Serhiy Demtchouk rédacteur en chef du journal Tyzhden

Les prisonniers de guerre Ukrainiens victimes de mauvais traitements dans les geôles russes

Guerre
13 février 2024, 07:59

Plus d’une centaine de prisonniers de guerre ukrainiens ont pu rentrer grâce à un échange, et ils témoignent des violences subies en Russie. Hélas, c’est une tradition soviétique qui se perpétue: un prisonnier n’a jamais été considéré comme un humain comme les autres, ni à l’époque soviétique, ni par les Russes aujourd’hui.

Dans l’un des épisodes de la série télévisée britannique se déroulant pendant la Seconde guerre mondiale Les enquêtes de Foyle, plusieurs soldats britanniques conduisent une douzaine de prisonniers allemands dans les rues d’une ville anglaise. Et les Allemands sous escorte marchent en uniforme et chantent joyeusement une sorte de chant militaire. Lorsque j’ai vu cette série, cela m’a semblé une sorte d’absurdité. Il est tout simplement impossible d’imaginer que, pendant la Seconde guerre mondiale, des prisonniers de guerre allemands auraient pu se comporter de la sorte sur le territoire de l’armée soviétique. C’est pourquoi les images de la série britannique semblent grotesques.

Mais en lisant sur les conditions de captivité dans la littérature occidentale, on commence à comprendre que cela est très probablement vrai. Ce traitement réservé aux Allemands était en réalité normal, car les Allemands traitaient les Britanniques ou les Américains capturés de la même manière.

Lire aussi:   Natalia Zarytska: « Après l’enfer vécu par les prisonniers de guerre, même le vinaigre leur semble doux »  

Dans Abattoir 5, l’Américain Vonnegut décrit les conditions tout à fait tolérables de la captivité des Allemands par les Alliés. Dans le premier volet de la trilogie d’Evelyn Waugh Sword of honour (L’épée d’honneur), le neveu du personnage principal, capturé par les Allemands à Calais, écrit à ses parents pour leur demander de lui envoyer des ragoûts, de la confiture, des cigarettes et bien d’autres choses dont il est difficile de se souvenir. Et le grand-père du jeune homme en question s’indigne que son petit-fils n’écrive que sur ce dont il a besoin en prison. Et pas de poésie… Je veux dire qu’il est difficile d’imaginer qu’un soldat soviétique puisse écrire et envoyer une telle lettre à sa famille.

Cependant, les Soviétiques ne furent pas les seuls à ne pas être traités très gentiment par les Allemands en captivité. Witold Pilecki a également décrit les conditions inhumaines et le traitement brutal infligé aux Polonais, même aux civils, dans le camp de concentration d’Auschwitz. Il fut pourtant exécuté en 1948 par les communistes.

Lire aussi:   Andry Kryvtsov, au cœur des échanges de prisonniers de guerre  

Mais c’était il y a longtemps. Il semblait que tous les crimes avaient été évoqués et décrits. Et qu’ils ne devaient plus jamais se produire. Mais non. Beaucoup d’entre nous lisent des histoires de soldats ukrainiens revenus de captivité en Russie, ou les entendent raconter de vive voix. Après tout, il suffit parfois de voir les combattants ukrainiens sur une photo prise immédiatement après un échange de prisonniers pour comprendre ce qu’ils ont subi. Et pour imaginer toutes ces « accueils », les fouilles, les interrogatoires…

Les prisonniers russes en Ukraine se sentent beaucoup plus à l’aise. C’est ce qui ressort de leur apparence lorsqu’ils sont emmenés pour un échange, et pas seulement dans les reportages des journalistes qui peuvent chaque mois visiter les lieux de détention : les Russes jouent au football, vont à la chapelle pour prier et mangent un repas chaud deux fois par jour. Certains apprennent même un nouveau métier, par exemple assembler des meubles de jardin à partir de brindilles en plastique. Bien qu’il soit peu probable qu’ils en aient besoin chez eux, parce qu’ils risquent d’être renvoyés sur le front dès qu’ils seront retournés en Russie. Les prisonniers travaillent aussi parfois : un homme a déclaré qu’ils fabriquaient des cercueils à partir de caisses de munitions pour les Russes tués au combats.

Lire aussi:   Sous la protection des Conventions de Genève. Comment vivent les prisonniers de guerre russes dans un camp ukrainien  

On peut supposer que cette brutalité des surveillants russes remonte à l’époque où on disait à propos de l’armée soviétique : « Nous n’avons pas de captifs, nous n’avons que des traîtres ». Dépréciant leurs prisonniers de guerre, ils détestaient ceux qui étaient détenus et réduits en esclavage. Ils n’avaient que de la haine pour eux, et le leur faisaient sentir de toutes les manières possibles.