Comment la Russie évite les restrictions commerciales

Économie
20 mars 2023, 08:20

Le paquet de sanctions, imposés à la Russie depuis le début de la guerre totale, sont renforcées de jour en jour et visent essentiellement son secteur pétrolier. Cependant, ils ne sont pas suffisants. Les problèmes de la politique de sanctions globales contre la Russie ont été examinés dans le cadre du débat « Les sanctions internationales contre la Russie: des possibilités supplémentaires » organisé par le « Centre d’étude globale ‘Strategie du XXI ‘ » (Centre for Global Studies « Strategy XXI ») et l’Institut d’études stratégiques de la mer Noire. Les représentants des deux structures ont présenté des concepts généraux et des propositions pour l’extension des sanctions. Les recherches qui ont eu lieu entre octobre 2022 et mars 2023 ont servi de base à un débat.

Le président du « Centre d’étude globale ‘Strategie du XXI’ », Mykhailo Gonchar, a précisé que les
régimes de sanctions, imposés à la Russie depuis 2014, se sont avérées insuffisantes pour qu’elle
renonçait à ses projets expansionnistes. En particulier, même avec des revenus pétroliers plus
faibles avant l’invasion à grande échelle, le Kremlin a poursuivi ses activités. Par exemple, en 2012-
2013, les bénéfices des exportations de pétrole s’élevaient à plus de 360 milliards $. En 2016, elles
étaient déjà réduites à la moitié de ce niveau, et s’élevaient à environ 160 milliards $. Par ailleurs, la
Russie a gagné 345 milliards $ sur ses exportations de pétrole l’année dernière, malgré tous les
régimes de sanctions.

Le responsable du groupe de suivi de l’Institut d’études stratégiques de la mer Noire, Andriy
Klymenko a déclaré que nos partenaires étrangers nous disent souvent : toutes les entreprises
essentielles à la poursuite de la guerre sont soumise à des sanctions. Cependant, au cours de l’étude,
Klymenko et ses collègues ont identifié un certain nombre d’objets qui ont été négligés et qui
nécessitent des sanctions.

Selon Tatyana Guchakova, directrice de l’Institut d’études stratégiques de la mer Noire, les marchés
publics de défense sont passés à huis clos en Russie depuis février 2017. Depuis avril 2020, les
entreprises de défense russes ont la possibilité de ne pas publier leurs plans d’approvisionnement.
Ces restrictions et d’autres informations critiques antérieures cachent de nombreuses installations
dans l’ombre.

« Aujourd’hui, la liste des propositions de sanctions comprend 175 entités juridiques impliquées
dans le complexe militaro-industriel russe, les secteurs critiques de l’économie et de la recherche,
qui sont directement ou indirectement impliquées dans la conduite de la guerre. Il s’agit
d’informations supplémentaires à leur sujet et de preuves de leur implication dans l’invasion. La
liste inclue 12 entreprises impliquées dans la construction d’avions, 4 dans le programme militaire
et spatial du Kremlin, 5 dans le développement de missiles, 11 dans la production de munitions, 7
dans la création et la production de systèmes de blindage et de protection balistique, 4 dans les
systèmes de défense aérienne, 3 dans les systèmes de radar et 2 dans le développement et la
fabrication de systèmes de guerre électronique. 51 autres entreprises produisent des armes sans
spécialisation particulière, etc. », a expliqué Mme Guchakova.

Actuellement, les experts ne sont pas en mesure de préciser les noms exacts des entités afin que les
organismes compétents des Etats-Unis, de l’UE et du Royaume-Uni étudient les propositions. Mais
un ensemble de sanctions a déjà été annoncé dans le cadre de ce projet, qui incluait 43 sociétés de la
liste. Certaines figurent uniquement sur la liste des sanctions de la part de l’Ukraine. D’autres ont
été ajoutés sur la liste par l’UE, le Royaume-Uni et les Etats-Unis dans diverses combinaisons. Malgré cela, il existe un certain nombre d’installations critiques, qui ont jusqu’à présent évité les
sanctions. Mme Guchakova rapporte qu’avant l’invasion à grande échelle, certaines de ces
entreprises ont connu des problèmes de financement. Leurs fonds ont été utilisés de manière
inefficace et il y avait beaucoup de corruption. Selon le spécialiste, la Fédération de Russie n’avait
probablement pas prévu que la guerre serait de longue durée.

