Array ( [0] => WP_Post Object ( [ID] => 5067 [post_author] => 6 [post_date] => 2023-09-08 19:21:11 [post_date_gmt] => 2023-09-08 19:21:11 [post_content] => Dmytro Sintchenko est un auteur de The Ukrainian Week/Tyzdhen.fr. C’est aussi un activiste et blogueur. Après le début de la grande invasion, il a rejoint l’armée ukrainienne. Ses textes décrivent la vie des soldats au front. Son nom de guerre est Perun. Notre unité reçoit l'ordre de prendre position près de Bakhmout. « Vous accompagnez Bereg et vous revenez », ordonne Sokil, notre chef. « A vos ordres ! » On reprend la route habituelle. Des abris familiers. Les mitrailleurs arrivent. La mission est remplie, je reviens. Et immédiatement, j'en reçois une nouvelle : emmener la moitié du groupe de combat au point d'évacuation et y récupérer notre équipe pour la ramener à la position. Après cela, je dois conduire cette partie du groupe de combat pour effectuer avec eux la dernière étape. En bref, pendant cette rotation, je travaille avec mes pieds, pas avec une mitrailleuse. Le groupe est prêt, avec ses affaires, au point d'évacuation. Nous respectons nos distances. A l'heure prévue, nous sommes là, mais le « taxi » ne vient pas. Nous nous dispersons. Nous attendons. Une demi-heure. Une heure. Quelque chose ne va pas. La connexion ne fonctionne pas ici. Je vais voir le commandant. Le groupe attend. « Kosyi (le conducteur du véhicule blindé) n'est pas en contact ». «  Ils ne sont pas venus ». [readAlso title:" Lire aussi: "]  « J’ai été battu et blessé, attaqué avec un couteau. Mais ce n’est rien comparé à ce que les Ukrainiens subissent », déclare un prisonnier de guerre britannique  [/readAlso] Sokil, notre chef, est monté sur une colline pour avoir du réseau. Il est revenu une demi-heure plus tard, un peu perplexe. « Nos remplaçants ont été bombardés lorsqu'ils étaient en train de monter dans le transport. Un tas de 200 (des tués - ndlr) et de 300 (blessés - ndlr). Ils sont à la recherche d'un nouveau véhicule de remplacement. Il n'y aura pas d'évacuation avant le soir ». Les soldats que j'ai laissés au point d'évacuation sont revenus par leurs propres moyens, quand ils en ont eu assez d'attendre. Il n'y a pas eu d'évacuation dans la soirée. Nous avons passé la nuit au check-point. Les envahisseurs lancent des lucioles dans le ciel. Certains disent qu'ils font cela avant une attaque, d'autres pensent que c'est pour la reconnaissance. Quoi qu'il en soit, la nuit est relativement calme, pas plus d'explosions que d'habitude. Nous sommes partis le matin pour la dernière marche. Stolyar était assis sur son gilet pare-balle. Il nous a raconté les détails des événements. Nos remplaçants ont essuyé des tirs lorsqu'ils ont déchargé les armes et commencé à mettre leurs affaires dans le bus. Deux personnes ont été blessées, un a été tué sur place, et mon ami Bereg a eu des blessures. Nous n'avions pas encore rencontré les soldats que nous devions remplacer. J'aurais pu être avec eux si j'étais parti en premier. [readAlso title:" Lire aussi: "]  A l’école de la guerre, comment les civils se préparent à la mobilisation  [/readAlso] Stolyar enlève son pare-balle et retourne à son travail, et nous continuons à avancer dans la rue, au milieu des maisons détruites. Le lendemain, nous nous préparons déjà à une nouvelle sortie. «  Où est Tsvirkoun » ? demande Sokil. « J'ai besoin de lui maintenant ». « J'ai bien peur qu'il ne soit pas en état de venir te voir en ce moment », répondit Zhyla. « Il est à nouveau soul ? Je n'en peux plus de lui ! Qui puis-je mettre à sa place ? Quelles sont les possibilités ? Des suggestions » ! Je me propose : « Ami Sokil, je peux remplir ses fonctions ». « Perun ? Tu peux t'en charger ? Très bien, amenez-moi Tsvirkoun aujourd'hui, et dites-lui de remettre tous les dossiers à Perun ! Faites l'inventaire et rendez-compte »! C'est comme ça que je suis devenu sergent, c'est-à-dire responsable logistique de compagnie.

