Roman Malko Correspondant spécialisé dans la politique ukrainienne

Yuriy Syrotyuk : « Cette guerre ne sera pas gagnée par des Léopards ou des F-16, elle sera gagnée par des gens. Les gens qui seront plus forts »

Guerre
4 mars 2023, 15:15

Comment l’armée ukrainienne évolue-t-elle et comment se bat-elle, pourquoi y a-t-il toujours un manque de personnel sur la ligne de front, que faire des agents ennemis à l’arrière, quel type d’échange les occupants offrent-ils aux Ukrainiens, et dans quel pays les vainqueurs veulent-ils retourner après la guerre ? The Ukrainian Week/Tyzdhen.fr s’est entretenu avec Yuriy Syrotyuk, ancien député du parlement, ancien chef de la faction « Liberté » au conseil municipal de Kyiv, et maintenant soldat lanceur de grenades du 5e régiment d’assaut des Forces armées ukrainiennes.

– L’armée ukrainienne se modernise activement, reçoit des armes de l’OTAN, apprend à se battre, tente d’appliquer les normes de l’OTAN. Cela peut-il déjà être qualifié de non soviétique ?

– L’armée ukrainienne n’est certainement pas « soviétique », mais n’appartient pas encore à l’OTAN. En même temps, elle devient objectivement l’armée la plus forte d’Europe. Non seulement par le fer que nous avons, mais par la capacité de se battre. La guerre que l’armée ukrainienne endure ressemble à la Première ou à la Seconde Guerre mondiale, parce que l’ennemi n’épargne personne et ne se bat pas selon l’art de la guerre. Ils n’accordent aucune valeur à la vie humaine. Aucune personne normale ne peut accepter cette guerre, car les guerres ne sont tout simplement pas menées de cette façon.

En quoi sommes-nous radicalement différents de l’armée russe ? En Russie, la décision est prise par le chef suprême qui siège au Kremlin. Et c’est notre avantage dans cette guerre. Lorsque les décisions parviennent au soldat ordinaire, il nous reste du temps, nous pouvons prendre notre décision plus rapidement. La rapidité vaut beaucoup dans cette guerre. Nos officiers, même soldats, peuvent parfois prendre des décisions à leur gré sur le champ de bataille. Je vais parler de moi. On nous confie la tâche de détruire l’ennemi et nous choisissons nous-mêmes comment et d’où nous le ferons. Même maintenant, dans la région de Soledar, nous avons juste des tâches, et l’unité à laquelle nous sommes rattachés ne s’intéresse pas à la façon dont nous allons les accomplir. Autrement dit, nos rangs de base sont beaucoup plus indépendants, et c’est une chose positive.

Parmi les points négatifs, il y a trop de circulation de documents dans des conditions de guerre. L’armée est tellement bureaucratisée, les mécanismes bureaucratiques sont tellement compliqués avec la logistique, avec tout, que c’est tout simplement terrifiant. C’est le « soviétique » qui reste. Il y a aussi un énorme problème à améliorer avec des soldats. Dans l’armée « soviétique, » les responsables politiques leur « nettoyaient le cerveau. » Chez nous, les équipes du soutien moral et psychologique ne font que rédiger des papiers et faire la chasse aux ivrognes. Donc, les soldats sont un peu livrés à eux-mêmes.
Les armes de l’OTAN exigent du cerveau et de l’entraînement. C’est une arme de haute technologie, et dans notre pays, elle n’est utilisée assez souvent que par 10 % d’effectif. Comparées aux armes de l’OTAN, les armes « soviétiques » sont comme une voiture Zaporojets (un modèle soviétique obsolète) : vous pouvez la frapper avec un marteau, la couler avec n’importe quoi, et elle va cliqueter, mais elle va rouler. Les armes de l’OTAN ne fonctionnent pas comme ça. Il y a des règlements. Par exemple, nous avons soigneusement étudié notre lance-grenades et il fonctionne encore mieux que ce que les Américains écrivent. Récemment, nous avons détruit un char avec, et ce qui n’est pas du tout prévu par son mode d’emploi. Mais cela nécessite une formation et une éducation.

