Konotop, ça vous dit quelque chose, à part peut-être qu’on y croise des sorcières à chaque coin de rue ? C’était du moins le cas au XVIIIe siècle, comme l’a raconté le grand écrivain ukrainien Hryhoriy Kvitka-Osnovyanenko. Notre correspondant a vérifié si c’est toujours vrai.
Il s’avère que Kvitka-Osnovyanenko n’a pas vu ces sorcières lui-même, cette histoire lui a été racontée, mais cela ne signifie pas que les sorcières de Konotop ont disparu. Bien au contraire. En tout cas, les personnes qui ont, au moins un lien avec cette ville – une femme qui en est originaire ou une belle-mère – affirment que la population n’a fait qu’augmenter et s’épanouir. Cependant, la ville a subi de telles pertes et destructions au cours des derniers siècles, qu’il se peut que les sorcières elles-mêmes l’aient fuie. A califourchon sur leur balai, elles se sont envolées.
Le cimetière des soldats de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale se trouve en plein centre de la ville moderne de Konotop, dans le parc près de la mairie. Extrait des archives d’Oleksander Akulytch
Mais il n’y a pas que les sorcières à Konotop. Il s’avère que Konotop est aussi un trésor d’anecdotes, souvent oubliées, étranges, déformées, mais toujours intéressantes et précieuses. Et c’est un péché de ne pas les écouter. Car il s’agit d’une pièce maitresse de notre grande histoire, sans laquelle l’image que nous avons ne serait pas complète. En s’aventurant dans les rues de Konotop, vous pouvez facilement devenir un explorateur des terres inconnues ou avoir la chance d’être initié à un grand secret.
Oleksander Akulytch, qui connait presque tout de Konotop et même un peu plus, était mon guide dans la ville. Aujourd’hui, il est le directeur par intérim du musée ethnographique de la ville de Konotop qui porte le nom d’O.M. Lazarevskiy. Avant de devenir employé du musée, il organisait simplement des visites gratuites de sa ville natale et mettait en œuvre toutes sortes de projets importants liés à l’histoire locale. Olexander n’est pas un historien professionnel de formation, il est ingénieur, mais il est passionné d’histoire et il vit littéralement pour elle. C’est grâce à lui et à des gens comme lui que Konotop reprend peu à peu ses aises, se retrouve et extrait ses trésors des profondeurs de sa mémoire.
Oleksander Akulytch à la porte de Malevitch
De Kyiv à Konotop, 250 kilomètres par la route, trois heures en voiture ou en train, ce n’est pas si loin. Cependant, peu de Kiéviens viennent ici pour le week-end. A respirer à plein poumons loin de la mégapole, à faire des balades dans les rues sinueuses, à découvrir les lieux où les Cosaques coiffaient des Moscovites avec leurs sabres. La bataille de Konotop de 1659 est une histoire très intéressante et édifiante – et très pertinente de nos jours.
Mais Konotop a de multiples facettes. Bien que je sois venu ici pour voir et raconter comment la ville a survécu à la guerre, je me suis rendu compte qu’il me fallait plonger beaucoup plus profondément. Pour comprendre et ressentir cette ville, il faut connaître son passé, malheureusement très effacé et mutilé. Pendant l’occupation bolchévique, la ville a connu un terrible nettoyage de son patrimoine historique. Les prolétaires autochtones, ainsi que les étrangers ont fait tant d’efforts qu’ils n’ont pratiquement rien laissé qui puisse nous rappeler la grandeur passée de Konotop.
Konotop. Archives d’Oleksander Akulytch
Oleksander dit que dans le vieux centre de Konotop, il ne reste que dix pour cent des bâtiments historiques, tout le reste ayant été détruit. Et sur les dix grandes églises de la ville après le coup d’État bolchevique, huit ont été détruites. C’est pourquoi Konotop semble aujourd’hui « triste et malheureuse », pour paraphraser le classique, car elle était une perle rare et est devenue depuis une ville post-soviétique en désuétude, où le souffle du temps efface les dernières traces de sa grandeur d’autan. Pourtant, elle vaut toujours la peine d’être visitée et voici pourquoi.