Photo : C'est dans cette maison que l'histoire a commencé. Plus tard, elle a été mise en pièces par les occupants, mais à ce moment-là, il n'y avait plus de combattants à l'intérieur.

P.S : Les noms des unités, les noms de lieux et certains pseudonymes ont été modifiés. Ce texte s’inscrit dans la suite des reportages sur le front ; ils sont écrits à la première personne. Si vous n’avez pas lu les précédents, vous pouvez les trouver ici : [post_title] => Dans le quotidien d'un soldat au front. Un sergent [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => closed [ping_status] => closed [post_password] => [post_name] => dans-le-quotidien-d-un-soldat-au-front-un-sergent [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2023-09-08 19:22:25 [post_modified_gmt] => 2023-09-08 19:22:25 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://tyzhden.fr/?p=5067 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw ) [1] => WP_Post Object ( [ID] => 4891 [post_author] => 6 [post_date] => 2023-07-20 17:13:54 [post_date_gmt] => 2023-07-20 17:13:54 [post_content] => Dmytro Sintchenko est un auteur de The Ukrainian Week/Tyzdhen.fr. C’est aussi un militant et blogueur. Après le début de la grande invasion, il a rejoint l’armée ukrainienne. Ses textes décrivent la vie des soldats au front. Son nom de guerre est Perun. Décembre 2022. Donbass, aux environs de Bakhmout « Les forces de défense doivent se déplacer d'urgence vers des positions dans la région de Bakhmout, dans les deux heures, et apporter un soutien à l'unité X, qui a été encerclée », a ordonné le général de la brigade N. Depuis l’endroit où nous sommes stationnés, il faut plus de temps pour aller jusqu’à l'entrepôt où le commandant Harry a pris ses quartiers, que le délai imparti pour exécuter l'ordre. C'est donc le soldat Fikus, qui fait office de commandant, qui conduit les hommes. Quant à Harry, il a prévu de rejoindre la compagnie à cinq heures du matin, « dans la lumière grise de l’aube », avec son sergent mitrailleur et ami Stoliar. Nous avons laissé la voiture à trois kilomètres du village. Puis nous avons traversé une petite forêt. Pas moyen de contacter les soldats de l'unité que nous devons rejoindre, et on ne connait pas leur géolocalisation. Nous devons donc marcher sans connaître la route, ni le terrain. A la sortie du village, près du canal, un violent bombardement commence. Nous sautons dans la tranchée la plus proche. Elle est large. Il y a beaucoup de monde. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Au-delà de Wagner, les armées privées se sont multipliées en Russie  [/readAlso] « Qui sait où se trouve actuellement l'armée des bénévoles ? Personne ? Et X » ? Le commandant Harry décide de ne pas perdre de temps. Un officier, commandant de peloton d'une des brigades, lève la main : « Je sais que je peux vous y emmener quand les bombardements cesseront, mais nous devrons courir ». Le bombardement a duré environ une heure. Dès qu'il s'est arrêté, l'officier nous a dit de courir. « Mais nous n'avons pas l'âge de courir, nous n’y arriverons jamais » ! Harry a plus de 50 ans, il se maintient en forme, mais son âge se fait sentir. « Non, vous ne comprenez pas. Courons » !!! Harry pensait que l'officier était quelque peu effrayé. Ce dernier est parti en courant. Et il s’est avéré que cela était réellement nécessaire. Il fallait courir, et courir comme un lièvre, en zigzaguant. Il y avait deux bâtiments industriels derrière le canal, à partir desquels un tireur d'élite ennemi tirait constamment. Et un escadron ennemi tirait au canon et au mortier de 120 sur nos positions. Alors l’officier a couru, mais Harry et Stoliar trottinaient. L'officier jurait et les appelait. Finalement, ils sont arrivés jusqu’à la position. Voici un