Par conséquent, nous sommes encore loin de l’armée de l’OTAN. Il nous faut construire une armée de l’OTAN dans la forme et une armée ukrainienne dans le sens. Les Ukrainiens sont une nation de guerriers. Et si je devais construire une bonne armée, elle serait basée sur les modèles et traditions de l’armée Insurrectionnelle, l’armée de la République populaire ukrainienne et les cosaques ukrainiens, où le commandant est un frère, pas un patron. Il est le premier parmi ses égaux. Il est le premier à aller au combat et le premier à sortir ses soldats du combat. À Lysychansk (c’est peut-être pour cela que le régiment nouvellement formé est toujours en vie), notre commandant nous a conduits dans la pire bataille. Et lorsque les circonstances étaient les pires, le commandant était toujours le premier à retirer ses soldats des combats. Dans les batailles pour Mayorsk, il y avait un moment où nous aurions pu perdre des positions, et les officiers du quartier général sont allés au combat. Beaucoup ont été tués, beaucoup ont été capturés, mais tous les soldats ont vu qu’ils n’étaient pas n’étaient pas des rats d’état-major.

Nous avons tous rejoint l’armée et sommes allés à la guerre pour des raisons émotionnelles. Nous y sommes allés, chargés comme des piles électriques. Mais dans la course de fond, les émotions ne fonctionnent pas. C’est la conscience et la vision du monde qui marchent. Maintenant, il est important de canaliser les émotions. Parce que l’armée est fatiguée, épuisée, et pour que le combat continue, il faut des convictions et non pas des émotions.

– Pourquoi est-il si difficile de réformer le système de gestion de l’armée s’il y a beaucoup de généraux et d’officiers de combat progressistes, et que la volonté de changement semble être là ?

– D’abord, l’armée est une chose très claire – il y a un ordre et une exécution. Mais en même temps, tout est bureaucratisé et se transforme en paperasse. Beaucoup de gens disent en riant que c’est l’UPA – l’armée ukrainienne de papier. Dans une unité de combat où il n’y a pas de clerc, pas d’officier d’état-major, il faut libérer certaines personnes des tâches de combat directes pour qu’elles puissent rester assises du matin au soir à rédiger des rapports. Il est difficile de dire pourquoi et dans quel but.

Or, dans l’armée, toute la communication se fait par messages vocaux. Vous dictez, vous accédez à la connexion, vous l’envoyez – et tout fonctionne. Pourquoi ce procédé n’est-il pas utilisé pour simplifier les procédures dans l’armée ? Tous les changements positifs dans les forces armées sont des initiatives de base. Par exemple, le programme « Krapyva, » créé pour régler des tirs d’artillerie avec différents types d’armes (nous l’utilisons), a été réalisé par des bénévoles ukrainiens. Pas par le ministère de la Défense et ni par l’état-major général. Aucune autre organisation logistique de l’armée ne peut fournir tout ce dont nous avons besoin avec la rapidité et la qualité des bénévoles ! La plus grande partie de notre nourriture provient des bénévoles.

Quant aux généraux progressistes. Il y en a très peu. C’est-à-dire ceux qui ont grandi, comme Zaluzhnyi, à partir d’un commandant de brigade. Mais il y a toujours ceux qui se cachent dans l’état-major, qui n’ont jamais dirigé d’unités de combat, n’ont jamais été sur la ligne de front, qui sont des lâches et cachent leur timidité derrière toutes sortes de paperasses. L’armée ukrainienne, d’une manière ou d’une autre, est construite sur la base de l’armée soviétique. Nous la réformons lentement, mais nous réformons toujours un Moskvich. Ce n’est pas une Mercédès. Et ici nous devons supprimer toutes ces choses obsolètes, les communications, et le système de rapports. Quelle différence cela fait-il si j’écris un énorme rapport ou si je le dicte et l’envoie en quelques secondes ? L’information est la même. Bien sûr, dans l’armée, tout doit être clair. Vous devez expliquer clairement où vous étiez, contre qui vous vous battiez, tout cela est important, mais il y a beaucoup de paperasse.