Ne serait-ce que pour admirer les anciens volets sculptés des fenêtres aux motifs luxueux. A Konotop, il reste beaucoup de maisons anciennes où de telles merveilles ont été préservées. Et aussi pour voir à quoi ressemblent des stores en bois sur des fenêtres vieilles d’un siècle et demi. C’est presque incroyable, mais quelqu’un a un jour eu l’idée de fabriquer ces mécanismes plutôt sophistiqués en bois, et ils se sont répandus dans la ville. Parfois, les gens vivent dans leur maison pendant des années sans savoir que leurs fenêtres ou même leurs portes sont équipées de ces volets miracles. À Konotop, il y a des maisons plus que centenaires qui sont encore habitées. Certaines d’entre elles ont un plan étrange avec des escaliers menant directement au deuxième étage, comme dans le vieil Odessa, mais en bois.
Les portes de Malevitch
On y trouve également un bar légendaire, vieux de deux cents ans au moins. Les résidents le connaissent sous l’enseigne de « Metro », plusieurs générations d’habitants y ont mis les pieds. La porte date de l’époque du jeune Kazimir Malevitch – le futur auteur du célèbre chef-d’œuvre « Carré Noir sur fond blanc ». On dit que sa première toile, il l’a vendue dans la boutique qui se trouvait derrière cette porte. En 2023, Olexander Akulytch avec ses amis ont restauré cette porte, et même ils ont retrouvé la poignée d’origine. « Aujourd’hui, cette poignée exhausse les souhaits », déclare mon guide. De nombreuses personnes ont Olexander appelé après les visites pour le remercier d’avoir réalisé leurs vœux.
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Et non loin de la porte de Malevitch, on peut voir à quoi ressemble une véritable bouche d’incendie américaine, comme dans les films hollywoodiens. Un brevet américain datant de 1897. Seules six villes ukrainiennes possèdent de telles bouches d’incendie ouvertes.
Il en existe une à Tchernivtsi depuis l’époque de l’Autriche-Hongrie, plusieurs à Odessa, Kharkiv et Kyiv, à Guyv pas loin de Vinnytsia, où se trouvait la résidence de Himmler, le « Hegewald », un poteau de décoration à Soumy, installé récemment, et huit bouches d’incendie à Konotop. Quelques-unes fonctionnent toujours.
La maison où vécut l’attaché militaire japonais pendant la guerre russo-japonaise (1904-1905)
La maison à Konotop où vivait l’attaché militaire japonais expulsé de Saint-Pétersbourg lors de la guerre russo-japonaise (1904-1905) n’est pas détruite complètement. Lorsque les Japonais ont commencé à gagner la guerre contre les Risses en Extrême-Orient, l’attaché militaire japonais a été interdit d’accès aux grandes villes de l’Empire russe et s’est donc rendu à Konotop. Jusqu’au milieu des années 20, des institutions administratives siégeaient dans la maison, puis elles ont quitté les lieux et, comme souvent, le bâtiment a été brulé. Etant oubliée de tous, la bâtisse est tombée en ruines peu à peu. Aujourd’hui, elle est dans un état de délabrement avancé. Théoriquement, elle pourrait être réparée, elle possède également des volets en bois rarissimes et de beaux stores, mais il n’y a pas preneur.
Voici à quoi ressemblent les stores en bois
Et il y a aussi un très grand aérodrome à Konotop. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le quartier général de la deuxième flotte de la Luftwaffe était basé ici et la ville jouait en fait le rôle de plaque tournante de l’aviation technique. Des avions allemands partaient d’ici pour bombarder Moscou et tous les véhicules destinés au front de l’Est étaient livrés ici, inspectés, réarmés et envoyés vers d’autres bases, du Caucase à la mer du Nord. Aujourd’hui, l’aérodrome n’est pas utilisé car trop proche du front. Et la piste d’atterrissage, endommagée par les Allemands lors de la retraite, est inutilisable.
