« DAWN (l’aube), enfants d’Ukraine » est le titre de l’exposition photographique du photographe français d’origine ukrainienne Youry Bilak, qui se tiendra jusqu’au 26 octobre 2024 à Chaville, près de Paris. Elle raconte les violences physiques et psychologiques que subissent les Ukrainiens.
Depuis la fin des années 1990, Youry Bilak se consacre professionnellement à la photographie. A ce moment, il a déjà une riche carrière artistique derrière lui. Youry a étudié auprès du chorégraphe Anatoliy Kravtchenko à Sarrebruck (Allemagne), a appris l’art de la danse à Lviv (1982, Ukraine) et aux États-Unis, il a dansé dans le cabaret « UKRAINIAN CARAVAN » (Toronto, Canada). Il a également fait partie de la troupe du spectacle « CABARET » du metteur en scène français J. Savary, avec qui il joua en tournée durant trois ans dont un an au théâtre Mogador à Paris. Il a écrit, chorégraphié et mis en scène des spectacles avec des enfants d’origine ukrainienne à Rochepaule (France).
Selon Youry Bilak, l’art de la photographie permet de mieux comprendre les gens et le monde qui les entoure. Ses œuvres sont reconnues dans de nombreux pays. Ses expositions ont connu un grand succès en France, en Ukraine, ainsi que dans d’autres pays européens comme l’Allemagne, la Pologne, la Roumanie, mais aussi au Canada et au Japon.
Depuis 2004, Youry réalise régulièrement de grands projets visant à mettre en lumière l’histoire et la culture ukrainienne, au travers de reportages ethnographiques sur le pays de ses ancêtres. Youry Bilak est né à Lyon en 1961 dans une famille d’émigrés ukrainiens, son père, participant du groupe de marche du « détachement de Bucovine », devenu membre de la Résistance française, et chevalier de la Légion d’honneur.
Pour ses photos, Youry parcourt toute l’Ukraine, vit chez l’habitant, il s’intéresse aux us et coutumes traditionnels. Au cours de ces années, il a traversé de nombreuses régions, d’Oujhorod à Donetsk. Ses photographies présentent des Houtsouls (habitants des Carpates ukrainiennes), des « gueules noires » de Vouhledar, des artistes d’opéra ou de l’ensemble national d’Ukraine Virsky.
Ses reportages à travers l’Ukraine se sont concrétisés par plusieurs livres photographiques : « LES HOUTSOULS, dans l’ombre des Carpates » (Rome, 2012), « MAÏDAN – DONBASS, une histoire d’avenir » (Kyïv, 2017), « MINEURS D’UKRAINE » (Lewarde, 2023).
Avec le début de l’invasion à grande échelle de la Russie en l’Ukraine, Youry a estimé qu’il était de son devoir d’attirer l’attention mondiale sur la guerre et les problèmes des Ukrainiens. Il a effectué de nombreuses visites autant en zones de combat que dans des territoires libérés, interagissant avec des militaires et des civils touchés par les bombardements et les frappes aériennes, documentant les crimes des occupants russes. Il collecte également des fonds, mobilise des associations et apporte une aide concrète aux civils et aux volontaires ukrainiens.
Cette année, plusieurs expositions majeures de Youry Bilak ont eu lieu en France et au Canada. Pendant les Jeux olympiques et paralympiques à Paris, il a présenté l’exposition TITANIUM sur les berges de Seine qui porte sur les ukrainiens amputés à cause de la guerre. « Le nom de l’exposition fait référence au métal, le titane, qui est utilisé pour confectionner les prothèses. Il symbolise la force et la détermination des Ukrainiens », souligne l’artiste. À côté de chaque photo, des textes expliquent le parcours de ces Ukrainiens ayant subi ces graves blessures. Le but de cette série est de montrer que ces Ukrainiens, malgré les traumatismes causés par des explosifs, démontrent chaque jour leur résilience. Parmi eux se trouvent des enfants et des adultes, des civils ou des militaires.
Puis, également cette année « MINEURS D’UKRAINE » a été présentée au Centre Historique Minier (Lewarde), et « Du Holodomor à la guerre russo-ukrainienne » au Musée de la Résistance (Limoges).
La première de l’exposition « DAWN » a eu lieu presque simultanément à Grenoble et à Strasbourg, au Conseil de l’Europe, pour marquer le deuxième anniversaire de l’invasion à grande échelle. Elle a également été montrée lors du très fréquenté festival ukrainien de Bloor West Village à Toronto (Canada) et est actuellement exposée à Chaville.