Les exportations de pétrole vers l’Europe se poursuivent

Andriy Klimenko a également attiré l’attention sur les méthodes utilisées par la Russie dans les
médias pour faire oublier l’inefficacité du processus de sanctions. Les hauts fonctionnaires russes
déclarent publiquement: « Les filles et les garçons, tout marche bien ! Vos sanctions fonctionnent,
nous avons un catastrophe financière ». « Les médias ne doivent pas faire circuler ces messages, au
moins, cela devrait susciter le soupçon et le désir de savoir ce qui se passe sur le terrain », a-t-il
noté.

Le suivi a montré que la Russie a réussi à réorienter ses exportations de pétrole du marché européen
vers les pays asiatiques. Un autre problème est qu’après l’embargo, les exportations de pétrole brut
de la mer Noire vers les pays européens n’ont pratiquement pas diminué. Par exemple, selon
Klymenko, l’embargo sur le pétrole brut est entré en vigueur en décembre. Le même mois, un
million de tonnes de pétrole a été transporté dans les ports européens. Ce chiffre est resté inchangé
en février. En d’autres termes, le produit brut continue d’entrer dans les eaux territoriales des pays
de l’UE. La Grèce achète 70 à 80 % du total, bien que le pétrole ne soit pas physiquement importé
dans le pays, mais transbordé dans sa zone économique maritime exclusive avant d’être expédié
n’importe où.

M. Klymenko a également déclaré qu’immédiatement après l’introduction du plafond des prix du
pétrole, M. Poutine a publié un décret interdisant catégoriquement aux exportateurs russes
d’expédier du pétrole dans le cadre du plafond des prix : « Il est fort probable que les contrats
d’exportation de pétrole vers l’Afrique, l’Asie et l’Extrême-Orient ne prévoient aucun plafond de
prix. Personne en Russie ne montre ces contrats aux assureurs ou aux transporteurs européens…
Les Russes n’ont pas l’attitude responsable à l’égard des contrats, qui constituent un document
important, et ils avancent n’importe quel chiffre pour rassurer l’armateur du pétrolier. Il s’agit d’un
pétrole sanglant, qui est transformé en obus, en armes, etc. » C’est pourquoi, selon l’expert, il n’est
pas nécessaire de reproduire les messages de la Russie selon lesquels les sanctions fonctionnent
pour le pire, mais plutôt de comprendre l’ombre et les schémas criminels.

Selon Igor Stukalenko, responsable des programmes énergétiques au Centre « Strategie du XXI »,
dans le secteur énergétique russe, l’impact des sanctions est très inégal. L’industrie gazière perd
beaucoup en raisons des restrictions à l’importation, tandis que l’énergie nucléaire est pratiquement
intacte.

Selon Sehiy Zgurets, directeur de la société d’information et de conseil Defense Express, les
sanctions sont partielles. Par exemple, « Rosatom » a l’accord avec un certain nombre d’entreprises
russes pour la fourniture de certains composants critiques pour les armes. Les sanctions imposées à
« Rosatom » ne sont pas suffisantes pour limiter l’utilisation de ces composants et arrêter la
production de composants de guerre à partir de cette source.

L’expert a ajouté que les conclusions de la conférence de Munich sur la marge de sécurité de la
Russie suggèrent que la limitation de la composante technique affaiblira les autres capacités russes.
En effet, alors que les réserves économiques et militaires de l’agresseur lui permettront de tenir
encore deux ou trois ans de guerre, son stock de mobilisation durera jusqu’en 2030.