Cependant, il existe un musée de l’aviation unique, dont l’exposition présente de nombreux hélicoptères, notamment le seul centre de contrôle aérien Mi-22 conservé au monde, de nombreuses unités d’aéronefs, une collection d’uniformes militaires de différentes époques, etc. Mais la pièce la plus intéressante est sans doute le bunker souterrain unique de la Luftwaffe, récemment restauré et ouvert par un groupe d’amateurs de l’histoire locale. Le bunker est reproduit avec une grande précision.
Konotop. Archives d’Olexander Akulytch
De nombreuses photos intéressantes témoignent de cette époque. Ces photos montrent par exemple que pendant la guerre, il y avait un grand cimetière de soldats du Reich, dans le parc central de Konotop, en face de la Maison du Conseil Municipal d’alors près de la mairie. Selon le Volksbund, une organisation humanitaire allemande s’occupait des sépultures des soldats en dehors de l’Allemagne, le cimetière était plein. Cependant des fouilles effectuées en 2017 ont révélé des fosses vides, explique Olexander. Il est possible que les Allemands aient réussi à évacuer des corps pendant la retraite. Il est possible également que les exhumations ait été l’œuvre des pionniers qui avaient leur QG dans la Maison du Conseil après la guerre.
Finalement, rien d’extraordinaire. Le prolétariat de Konotop n’aimait pas les cimetières qui pour on ne sait quelle raison, étaient systématiquement détruits à l’époque soviétique. Par exemple, la salle centrale de cinéma de la ville a été érigée sur les lieux d’un cimetière, comme il n’y avait pas d’autre endroit pour la construire. Plusieurs anciens cimetières juifs, où se trouveraient les tombes de cinq tsadiks (homme juste en hébreu), ont également été détruits (l’un d’entre eux est enterré à Ouman, lieu du pèlerinage de masse des juifs orthodoxes). Aujourd’hui, l’un des cimetières est un mémorial, l’autre un centre commercial.
Et le premier bâtiment en pierre à plusieurs étages construit à Konotop était une prison. Elle comporte 3 étages et a été construite en 1857. Selon une légende locale, la prison aurait été construite par un juif pour rembourser la peine d’emprisonnement qu’il encourait. Je ne le sais pas si cette légende est vraie, mais pourquoi pas. D’ailleurs, la prison fonctionne toujours. Jusqu’à récemment, c’était une prison pour hommes, mais la plupart de détenus se sont faits engagés sur le front, l’espace s’est libéré et une prison pour femmes y a été transférée depuis les environs de Kharkiv.
Château d’eau hyperboloïde de l’architecte Choukhov
Non loin de la prison se trouve probablement l’attraction touristique la plus intéressante de Konotop – le château d’eau hyperboloïde de l’architecte Choukhov, érigé en 1929. C’était un élément principal de l’approvisionnement local en eau, mais il n’a pas fonctionné longtemps. Il a été endommagé en 1943 et n’a jamais été reconstruit jusqu’à ce qu’il soit utilisé comme tour de télévision pour une chaîne locale dans les années 1980. La structure de la tour est un hyperboloïde de rotation à une seule travée latérale, créé par 25 paires de tiges d’angle métalliques.
Elle repose sur un socle en béton armé en forme d’anneau d’un diamètre de 16 mètres. Au sommet de la tour se trouve une plate-forme métallique en forme d’anneau pour le réservoir, on peut y accéder par un escalier en colimaçon. La hauteur de la tour équivaut à celle d’un immeuble de dix étages. De là, on peut voir toute la ville. Pour des habitants la tour sert souvent de plate-forme d’observation mais aussi comme tremplin pour l’adrénaline. La tour nécessite des travaux mais il est très surexcitant d’y monter. Selon Olexander Akulytch, la tour devrait être restaurée pour la sécurité de ceux qui veulent y monter et pour permettre à chacun de profiter de la beauté de la ville depuis son sommet.
