Allemagne (1,1 kg).
Selon la FAO, l’Ukraine produit chaque année entre 66 000 et 73 000 tonnes de miel, dont la majeure partie est exportée vers l’UE et les États-Unis. Ainsi, le ministère de la Politique agricole et de l’alimentation note qu’au cours du premier semestre 2024, 40 600 tonnes de miel, pour une valeur de 70,7 millions de dollars, ont été exportées vers l’Union européenne.