– Comment les soldats se sentent-ils face à des choses telles que le scandale de corruption au sein du ministère de la défense avec des œufs à 17 hryvnias l’unité?

– De deux façons. Toutes les défaites ukrainiennes sont une histoire de désaccords internes. L’Ukraine avait toujours perdu quand il y avait trop d’agitation. Maintenant, j’ai remarqué que l’opinion publique est déjà réorientée de la guerre vers les désaccords internes. Et c’est un signal d’alarme très important, car les gens oublient que l’ennemi est au Kremlin et que l’ennemi, c’est Poutine. Mais d’autre part, je crois personnellement qu’un fonctionnaire corrompu est un agent clé de Poutine. Tout voleur et fonctionnaire corrompu en temps de guerre travaille à saper l’État et doit être considéré comme un ennemi.

Alors imaginez, vous êtes dans une tranchée et vous voyez que les soldats sont privés de paiements monétaires. En même temps, vous entendez que selon la Constitution, les paiements ne peuvent être limités à un juge qui perçoit un salaire de 200 000 hryvnias et n’exerce pas de fonctions judiciaires. Il recevra ces 200 mille hryvnias à vie. Que les procureurs recevront d’énormes sommes d’argent à vie. Et en même temps, les soldats peuvent avoir des retards pour les salaires. Autrement dit, quiconque qui est responsable de tel dysfonctionnement est un agent de la Russie. Toutes les actions de corruption, ainsi que les actions visant à saper la capacité de défense de l’État, ne sont pas seulement des actions de fonctionnaires corrompus. Ces types agissent au profit des Russes, tout compte fait. Nous gardons souvent le silence, parce que nous comprenons que toute information négative en temps de guerre fait le jeu de l’ennemi. Mais les gens voient tout, et cela s’imprègne.

– Et comment les soldats au front perçoivent-ils le fait que l’armée est utilisée comme outil de punition ? Si vous faites quelque chose de mal, vous recevez une convocation.

– Dans la vie civile, nos proches nous demandent : pourquoi y a-t-il tant de gens qui se promènent dans les villes, pourquoi ne se battent-ils pas, pourquoi n’ont-ils pas été envoyés à l’armée ? En faisant la guerre, nous voyons les choses différemment. Dans l’unité, nous voulons avoir des soldats motivés et actifs. Si une personne ne respecte pas nos principes moraux, abuse de l’alcool, a peur de se battre, répand des rumeurs de panique, nous faisons tout pour qu’elle ne fasse pas partie de notre unité. Et donc, si la société pense que nous devons accepter tous ces lâches et ces pillards dans notre unité, il faut prendre en compte que telle « acquisition » sapera notre capacité de combat. Tant que l’armée restera le plus grand honneur et que les soldats seront l’élite de la société, elle se battra. Si tous les alcooliques, les toxicomanes, etc. sont recrutés dans l’armée, elle perdra son efficacité.

La guerre est maintenant passée au stade combat des mentalités. Deux caractères se sont affrontés : le caractère moscovite, mélancolique, qui s’en remet au destin, qui est indifférent à tout et pour qui la vie vaut rien (la sienne et celle des autres) ; et le caractère européen, cosaque, pour qui la vie a une grande valeur et ne peut être donnée que pour quelque chose de très important. Et le plus grand problème de l’État ukrainien est qu’il n’a pas défini les buts et les objectifs de cette guerre. Si quelqu’un pense que les soldats ukrainiens meurent pour que Kolomoisky et Akhmetov continuent à diriger le pays, que les députés déconnent, que les juges mentent et que les procureurs prennent de l’argent, eh bien, nul ne peut pas se battre pour cela. Les gens peuvent mourir pour quelque chose de plus élevé que le prix de leur vie. Ce devoir supérieur est le devoir envers la mère patrie. Et ça vient de l’éducation. Cette guerre ne sera pas gagnée par des Léopards ou des F-16, elle sera gagnée par les gens. Ces personnes qui seront plus résilientes que d’autres.