casque à l'envers avec des cerveaux dedans. Ils ont enfin sauté dans les tranchées. À certains endroits, elles sont recouvertes de terre. On s’y enfonce jusqu'aux genoux à cause des bombardements. Les buissons ont été fauchés, les arbres abattus, il ne reste que des souches et des cyprès. Des cris de soldats blessés. Ils sont bandés par des infirmiers. La prochaine tranchée. Un homme, parachutiste d'environ 45 ans, tout équipé, musclé, beau, mort. Une balle siffle près de la tête du commandant et la terre vole à côté de lui. Un autre sifflement. Un tireur d'élite travaille. Tout le monde s'enfonce plus profondément dans les tranchées. Il faut courir. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Reconnaitre la langue. Dans le quotidien d’un soldat au front  [/readAlso] Enfin, le poste de commandement et d'observation de la brigade E. Il est commun à toutes les unités qui participent aussi à la défense de cette partie du front. « Oh, le commandant de l'armée de volontaires ! Vous avez un problème ici : votre troupe a refusé de passer à l'offensive » ! annonce joyeusement le commandant adjoint Mariman. Le commandant du bataillon, Grizny, donne l'ordre d'organiser en urgence une contre-attaque et de libérer la bande de forêt. Selon le manuel de combat, pour mener à bien un assaut, vous devez d'abord faire une reconnaissance, connaître le nombre et les armes de l'ennemi, puis réduire sa puissance de feu et ensuite seulement attaquer. Normalement, il faut trois jours pour préparer l'offensive, et pas trois minutes. Mais qui pense ici au manuel militaire ? La ligne de défense s'est déployée le long de la rivière, entre les villages de K. et O. Derrière elle, l'ennemi s'est retranché dans la bande de forêt. Les Ruskofs ont tenté de s’emparer de la retenue d’eau pour couvrir notre rive et, une fois en place, continuer à assommer nos troupes. À première vue, sans reconnaissance détaillée, pas moins de deux unités ennemies (150 personnes) sont dans la bande forestière au-delà de la rivière. Avec des forces moindres, elles n'auraient pas réussi à s’emparer du terrain et chasser le peloton X. Et depuis, l'ennemi a continué à saturer les positions d'hommes, se préparant à l'offensive. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Deux missions à Bakhmout. Témoignage d’un commandant de peloton de l’armée ukrainienne  [/readAlso] Il s'est alors avéré que le soldat Fikus n'était plus en mesure de conduire les hommes à la position du peloton X : cette position était déjà encerclée et détruite. Seuls 10 hommes avaient pu sortir de là, en rampant à travers un champ de tournesols. Le renfort n'était composé que de 18 soldats. Avec de telles forces, aucune contre-offensive n'était possible. Tout ce que l’on pouvait espérer était de ne pas perdre les positions tenues. Cependant, le commandement a fortement insisté pour lancer tout de même une attaque.

La rivière près de laquelle la bataille a eu lieu

« Couvrez-vous de fumée et entrez », a suggéré le brigadier adjoint Hak. « Avec des fumées ? ! Sans supprimer la puissance de feu de l'ennemi ! Les fumées sont utilisées pour couvrir une retraite, pas une attaque », s’est indigné Harry. « J'ai une autre proposition : vous pouvez vous rendre vers les positions ennemies par le même chemin que celui qu’ont pris les restes de la troupe X, à travers le champ de tournesols ». Mariman a avancé cette idée « brillante ». « C'est-à-dire que la troupe X quittait une position encerclée, et vous proposez que nous entrions dans l'encerclement ?! Et cela, c’est dans le meilleur des cas, si nous ne nous faisons pas tirer dessus avec des mitrailleuses lorsque nous seront en approche », a contre-argumenté Harry. « Dans cet emplacement, une seule mitrailleuse suffit pour abattre 