D’ailleurs, en Ukraine, il existe une douzaine de ces structures hyperboloïdes, et chacune d’entre elles est particulière. Certaines, comme par exemple les phares de Dnipro dans la région de Kherson, sont malheureusement dans des zones occupées et on ne sait pas dans quel état ils sont aujourd‘hui. Les tours de ce type étaient répandues dans la première moitié du 20e siècle, car grâce au faible poids de leur structure, elles pouvaient supporter des charges beaucoup plus importantes que celles en brique.
Personne ne connaît la date exacte de la naissance de Konotop. Néanmoins on sait que 2024 marque le 390e anniversaire de la première mention de la ville, ou plutôt des fortifications à la frontière avec la Moscovie. En octobre 1634, le roi du Rzeczpospolita ( l’État polono-lituanien 1569—1795) , Wladyslaw IV Vaza, donna des terres près de Konotop au propriétaire terrien Mykola Tsetisov et à ses descendants… A cette époque, une forteresse était en construction au confluent de deux rivières — Jezucha et Konotopka – qui deviendrait un puissant avant-poste du l’État polono-lituanien.
Les historiens disent que la forteresse n’est certainement pas sortie de nulle part. Un siècle et demi auparavant, il existait sur ce territoire une colonie remontant à l’époque de la Ruthénie (ou Rous’ de Kyiv), que certains ont tendance à identifier comme la ville historique de Lipovytsk, qui était le centre de la principauté du même nom. Malheureusement, lorsque dans la seconde moitié du XXe siècle le territoire de la vieille ville a été reconstruit, on n’a pas mené de fouilles archéologiques, de sorte qu’une grande couche culturelle et historique, qui aurait pu nous en dire long sur la ville, a été détruite. Les archéologues ont pu faire des fouilles dans les années 2000 dans la zone du vieux bazar, et ont alors, disent-ils, trouvé des preuves en faveur de cette hypothèse. Mais de vraies recherches sont encore à venir.
Il convient également de rappeler qu’après l’invasion mongole-tatare, ces régions étaient peu habitées et furent repeuplées aux XVIe et XVIIe siècles, principalement par des habitants de la rive droite et de l’Ukraine occidentale. Olexander Akulytch dit que la plupart des officiers cosaques de Konotop venaient de la région de Korosten. Cela est notamment confirmé par de nombreux noms de famille identiques à ces régions. A 22 kilomètres de Konotop se trouvent les villages de Velikiy et Malyy Sambir, dont les noms ressemblent étrangement au nom d’une ville de la région de Lviv, près de laquelle est né l’hetman cosaque Petro Konashevich-Sagaidachny dans le village de Kulchytsi. Il est fort possible qu’elle ait été fondée par des habitants de Boykivshchyna [région des Carpates] et qu’elle ait été nommée ainsi en mémoire de leur petite patrie. Il s’agit d’une pratique courante chez les immigrants.
L’ancien pont sur la rivière Konotopka
Les vestiges des remparts et des fossés de la forteresse de Konotop ont survécu jusqu’à nos jours. La forteresse était presque carrée et exista jusqu’en 1816. Elle ressemblait à la plupart des avant-postes de la rive gauche : un fossé, un rempart de terre et une palissade. Dans la partie la plus protégée- la cour du seigneur, ou pépinière- se trouvaient le trésor, des entrepôts de poudre et la maison du colonel. L’existence de passages souterrains sous la forteresse ne fait aucun doute : l’affaissement des sols sur le territoire de la vieille ville est un phénomène courant.
