Margarita Dykalyuk rédactrice en chef du journal Tyzhden

La framboise ukrainienne: une histoire d’exportation réussie

Économie
29 juillet 2024, 08:35

Malgré la guerre, l’Ukraine augmente en permanence ses exportations de fruits. Ces dernières années, elle a gagné une position de leader dans la vente de framboises surgelées sur les marchés étrangers. Pour la dernière saison, elle pointe parmi les cinq premiers fournisseurs du marché américain. Dans le même temps, nous avons dépassée les ventes de tous les fournisseurs non américains, Serbie exceptée.

« Les Serbes sont les premiers à cultiver les framboises en Europe, suivis des Polonais. Les Ukrainins occupent la troisième place. Nous ne sommes entrés dans ce classement que l’année dernière, alors qu’auparavant nous étions cinquièmes. Il y a cependant une particularité: nos baies ukrainiennes figurent également dans les statistiques officielles de la Pologne. D’après mes informations, les Polonais présentent nos produits comme les leurs et tirent un revenu supplémentaire de cette réexportation », explique Taras Andriytchouk, président de la Coopérative Faina Polyana à Tyzhden.

Pour les pays européens économiquement puissants, comme l’Allemagne, la Belgique et la France, il est sans doute plus rassurant d’acheter des baies à un pays européen, donc à la Pologne. Si l’Ukraine était en mesure d’exporter directement vers l’Europe, elle serait positionnée dans le classement probablement avant les Polonais. Selon Andriy Yarmak, économiste au département des investissements de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Pologne gagne environ 100 000 millions de dollars (92 120 millions d’euros) grâce au simple reconditionnement des baies ukrainiennes.

« Il s’agit d’une leçon pour l’Ukraine, qui s’est traditionnellement contentée de la vente de framboises au prix le plus bas à la Pologne, où une part importante de la valeur ajoutée est récupérée. Si cette branche investissait un minimum de fonds dans le marketing, elle pourrait vendre ses framboises à l’exportation à un prix presque deux fois plus élevé », estime M. Yarmak.

Pourtant, lorsque l’Ukraine rejoindra l’Union européenne, des pays comme la Pologne essayeront d’annoncer des limites sur les produits que nous avons le droit de cultiver et de vendre sur les marchés étrangers. Selon l’agriculteur Taras Andriychuk, c’est ainsi que fonctionne l’ensemble du marché européen. Cependant, les framboises sont le principal produit d’exportation de la Serbie. En Pologne, la récolte des baies est beaucoup plus chère qu’en Ukraine.

La coopérative Faina Polyana a été fondée en 2015. Ses terres sont situées dans dix collectivités territoriales et deux régions, Ternopil et partiellement Ivano-Frankivsk. En 2023, elle comptait déjà 62 membres. La particularité de cette coopérative est que chaque membre est propriétaire de sa terre.

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Le processus de ce type de récolte est très difficile à mécaniser, et l’un des principaux problèmes est la question de la main-d’œuvre. En particulier en Ukraine, où les conditions climatiques excluent la production de variétés de framboises adaptées à la récolte par des machines. Alors chacun se débrouille comme il peut. « Certains font participer leur famille, d’autres ont de grandes parcelles, par exemple 4 hectares de framboises, et la moitié du village cueille des framboises pendant la saison », explique l’agriculteur.

« En même temps, nous ne louons pas de terres, et il ne s’agit pas d’un champ commun ou d’une ferme collective à la soviétique. Chaque agriculteur définit son mode de travail tout seul. La coopérative aide à l’achat de plants et de produits de protection, car il est moins cher de les acheter en masse, elle apporte également un soutien aide à la vente et à l’exportation », précise-t-il.

Depuis 2018, la coopérative investit activement dans des installations permettant de trier, d’emballer, de surgeler et de vendre rapidement les baies. Les agriculteurs ont également construit une chambre de calibrage, où peuvent travailler 20 personnes à la fois, et un surgélateur à choc supplémentaire, qui permet de taiter 10 tonnes de baies par jour. Ils ont également construit un système de stockage pour 210 tonnes de produits.

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« A présent, nous avons la possibilité de conditionner et de vendre la framboise non seulement le jour de sa récolte, comme c’était le cas au commencement. C’est un travail très difficile: les baies commencent à se déformer en quelques heures, et il faut les cueillir tous les deux jours pendant trois mois et demi, peu importe le temps qu’il fait. Ensuite, il faut les livrer aux grands transformateurs de produits agricoles. Et là, il faut encore faire la queue, parfois jusqu’à six heures du matin. Et le prix est toujours une véritable surprise, car il peut baisser en cours de saison.

Au début, nous vendions encore des framboises surgelées par le biais d’intermédiaires. Ce n’était donc pas nous qui gagnions de l’argent, mais eux. En 2022, pour la première fois, nous avons exporté un tiers de nos produits reconditionnés à l’étranger, en l’occurrence vers la Pologne. En 2023, nous avons exporté plus de 90 % de nos récoltes. Certes, nous devons répondre à certaines exigences et normes. Nous nous améliorons », racontent les agriculteurs.

La Coopérative Faina Poliana élargit sa filière de production. « Nous conditionnons des pommes de pin sauvages, l’année dernière nous avons travaillé avec des fleurs de sureau, nous plantons de l’argousier, et certains membres de la coopérative travaillent les fraises de jardin, mais il ne s’agit que de la vente de fuits frais, pas surgelés. Nous sommes déjà en concurrence avec l’Égypte et le Maroc, qui vendent des produits surgelés à un prix très bas », explique Taras Andriytchouk.

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Cette année, les framboises surgelées de la nouvelle récolte sont déjà sur le marché de l’UE. Les prix démarrent à 3,20 euros le kilo. Il est probable que les prix vont encore augmenter en raison de la baisse des volumes de production en Serbie et de la chaleur atypique dans les principales régions de production de l’Ukraine. En plus, il y a des risques dus aux attaques russes en cours sur les infrastructures ukrainiennes et, par conséquent, sur les calendriers des coupures d’électricité. Les producteurs ukrainiens sont contraints de vendre les baies surgelées le plus vite possible, plutôt que d’attendre, comme leurs concurrents ont le confort de le faire.