18 personnes ». « Prenez votre décision. Vous êtes le commandant. Mais si elle est négative, nous ouvrirons un dossier criminel contre vous », a menacé le commandant Grizny. « Allez-y ! Mais je ne conduirai pas mes gens à une mort certaine et absurde » a conclu Harry. La bataille Les soldats de l'armée de volontaires sont restés pour organiser la défense. L'offensive ennemie a commencé la nuit suivante. La position avancée, occupée par les combattants de la Compagnie S a été immédiatement détruite. Les hommes ont quitté leurs positions. Les occupants avançaient. La bataille a eu lieu au deuxième point de contrôle, celui qui était tenu par les soldats du bataillon D avec des membres de notre équipe, Sanych et Djokonda. Après avoir assisté au retrait des hommes de la position avancée, les soldats du bataillon D sont partis, eux aussi. Sanych et Djokonda sont restés. La mitrailleuse de Djokonda a arrêté quelques hommes pour toujours. Ils ne s’attendaient pas à rencontrer une résistance par ici. Nous avons essayé d'encercler l’ennemi, en lançant des grenades. « Lancez-en d'autres » ! crie Djokonda. « Il n'en reste plus », répond Sanych. « Et là, qu'est-ce que c'est » ? « C'est la dernière, l'américaine, pour moi » ! « Sanych, ne déconne pas ! Des grenades sont pour les salopards ! Lance-les ! » Les fugitifs de notre position, qui avaient atteint le poste de commandement et d'observation, ont signalé la mort de Djokonda et Sanych. Le troisième point de contrôle était situé sur une colline. On a perçu des grognements et des mouvements inexplicables de là-bas, du côté de la rivière. Nos hommes avaient été avertis que des soldats blessés de la compagnie attaquée pouvaient encore arriver de par là. Il ne fallait pas leur tirer dessus. On devait vérifier d'une manière ou d'une autre. « Qui êtes-vous ? Dites « palianytsia » ! (le pain ukrainien, un mot difficile à prononcer pour les gens qui ne parlent pas ukrainien, ndlr) [readAlso title:" Lire aussi: "] Pour la patrie et contre les clichés, le double combat des femmes dans l’armée   [/readAlso] En réponse, des grognements continus. Ça se rapproche. Et la nuit est très sombre, humide, c'était le mois de décembre. On est comme dans une tombe. Nous avons une caméra thermique pour l'ensemble de la troupe. Les grognements en bas continuent, nul ne répond. Il est clair que quelque chose ne va pas. « Tirez-leur dessus avec des mitrailleuses » ! ordonne le commandant. Exécution. Notre combattant Avdiy regarde par la caméra thermique. Il y alors plein de monde qui quitte le champ en courant. Le commandant du troisième poste fortifié commence à paniquer. À ce moment-là, Tour, le commandant de la brigade de parachutistes, Dick, le commandant de la compagnie S, Harry, le commandant de la compagnie des forces de volontaires et Mariman, le commandant adjoint du bataillon D, sont réunis au point de contrôle et d'observation. Le commandant des parachutistes est un gars expérimenté. Il a la trentaine, un tempérament stable. Il ne montre pas d'émotions mais garde une vision claire de la situation. Après quelques échanges, Harry dit au commandant des parachutistes : « Vous, commandant, restez ici, et nous partons vers la troisième position, pour ne pas la perdre ». Au tout dernier moment avant de partir, Harry réfléchit : « Attendez, c'est bien beau, cette position. Mais ce ravin où nous nous trouvions, où je tenais une réunion, il vient depuis la rivière. Et s'ils essaient de s'en servir pour arriver jusqu'ici » ? C'est la providence de Dieu, à n'en pas douter. Les combattants Lusdorf et Issa s'assoient en face de Harry. Harry regarde Lusdorf et lui dit : « La tâche à accomplir est la suivante : vous devez vous tenir à la sortie du ravin et le contrôler, ainsi que le champ ».

