La Russie contourne l’embargo sur ses exportations de pétrole grâce à des opérations de transbordement d’un navire russe vers un autre, en pleine mer. Le principal lieu de transbordement se situe au large de la Grèce. Andriy Klymenko, chef du groupe de surveillance de l’Institut d’études stratégiques de la mer Noire, qui observe les mouvements des navires marchands transportant des marchandises russes, explique pour The Ukrainian Week/Tyzhden.fr comment se déroulent ces opérations.
« Les transbordements de pétrole ou de produits raffinés se produisent tous au même endroit, dans le golfe Laconique, situé au large des côtes grecques », explique M. Klymenko.
Lire aussi: Comment le pétrole russe parvient aux pays qui soutiennent les sanctions
La Grèce, de son côté, profite des lacunes de la réglementation pour laisser faire.
« Mais les opérations de transbordement d’un navire à un autre ont lieu en dehors des eaux territoriales. Leurs eaux Grecques sont étroites. Alors que dans la majorité de cas cette zone s’étend sur 12 milles, la Grèce ne dispose que de 6 milles, parce qu’il y a beaucoup d’îles, avec la Turquie à proximité, et Athènes y mène une politique prudente. En d’autres termes, il est possible d’immobiliser un navire par le biais de la défense maritime, si le navire se trouve dans les eaux territoriales, ce n’est pas difficile à faire. Mais s’il se trouve à l’extérieur, le mécanisme est différent », précise M. Klymenko.
Dans le même temps, les navires se trouvent toujours dans la zone économique exclusive de la Grèce, et celle-ci pourrait au moins réagir aux risques environnementaux découlant de telles activités. « Du point de vue du droit maritime, les Grecs devraient au moins comprendre que le transbordement d’énormes volumes de ces produits est une opération dangereuse pour l’environnement. Et ils devraient prendre des mesures. Ils pourraient adresser des avertissements à la radio, des avertissements écrits aux armateurs, et aux capitaines de ces pétroliers », estime le chercheur.
De plus, une nouvelle zone de transbordement de navire à navire est en train d’émerger en mer Noire : « Si vous tracez une ligne droite entre la petite ville turque de Sinop et Novorossiysk (un port de commerce russe sur la mer Noire – ndlr), vous verrez apparaître une nouvelle zone de transbordement à peu près à mi-chemin. Parce que c’est rentable, c’est efficace, c’est une rotation plus rapide des navires. Cette zone est visible pendant deux ou trois jours, voire une semaine, lorsque les conditions météorologiques sont bonnes et que le signal [des navires] est reçu ».
Lire aussi: Comment la Russie entraîne l’Afrique dans un engrenage de dépendance économique
Andriy Klymenko indique que les exportations de pétrole russe n’ont cessé de croitre au cours des deux derniers mois. « La diminution des expéditions vers l’UE en avril-mai a été suivie d’une augmentation significative qui a presque atteint le niveau de janvier 2023 : 1 122 192 tonnes en 20 jours de mai. La croissance en avril 2023 a été de 68,2 %, et en 20 jours de mai de 40,0 % par rapport au mois précédent », précise-t-il.
Contrairement à ce qui se passait en mars 2023, où le pétrole russe n’a pu être exporté qu’au moyen d’opération de transbordement, en mai 2023, il a été livré à deux ports appartenant à des pays de l’UE : les Pays-Bas et l’Espagne (transporté par des navires-citernes grecs). Alors qu’en mars 2023, un seul des pétroliers violant l’embargo appartenait à une société enregistrée dans un pays de l’UE (la Grèce), en avril, 4 pétroliers ont violé l’embargo, et au cours des 20 premiers jours de mai, 5 pétroliers appartenant à des armateurs grecs ont contrevenu au régime des sanctions.
Lire aussi: Comment la Russie évite les restrictions commerciales
« Ainsi, le respect de l’embargo de l’UE et du G7 sur les importations de pétrole brut russe par voie maritime en provenance de la mer Noire dépend presque entièrement de la capacité du gouvernement grec à contrôler les actions des armateurs du pays et les transbordements effectués dans le golfe Laconique, qui est situé en dehors des eaux territoriales, mais tout de même dans la zone économique maritime exclusive de ce pays », conclut M. Klymenko.