Le lit de la rivière Konotopka a également été préservé, dans les marais dans laquelle les soldats moscovites se sont enlisés lorsqu’ils ont pris l’assaut de la forteresse de Konotop le 9 mai 1659. Aujourd’hui, cependant la Konotopka ressemble à un fossé ordinaire dans lequel l’eau n’apparaît qu’au printemps et à l’automne, lorsqu’il pleut. Le fait qu’il y ait eu autrefois une rivière ici est confirmé par le relief spécifique, et par un pont à peine visible, vieux de plus de 130 ans.
Konotop. Archives d’Olexander Akulytch
Selon une légende inventée par la propagande russe, le nom de Konotop et, par conséquent, de la rivière Konotopka, viendrait de la tsarine Ekaterina II. La reine était de passage dans ces terres et ses chevaux se sont noyés ici et elle a appelé cet endroit Konotop (le lieu de la noyade de chevaux –ndlr). Le seul problème est qu’Ekaterina n’a pas participé à la fondation de la ville car elle est montée sur le trône plus d’un siècle plus tard, en 1762. Ce à quoi elle a bien participé, c’est à l’anéantissement de l’autonomie gouvernementale cosaque sur ces terres et au début de leur russification sans pitié. Mais les créateurs de mythes impériaux n’ont jamais été intéressés à de tels détails.
Depuis sa fondation ou sa refondation jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, lorsque la ville a connu la révolution industrielle, Konotop était une ville cosaque typique dans laquelle les Cosaques constituaient la grande majorité de la population. Dès le milieu du XVIIe siècle, à l’époque de Khmelnytsky, elle devint une ville de plusieurs centaines d’habitants qui, située à la croisée des chemins, s’est développée de manière intensive. Non seulement en tant qu’avant-poste, mais aussi en tant que centre commercial important.
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Le principal devoir des cosaques de Konotop était le service militaire, que la plupart d’entre eux effectuaient au sein de la centaine de Konotop du régiment de Nizhyn. Mais pendant le temps libre que leur laissaient les campagnes et les guerres, ils s’occupaient, comme tous les gens normaux, de leur foyer. Ceux qui possédaient des terres les cultivaient, les plus riches s’adonnaient à la distillation, à l’apiculture et au commerce, mais la confrérie cosaques était surtout spécialisées dans l’artisanat : fourreur, cordonnier, tisserand, tailleur, forgeron, potier.
Toute la région de Zagrebellya rappelle ces temps lointains de Konotop, qui a miraculeusement été préservée, sinon sous sa forme originale, du moins sous une forme assez proche. Peut-être parce qu’il était plus éloigné du centre-ville et que personne ne s’est occupé de son réaménagement. Olexander Akulytch dit que Zagrebellya est un musée en plein air de l’époque de l’Hetman, ses rues n’ont pratiquement pas changé depuis les années 1600, elles serpentent comme elles le faisaient autrefois, en s’incurvant d’au moins 80 à 180 degrés. Et les maisons qui datent pour la plupart du milieu du 19ème siècle, n’ont été que très peu modernisées alors que nous sommes au XXIème siècle.
En effet, les habitants de Konotop n’ont jamais oublié leur origine cosaque. Ceci est confirmé par de nombreux documents, comme les titres de propriété. Il s’avère que l’État cosaque n’a été aboli qu’en 1927 (il y a moins de 100 ans) et que jusqu’alors, les descendants des cosaques n’hésitaient pas à indiquer qui ils étaient. Ils signaient les documents: le Cosaque untel…
Monument au colonel Hryhoriy Hulyanitskiy, chef de la défense de Konotop contre les troupes moscovites sous le commandement du prince Trubetskiy en 1659.