Combattant Harry

Pluie, marécage, obscurité impénétrable, le groupe de soutien s'est rendu au troisième point de contrôle. Les hommes tombent, se relèvent et marchent. Les coups de feu ont servi de guide. 57 mètres semblent une immensité. L'ennemi a attaqué sans tirer. Pour ne pas se dévoiler et se rapprocher le plus possible. La pluie, les marécages et une seule caméra thermique nous ont sauvés. Feu le 12 ! Feu le 10 ! Feu le 3 ! Ils ne répondent pas, ils sont de plus en plus nombreux, ils se rapprochent. Afin d'atteindre nos positions et d'attaquer sans se faire remarquer, les « orques » (surnom donné aux Russes, ndlr) ont rampé à travers le champ de tournesols à 200 mètres, dans le marais. Ils n'étaient pas visibles dans la caméra thermique jusqu'à ce qu'ils commencent à traverser la rivière. Harry donne l'ordre à l'unité de tirer. Mais les cibles ne sont pas visibles, la pluie étouffe les sons. On tire au hasard. Il n'y a pas le temps de recharger. Il faut faire quelque chose. Grenades ! Lancer des grenades de haut, voilà une solution ! Tout le monde s'y met. L'ennemi se retire face au troisième point de contrôle, laissant derrière lui ses morts. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Volontaire biélorusse « Tchervony »: «Je ne me suis jamais autant battu pour une fille que pour un contrat avec l’armée ukrainienne »  [/readAlso] Au même moment, la mitrailleuse d'Issa commence à tirer. Qui sait, peut-être que cette attaque contre notre point de contrôle n'était qu'une manœuvre de diversion pour cacher une attaque par le ravin où personne n'était censé se trouver. L’ennemi pouvait tenter d'aller immédiatement en profondeur dans nos lignes et de capturer le point d'observation, où se trouvaient cinq officiers à la fois. L'ennemi avait un plan clair et savait exactement quoi faire. Il était possible que l'emplacement de nos positions ait été indiqué par des soldats capturés, ou peut-être par quelqu'un d'autre, mais il semblait que les « orques » avaient des informations précises. Après avoir pris le point d'observation, ils pourraient facilement revenir sur nous par l'arrière, vers nos points de contrôles, et tuer tout le monde. Mais cette situation a été évitée par deux combattants : Lusdorf, 53 ans, d'Odessa, équipé d'une caméra thermique sur sa « Kalach » et Issa, 20 ans, de Kropivnytsky, avec sa mitrailleuse. Dès le lendemain, le combattant Borets a examiné les corps des trois wagnériens que nous avions éliminés. Car il s'agissait bien d'eux. Il s’est avéré qu’il s’agissait de gars forts physiquement. Pas des toxicomanes ou des alcooliques. Ce n'étaient pas des repris de justice, mais des mercenaires professionnels, disposant d’uniformes de bonne qualité, de gilets parre-balles et de casques professionnels. Sanych et Djokonda sont aussi revenus, au matin. Djokonda avait été légèrement blessé : deux balles dans le bras. Malgré cela, il avait combattu jusqu'au dernier ennemi. La dernière grenade que Sanich a quand même lancée, à contre-cœur, a fait mouche et a permis de stopper l'avancée de l'ennemi sur leur position. Cette nuit, nous n'avons pas perdu d’hommes. P.S : Les noms des unités, les noms de lieux et certains pseudonymes ont été modifiés. Ce texte s’inscrit dans la suite des reportages sur le front ; ils sont écrits à la première personne. Si vous n’avez pas lu les précédents, vous pouvez les trouver ici : [post_title] => Dans le quotidien d’un soldat au front : bataille de nuit pendant la campagne d'hiver [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => closed [ping_status] => closed [post_password] => [post_name] => dans-le-quotidien-d-un-soldat-au-front-bataille-de-nuit-pendant-la-campagne-d-hiver [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2023-07-20 17:13:54 [post_modified_gmt] => 2023-07-20 17:13:54 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://tyzhden.fr/?p=4891 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw ) [2] => WP_Post Object ( [ID] => 4822 [post_author] => 6 [post_date] => 2023-06-30 