Le grand objectif de la guerre n’est pas la pauvre Ukraine, déchirée par les oligarques, où un soldat vétéran après la victoire sera forcé d’aller en Pologne ou en Allemagne, ou peut-être même en Russie pour gagner de l’argent. Le grand but, c’est quand le soldat comprendra qu’après la guerre, il représentera le Grand Pays, la Grande Nation. Et qu’il sera, lui, traité avec respect.

Poutine n’a pas pleinement formulé les objectifs de son « opération spéciale », bien que pour la Russie, les objectifs soient évidents : détruire l’indépendance ukrainienne, tuer tous les Ukrainiens, détruire l’identité ukrainienne. Nous, par contre, voyons les choses autrement. Choisir la destruction de la Russie comme objectif n’est pas judicieux. L’objectif doit être positif : construire une Grande Ukraine. Nous ne voulons pas tuer tous les Russes ou les réduire en esclavage. Nous parlons de la destruction de l’empire russe. Les Russes, s’il vous plaît, trouvez votre terre, définissez vos frontières ethniques et vivez comme vous voulez ; faites ce que vous voulez. J’espère qu’après cette guerre, nous serons la plus grande nation européenne, le leader moral du monde. Et j’espère que nos parents vivront correctement, nos enfants vivront dans un pays normal, nous vivrons bien.

– Quelle est l’efficacité du système de formation ?

– Pour être honnête, l’armée ukrainienne n’a aucun système de formation pour les personnes recrutées dans la rue. Et nous le comprenons. Étant donné que tous les hommes prêts au combat sont sur la ligne de front, il est toujours difficile d’identifier les instructeurs qui enseigneront bien. Il faut donc admettre que le système de formation de ceux qui se préparent à la guerre est extrêmement faible. La situation est meilleure avec ceux qui sont allés étudier à l’étranger.
Cependant, il existe une chose simple. Se battre, c’est comme nager. On ne peut pas apprendre avant d’avoir fait. Malgré le fait que l’État manque de ressources pour former un soldat, celui-ci doit comprendre que son destin est entre ses mains. Un citoyen ne doit pas se plaindre qu’il sera mal formé sur le terrain d’entraînement, mais il doit apprendre les bases de la médecine, de la science des armes, comment charger, décharger, se déplacer et se déguiser (avant même de se rendre au centre de recrutement militaire). Oui, la formation est insuffisante. Mais je ne sais pas quel État serait capable de former correctement des soldats en temps de guerre. N’attendez pas que l’État vous forme, apprenez vous-même. Suivez des cours de médecine, apprenez les armes – c’est votre vie.

– Est-il vrai qu’il n’y a pas assez de soldats en première ligne ?

– La Russie a une population de 144 millions d’habitants, en Ukraine après le début de la guerre, je pense qu’elle était d’environ 30 millions d’habitants. C’est-à-dire que nous avons quatre fois moins qu’eux de soldats qui peuvent se battre. Et il en a toujours été ainsi à toutes les époques de l’histoire. Nous avons toujours combattu contre des forces ennemies supérieures.

Les tactiques de cette guerre ne prévoient pas une ligne de défense continue, où un soldat est assis dans une longue tranchée sur 1 000 kilomètres (nous avons une telle ligne de front), tous les 1,5 mètres, comme lors de la Première Guerre mondiale. La guerre est un grand échiquier. Sur la ligne de front, il y a des positions d’observation. Ce sont de petites tranchées où environ cinq personnes s’assoient, et c’est suffisant. Il y a environ un kilomètre d’une position d’observation à l’autre, pour qu’elles puissent se voir et se couvrir de tirs. Derrière eux, je suis assis avec un Mk 19 et une mitrailleuse lourde, derrière nous un mortier, et derrière lui un char. Plus vous rassemblez de gens au même endroit, plus ce sera mauvais pour eux.