La construction du chemin de fer Kyiv-Koursk dans la seconde moitié du XIXe siècle (1861-1868) via Konotop a donné à la ville une impulsion intense pour son développement, mais en même temps elle l’a considérablement modifiée. Non seulement quantitativement, mais aussi qualitativement. Les ateliers ferroviaires établis à l’époque à Konotop, ont attirés des travailleurs de la ville voisine Kurshchyna, ce qui a entraîné une augmentation de la population russophone. D’ailleurs, les ateliers ferroviaires, que les Soviétiques ont rebaptisé en toute fierté Usine de réparation de wagons de Konotop (URWK), ont survécu jusqu’à nos jours.
Mais à partir de 2017, les nouveaux propriétaires ont commencé à démanteler les anciens bâtiments et monuments locaux. Aujourd’hui, ceux qui viennent à Konotop en train peuvent admirer les ruines pittoresques derrière la gare, qui ressemblent soit aux anciens thermes romains de la Ville éternelle, soit aux ruines de Bakhmout ou d’Avdiivka.
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Konotop disposait d’une gare ferroviaire de première classe, pouvant accueillir des membres de la famille royale. Il n’y avait que trois gares de ce type sur cette branche : à Kyiv, Konotop et Koursk. Son bâtiment n’a pas survécu, les Allemands ayant détruit la gare lors de la retraite de 1943. Ils ont alors détruit beaucoup de choses, et lorsqu’ils se sont retirés, l’aviation soviétique a nettoyé Konotop avec des bombardements en tapis, juste pour être sûr.
Konotop. Archives d’Olexander Akulitch
Les souvenirs de ces terribles événements sont conservés dans les mémoires des personnes directement impliquées, d’un côté comme de l’autre. Le célèbre illustrateur français Guy Mumin, légionnaire de la division « Grande Allemagne » décédé en 2022, a décrit de manière assez intéressante son séjour à Konotop. Dans son livre « Le Soldat Oublié », il raconte comment, en raison de l’impossibilité d’évacuer les entrepôts remplis de matériels et de nourriture, lui et ses camarades ont pris tout ce qu’ils pouvaient prendre. Ils ont rempli leurs poches de cigarettes, de chocolat et de conserves, car les entrepôts allaient de toute façon être détruits.
Pendant l’occupation soviétique, Konotop était réputée pour être un puissant centre industriel. En plus de l’URWK, il y avait ici un autre géant : le UEMK, usine électromécanique de Konotop, l’une des deux seules en URSS, spécialisée dans la production d’une gamme complète d’équipements pour les mines : des poutres aux systèmes automatiques. Ces deux géants se sont fait concurrence et ont activement développé la ville. Le tramway à Konotop, c’est est aussi leur œuvre. Le URWK et l’UEMK ont coopéré et construit une voie ferrée et, en 1949, le tramway traversait la ville. Ensuite est apparu un monument au tramway.
Mémorial de la bataille de Konotop
Cependant, la période soviétique ne doit pas être idéalisée et perçue comme un âge d’or. Au contraire, ce fut une époque de destruction de la ville et de perte de son identité, que les habitants semblent toujours incapables de retrouver. L’un des derniers affrontements entre les combattants de l’UPA dans la région de Konotop et les troupes du NKVD aurait eu lieu dans les années 1950 aux alentours de Krolevets. L’insurrection antibolchevique ici, bien sûr, n’était pas aussi répandue qu’en Ukraine occidentale, mais un phénomène local bien connu est que les rangs des militants clandestins étaient très souvent reconstitués par des soldats démobilisés de l’Armée rouge. Les gens rentraient chez eux après une guerre et rejoignaient l’OUN ou les unités rebelles, pour ensuite participer à nouveau à une autre guerre. Il y en avait des centaines, et cela en dit long.
L’histoire de Konotop comporte encore de nombreuses pages tragiques et comiques, des événements et des personnes dont on peut être fier mais aussi des choses dont on peut avoir honte. Il est impossible de tout raconter dans un seul papier. Mais il y a encore plus de zones d’ombres dans l’histoire de cette ville qui doivent être progressivement comblées et révélées. Car croyez-moi, cela en vaut la peine !