17:45:20 [post_date_gmt] => 2023-06-30 17:45:20 [post_content] => Dmytro Sintchenko est un auteur de The Ukrainian Week/Tyzdhen.fr, pour lequel il a couvert la politique locale dans la ville de Kropyvnytsky et de sa région lors des élections locales de 2020. C’est aussi un militant, engagé en politique et blogueur. Après le début de la grande invasion du 24 février, il a rejoint l’armée ukrainienne. Ses textes décrivent la vie des soldats au front. Son nom de guerre est Perun. Nos cours de médecine d’urgence se déroulent dans des conditions aussi proches que possible du combat. Les soldats rampent par terre, déformant les garrots tourniquets: « À terre ! C'est sale? Au front, ce ne sera pas très propre non plus ! Sortez vos garrots tourniquets ! Vous saignez de la jambe gauche. Au travail! Et Luna vérifie ». « Attention, Prenez garde à la langue! Si votre camarade est touché, vous devez lui retirer son arme avec précaution! Approchez-vous lentement pour qu’il ne vous tire pas dessus. Et surtout ne vous adressez à lui qu’en ukrainien. Si vous lui parlez russe, il peut vous prendre pour un ennemi ». Dans la vie quotidienne, notre médecin-instructeur, Birnir, parle principalement en russe, mais dans les tranchées, il a appris à parler ukrainien. Je peux vous raconter une histoire à ce sujet. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Deux missions à Bakhmout. Témoignage d’un commandant de peloton de l’armée ukrainienne [/readAlso] Un jour, Birnir a reçu une information au sujet d'un grave problème : une mine de 120 mm avait touché un abri, causant la dispersion de tout le monde. Un soldat a été signalé 200 (en code militaire cela signifie mort – ndlr), il avait été touché à la tête; les autres ont été qualifiés 300 (c’est-à-dire blessés – ndlr). Les médecins refusaient de bouger, parce que les tirs continuaient: « Je portais un gilet pare-balles, j’ai pris mon sac à dos médical, et j’ai sauté dans la voiture. J’ai entendu Luna crier : « Imbécile, prends ton casque ! » et elle me l'a lancé. Je mets mon casque et je pars. De nouveau, les cris de Luna : «Imbécile, et ta pharmacie, et ton fusil d’assaut ? » Merde, c’est vrai, je ne les ai pas pris. Sur le chemin, se trouvent quatre voitures accidentées, certaines sont tombées dans un fossé, d’autres se sont renversées. Six voitures sont parties à la rescousse et deux seulement ont réussi à passer. Pourquoi ? Il y avait un marécage et de plus, la position était dangereuse, car l’ennemi connaissait son emplacement », explique Birnir. « Sur la route, nous rencontrons un autre 200, puis un autre 300 dans une voiture qui venait à notre rencontre. Elle s’était renversée et n’avait pu aller plus loin. Le blessé était dans un état grave, avec de nombreuses blessures – les bras et les jambes arrachés. Ceux qui l'avaient accompagné poursuivaient leur route ». [readAlso title:" Lire aussi: "]   Pour la patrie et contre les clichés, le double combat des femmes dans l’armée [/readAlso] Nous voyons l’équipage d’une autre voiture, une Mitsubishi L200, les gars se sont perdus. Ils ont déboulé près du village de Pravdino, qui se trouve sur le territoire occupé. Ils ont débarqué, ont fumé une clope et sont repartis. Un peu plus loin, c’est un drapeau tricolore russe sur la mairie du village qui leur a fait comprendre leur erreur, un peu tard. Comme leur voiture portait l’emblème de l’armée ukrainienne, tout pouvait se finir très mal et très vite. « Les Orcs (peuple ignoble, brutal et sanguinaire inspiré par d’anciennes légendes à l’écrivain Tolkien, et repris par les Ukrainiens pour désigner les Russes – ndlr) étaient sans doute, par bonheur, ivres ou en état de choc, ils n’ont pas profité de l’occasion », raconte Birnir. Sur place, dans l'abri, Birnir a aperçu plusieurs médecins. Eux aussi, étaient en état de choc. L'un des 300 est venu à leur rencontre, tout seul, malgré sa blessure au rein. Ils ont essayé de le secourir. Hâtivement, Fedorovytch est entré dans l’abri: « Il faut aller chercher les blessés, venez avec moi ! », a-t-il dit. Les médecins, pâles et tremblants, ont répondu : « Ils sont en train de tirer, pas question d’y aller ». « Merde, Fedorovich, le 300, juste là, est considéré comme moyennement blessé, malgré sa lésion au rein. Nous sommes en train de le stabiliser », ont-ils insisté. Alors Fedorovich, a laissé sa colère éclater: « Peu importe. Toi ! Viens avec moi ! » a-t-il dit. Il y avait encore près de six kilomètres pour parvenir à un endroit appelé « Bassein » (Piscine). [readAlso title:" Lire aussi: "]  Volontaire biélorusse « Tchervony »: «Je ne me suis jamais autant battu pour une fille que pour un contrat avec l’armée ukrainienne »  [/readAlso] « Oh, mon Dieu ! Des jambes, des bras, des corps en morceaux... Un gars est venu m'aider. C'était un simple soldat. Petit à petit, nous avons bandé et soigné tout le monde. Il ne restait plus qu'un homme gravement blessé. « Je suis d’Obolon (un arrondissement de Kyiv – ndlr) », m’a-t-il dit. Le soldat qui m'aidait était justement du même quartier. Le blessé s’appelait Lionya et il pesait 120 kilos. Un homme robuste. Sa jambe était fracturée. J’ai dû utiliser deux bandages pour la tamponnade, deux garrots tourniquets. Je lui ai dit : « Ça fera mal, fréro », mais il n’a rien répondu. Ses poumons aussi étaient touchés. Malgré son poids, nous le transportons. Il faisait nuit, la lune est apparue. « Et, pour écourter, nous étions comme dans une peinture à l’huile, pleine de poésie. La nuit, un champ, la vraie beauté... Mais une odeur nauséabonde. Le pire c’est que je ne savais plus très bien où se situaient nos positions » raconte Birnir. Il fallait partir très vite. Et tout d'un coup, l'équipe entend des pas. Deux ombres apparaissent. Birnir se cache, son couteau à la main. Il se souvient du fusil d’assaut oublié. « Mais j'étais un bon escrimeur avant la guerre », pense-t-il avec ironie. « J’entends soudain parler ukrainien », poursuit Birnir. Rangeant son couteau il sort de sa cachette. « Mais que fais-tu ici ? » demande l’une des ombres son arme pointée, avec la voix de Fedorovytch. « On s'est un peu perdu », explique Birnir. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Une repentance par la guerre  [/readAlso] Le danger était partout sur la route, mais Fedorovytch a réussi à ramener tout le monde à Liman, là où étaient les positions ukrainiennes. Alors je confirme: la langue compte, importe et pèse. La langue sauve, en particulier au combat. Et ça n’a rien d’excessif. Ce texte s’inscrit dans la suite des reportages sur le front; ils sont écrits à la première personne. Si vous n’avez pas lu les précédents, vous pouvez les trouver ici [post_title] => Reconnaitre la langue. 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Après le début de la grande invasion le 24 février, il a rejoint l’armée ukrainienne. Ses textes décrivent la vie des soldats au front. Son nom de guerre est Perun. - Notre bagnole est finie ! Cette nouvelle est tombée comme un couperet. Notre blindé, affecté à notre unité, déposait des soldats sur leurs positions depuis plusieurs mois. - Est-ce que tout le monde est sain et sauf ? Si quelqu'un avait été tué, ils l'auraient dit en premier, sans commencer par l'équipement. - Heureusement, personne n'a été blessé. - Comment cela s'est-il passé ? Un seul regard sur Birnir a suffi pour comprendre : nous allons entendre une histoire passionnante. Il existe des gens comme ça : il vous lira l'annuaire et vous mourrez de rire, bien que tout s'écroule à quelques mètres de là. - Alors, c'était comme ça. Matin, soleil, beauté. Rien ne laissait présager des problèmes. Et je n'avais pas été en contact avec ma famille depuis plusieurs jours, ils s'inquiétaient parce qu'il n'y avait pas de connexion du tout. Aucun réseau mobile, rien. De l'autre côté de la route, des hommes sont assis dans une maison équipée de systèmes portatifs de défense aérienne, et ils disent : « Les gars, nous avons un Starlink ! Si vous en avez besoin, venez l'utiliser ! » Je me suis dit que c’était génial ! Que j’allais écrire quelque chose à ma famille. J'y suis entré, j'ai pu parler à ma mère, mon père, ma femme, puis bavarder avec des soldats. J'ai décidé de télécharger un film pour me tenir éveillé la nuit. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Un soir de guerre : conversation prés du front  [/readAlso] Un homme au pseudo Birnir est un médecin de combat, il travaille dans une évacuation sanitaire, sort les blessés de la ligne de front. Il est avec nous depuis l'été. Au début, il faisait partie de l'équipage d'une équipe des médecins bénévoles Hospitaliers, puis il a été mobilisé avec nous, dans l'armée volontaire de la 28e brigade. Dans la vie civile, Birnir était informaticien, par sa formation il était psychologue et par sa passion, un escrimeur. Donc, avant la guerre, il n'avait rien à voir avec la médecine d'urgence, et encore moins avec l'armée. - Dès que j'ai commencé à télécharger un film, environ trois minutes après, j'entends un bang ! Boum ! Et la maison tremble comme ça. Je sors, je regarde - l'ambulance est là. Pas de fumée. Donc, tout allait bien. Ensuite, le film a été téléchargé, je suis sorti et je l'ai regardé : Micha et Paladin se précipitent avec un extincteur. Ils me regardent : « Où étais-tu ? Cours ! Là, la bagnole est brisée en morceaux ! » Je demande : « Et le chauffeur ? Il va bien ? » Tout va bien avec le chauffeur, il n'était pas là. Mais Micha qui se trouvait tout à côté, fût renversée par une vague d’explosion. La caisse n'a pas bougé, mais le pylône s'est éjecté à dix mètres d’elle, et un arbre qui ne poussait pas loin, a été arraché du sol et jeté sur le Hummer. - L'arbre a atterri debout, et les chauffeurs du Hummer le regardent tout étonnés et disent : « Putain, mais il n'y avait pas d'arbre ici ! » [readAlso title:" Lire aussi: "] Négociations avec l’ours. Qui sont ceux qui attendent la défaite de l’Ukraine et comment les affronter sur le terrain diplomatique [/readAlso] Tout en parlant, Birnir n’arrête pas de faire des gestes expressifs et des grimaces. Louis de Funès mourrait de jalousie s'il nous voyait rire pour un rien. Il continue : Je regarde la voiture : elle fume un peu, le pylône est à côté, le toit est cassé, tout le fond est brisé… C'était une sorte d'obus perforant qui l'a détruit. Je regarde Micha, il a une pression sanguine élevée, une crise d'hypertension, nous devons l'emmener à l'hôpital de toute évidence. Mais comment ? En attendant, je lui pose une perfusion intraveineuse et je me rends compte qu'il n'y a aucun réseau pour appeler des autres secouristes ! De plus, il n'y a personne pour nous remplacer. Bref, on s'est éloignés, on s'est mis un peu plus loin, et c'est tout. Quelquefois, il ne reste rien d'autre à faire que serrer les dents et attendre la rotation. En général, l'évacuation sanitaire se passe en sécurité relative, dans un endroit camouflé, peu bombardé, mais le plus près possible de la ligne du front, afin que les blessés puissent être évacués le plus rapidement possible. Mais ça c'est dans l'idéal. Aujourd'hui, on n'a pas eu de chance. Ce n'est pourtant pas la première fois que nos abris médicalisés sont bombardés. Il se peut que ce ne soit pas le dernier. Mais l'essentiel, c'est que notre Birnir fait comme si rien ne se passe et continue à raconter ses histoires. Il nous soigne plus avec ces petits sketchs qu'avec les médocs, en vrai. Cet article est la suite de reportages à la première personne écrit par notre collègue depuis la ligne de front. Si vous n'avez pas lu les textes précédents, vous pouvez les trouver ICI [post_title] => Sur le front, le rire est médecin [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => closed [ping_status] => closed [post_password] => [post_name] => le-pouvoir-curatif-du-rire-sur-le-front [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2023-05-26 18:29:56 [post_modified_gmt] => 2023-05-26 18:29:56 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://tyzhden.fr/?p=3903 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw ) )

Author: Dmytro Sinchenko