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Le photographe raconte les violences physiques et psychologiques que subissent actuellement les Ukrainiens en raison de cette guerre brutale. L’exposition présente 33 photographies qui, à travers les yeux des enfants, parlent de l’horreur et de la cruauté de la guerre russo-ukrainienne. Ce sont des images puissantes et touchantes qui montrent comment leur vie paisible et heureuse a été bouleversée.
Les photos, prises en avril 2022 à Irpin, Tchernihiv, Borodyanka, Boutcha, Hostomel, Yahidne, Novoselivka… montrent des enfants devant leurs maisons détruites, dans des paysages ravagés, des terres brûlées, témoignant du conflit qui dure en réalité depuis 2014. Sur ces clichés, nous voyons des enfants qui, en un instant, sont devenus adultes : Makar, 4 ans ; Oleksandra, 5 ans ; Mykhaïlo, 3 ans… Yelyzaveta, 13 ans, de Tchernihiv, pratique la gymnastique et avait participé au championnat d’Ukraine juste avant l’invasion à grande échelle. La photo de Yelyzaveta, prise devant un immeuble détruit, incarne la Statue de la Liberté, à la fois délicate et inflexible. Les épreuves qu’elle a traversées l’ont rendue irrépressible.
Chaque photo est accompagnée d’une description : le nom de l’enfant, son âge, la ville où la photo a été prise, et une courte histoire de sa vie. Cela touche profondément. Un QR code donne accès à leur histoire complète en français et en anglais. Youry Bilak montre que la guerre n’est pas abstraite et lointaine ; elle tue et blesse des personnes concrètes, détruit des vies, enlève aux enfants un bonheur présent et rend l’avenir incertain. Youry rend concrètes les données statistiques sur les enfants tués, blessés et traumatisés, leurs donnant une voix à travers ses images, les mettant en avant comme des individus au-delà des chiffres. On ne peut oublier les regards profonds d’enfants, empreints de douleur, de souffrance, de chagrin et de sérénité.
Après l’ouverture officielle de l’exposition, à laquelle ont assisté le maire adjoint de Chaville, Monsieur Hervé Lièvre, et d’autres invités éminents, une conférence a eu lieu où au travers de ses photographies, Youry Bilak a rapporté les témoignages des tragédies et épreuves que subit le peuple ukrainien depuis plusieurs années.
Selon les données officielles ukrainiennes, à ce jour, 579 enfants sont morts, 1 644 ont été blessés, 1 947 sont portés disparus, et 19 546 enfants ont été identifiés comme ayant été emmenés de force en Russie, en fait enlevés. Cependant, selon des informations provenant de sources ouvertes, le nombre d’enfants déplacés vers la Russie varie de 307 000 à 800 000. On cherche à effacer leur mémoire de la patrie, à les russifier, à leur inculquer des narrations anti-ukrainiennes.
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C’est précisément ce qu’a évoqué, d’un point de vue juridique, Emmanuel Daoud, avocat au cabinet Vigo, spécialiste en droit pénal international et droits de l’homme, près la Cour pénale internationale (CPI). Il a remis à la CPI ses commentaires (plainte) pour déportation d’enfants ukrainiens par la Russie. M. Daoud a expliqué notamment que depuis le début de l’invasion russe en 2022, la Russie a déplacé de force des milliers d’enfants ukrainiens vers des territoires sous son contrôle, leur a accordé la nationalité russe, les a placés de force dans des familles d’accueil russes et a créé des obstacles à leurs retour dans leurs familles et dans leur patrie. Étant donné l’ampleur des déportations et des déplacements forcés d’enfants ukrainiens, on peut raisonnablement penser (au sens du Statut de Rome) à une volonté génocidaire de l’État russe, ainsi qu’à des crimes contre l’humanité.
Actuellement, la recherche de ces enfants est très compliquée, car l’État russe change complètement leur état civil (nom, prénom, date et lieu de naissance). Nous espérons que tous les criminels, tueurs d’enfants ukrainiens, seront punis, et que tous les enfants enlevés reviendront chez eux, en Ukraine, même si pour beaucoup leur maison n’existe plus…
Youry a intitulé son exposition « Aube », car l’aube est le moment de la journée avant le lever du soleil, lorsque la lumière commence à apparaître, le début d’un nouveau jour. L’artiste se demande : À quoi ressemblera cette nouvelle aube pour les enfants ukrainiens qui ont souffert de l’occupation et des bombardements russes ?
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L’exposition se tiendra à l’Atrium de Chaville jusqu’au 26 octobre 2024.
Ces photographies peuvent être consultées sur le site de Youry Bilak.