Ces jours-ci, le centre VeteranHub, en collaboration avec le théâtre Uzahvati [« J’admire » en ukrainien] ont donné un spectacle intitulé « Remarquable », œuvre qui laisse le cœur serré et aborde un sujet grave : l’expérience des femmes dont les partenaires se retrouvent sur le front. La performance immersive prend la forme d’une promenade interactive, les écouteurs sur la tête, dans les salles de la gare centrale de Kyiv.
« La pièce parle des femmes de soldats qui attendent leurs amoureux, de leurs sentiments à elles, de leurs expériences et de leurs pensées, en se fondant sur des histoires vraies de femmes, d’épouses, de fiancées de soldats des forces armées ukrainiennes », explique Geneviève Stronska, compositrice de la pièce.
La journaliste Alyona Vyshnytska, épouse d’un militaire, précise : « Le spectacle commence devant les murs de la gare de Kyiv et se poursuit dans les salles d’attente, les couloirs, sur les quais et, surtout, l’action se déroule via les écouteurs. Il n’y a pas d’acteurs. Tout ce que vous allez entendre, ce sont des récits et les voix de femmes de soldats partis au front.
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Pendant une heure et demie, vous plongez dans la réalité que de nombreuses femmes, dont moi, vivent 24 heures sur 24. J’aimerais vraiment que le plus de personnes possible puissent assister à ce spectacle, notamment celles dont les proches ne sont pas au front. Pour certains, ce spectacle parlera peut-être de leurs amis. Pour d’autres, il apprendra ce qui devrait ou ce qui ne devrait pas être dit devant les membres de la famille des soldats partis au front. Pour d’autres encore, ce sera une impulsion pour prendre une décision ».
« Depuis que Max s’est fait recruter dans l’armée, je suis en train de vivre dans un océan de différents sentiments : la terreur, la résolution, la confusion, l’impuissance, le courage, la plénitude et le désespoir. Et pour l’instant, je gère mes émotions. Notre amour me vient en support », poursuit-elle.
« Mais malgré le fait que j’ai mes repères – même s’ils vacillent parfois, ils sont toujours là -, de temps en temps, j’entends des mots qui me font presque perdre cet équilibre fragile. Et bizarrement : ces mots-là auraient pu ne jamais être prononcés », conclut Alyona Vyshnytska.
Il y a peu, j’ai lu le profil d’une femme qui s ‘appelle Ksenia Dronya sur les réseaux sociaux. On ne se connaît pas, mais souvent elle parle de son expérience en tant que fiancée d’un soldat au front. Dans l’une de ses publications, elle dit précisément ce qui suit :
« Mon calice de douleur semble enfin avoir débordé. Je m’en sortirai, je suis vulnérable à ce stade parce que cela me fait mal, mais je sais encore comment me défendre. Mais il y a ceux qui ne savent pas le faire, ils sont à fleur de peau ou il leur manque des ressources pour être forts. Alors j’écris à leur place et pour eux. Et je vous demande de réfléchir à chaque fois que vous parlez à ceux dont les proches sont au front pour vous défendre. Et avant de dire une phrase telle que : « mon mari a peur de quitter la maison, de peur d’être mobilisé», ou encore : « le mien s’est fait inscrire à la fac pour faire un master, donc on ne craint rien pour au moins 2 ans » et ainsi de suite, pensez qu’en ce moment vous, qui devriez remercier les soldats qui se battent pour vous défendre, au lieu de cela, vous massacrez moralement leurs proches. Et si les mots laissaient des bleus, j’en serais toute meurtrie aujourd’hui ».
Je crois que toute personne peut apprendre à avoir de l’empathie et de l’humanité, même sans avoir de talent inné pour cela, et que la complicité est une douce force pour l’avenir.
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Des spectacles comme celui-ci brisent les barrières entre les personnes ayant des expériences différentes et permettent à chacun de mieux comprendre l’autre. N’est-ce pas là l’un de nos principaux défis aujourd’hui ? »
Lydia Garmach, une autre spectatrice de la pièce, confie: « J’ai eu des sanglots dès les premières minutes de la représentation, et ma copine venait sans dire un mot et me serrait la main. Parce qu’on aurait dit que j’allais m’écrouler dans l’instant… Et je ne me suis pas écroulée, j’ai juste vécu une fois de plus le flot d’émotions: tristesse-colère-amour-haine-joie-confusion-honte-fierté-apathie-désir-émotion-espoir… C’est vrai, tu peux exploser… mais tu tiens bon. Tu ne sais pas pourquoi ni comment. La seule chose que tu te dis c’est « je dois ! » »
Yuliya Petrova, spectatrice du spectacle, ajoute : « Celles qui attendent… Attendent leurs maris, leurs amoureux, les combattants qui défendent aujourd’hui la terre d’Ukraine… Parmi elles, il y a celles qui ne reverront plus jamais les leurs rentrer… Ou celles qui ne désespèrent pas, car leur bien-aimé est en captivité… Vingt histoires différentes de jeunes femmes ukrainiennes. Celles qui devraient être ENTENDUES. Pour ces hommes. Pour elles-mêmes. Pour la vie. Je recommande vivement la pièce à tous mes proches et amis. A tous les MIENS ».
Le ticket pour ce spectacle est gratuit, sur inscription préalable.
Voici quelques citations de la pièce :
« Tout le monde m’interroge : « Comment va Kostya ? » et personne ne demande, si moi, je vais bien ».
« On dit que je fais partie des civiles, mais ce n’est pas le cas ».
« Cette ride, elle vient de toi ».
« Chers passagers ! N’oubliez pas de vous accrocher aux mains courantes. Tout le temps. Accrochez-vous, s’il vous plaît ».