Il n’y a pas assez de gens parce que la ligne de front est très longue, il y a des pertes au combat. Et il est évident que toutes les unités de combat manquent de personnel, c’est vrai. Mais d’un autre côté, parfois les gens exagèrent. A Soledar, j’ai vu trente personnes qui avaient peur de se battre. Trente personnes dans une tranchée peuvent se battre contre 150 soldats qui avancent. Sans aucun problème. Donc, nous devons partir du fait que nous ne nous battons pas par la quantité mais par la qualité, que nous jouons aux échecs. Et je réduirais aussi la quantité de gens sur la ligne de front. Parce que le succès de cette guerre montre que lorsqu’il y a un soldat motivé dans une tranchée, tout va bien là-bas, et les gens le suivent. S’il n’y a pas de soldat motivé, les gens commencent se plaindre que nous nous sommes retrouvés sans rien et ainsi de suite. La situation est ce qu’elle est. Nous devons apprendre à nous battre à un contre quatre.

– À quoi ressemble vraiment l’ennemi ? Qu’a-t-il amélioré, qu’a-t-il appris ?

– Les Moscovites ne sont pas des idiots. S’ils étaient imbéciles, ils n’auraient pas réalisé ce qu’ils ont fait dans l’histoire. Il s’agit d’un peuple et d’un État très têtus, à la tête dure, qui savent comment atteindre leurs objectifs. Ils n’ont pas peur de leurs premières défaites. De nombreuses personnes ont dit que cette guerre allait durer longtemps.

Les Moscovites peuvent-ils apprendre ? De toute évidence, ils le peuvent. Et je pense qu’à un moment donné, ils ont commencé à apprendre plus vite que nous. C’est un problème. Au début de la guerre, leur avantage en artillerie était d’environ 20 contre 1. Ils démolissaient tout ce qui était vivant à coups de canon et leur infanterie ne faisait que prendre position. Quand ils ont perdu leur énorme puissance de feu (maintenant 5 contre 1), et que la tactique des attaques frontales n’était plus efficace, ils l’ont changée. Ils ont commencé à utiliser des tactiques de petits groupes. Auparavant, lorsqu’ils arrivaient en grandes masses avec du matériel militaire, il était facile de les détruire. Maintenant, ils ont réalisé que nous avons beaucoup d’armes antichars et ont cessé d’utiliser les blindages, les tenant derrière leur dos, essentiellement comme de l’artillerie, et tirant depuis des positions fermées. Mais ils ont aussi commencé à utiliser les gens d’une manière intéressante. Il y a une attaque d’artillerie, puis un petit groupe d’entre eux s’approche de notre tranchée et saute dedans. S’ils parviennent à capturer la tranchée, ils disent « Hourra ! » et les autres les rejoignent. Sinon, un autre groupe passe à l’offensive. Malgré le fait qu’ils aient un système de commandement descendant, je vois qu’ils apprennent et changent très rapidement.

Je le répète – c’est une guerre de caractère. L’ennemi apprend, il a du caractère et il essaie maintenant de se prouver à lui-même que les Ukrainiens sont des lâches, qu’ils battent en retraite en cédant à l’audace russe. C’est pourquoi il est très important de résister à cette pression. Nous devons nous lever, résister, lui donner des coups de pied dans les dents et tout ira bien. Parce que les Léopards et les F-16, c’est bien joli, mais les guerres sont gagnées par les gens. Au Yémen, une petite tribu de Houthis a combattu une énorme coalition de neuf pays dirigée par l’Arabie saoudite. Il y avait beaucoup de chars Leopard et toutes sortes de choses. Mais ils se sont échappés parce que les gens se sont battus avec beaucoup des convictions.

Les Russes ont envoyé officiellement plus de cent mille leurs soldats ici. Pertes totales jusqu’à deux cent mille. L’Union soviétique s’est effondrée après 15 000 victimes en Afghanistan. Tout pays au monde qui subirait de telles pertes connaîtrait déjà un changement de gouvernement, une révolution, un soulèvement. En Russie, tout le monde soutient le pouvoir. Par conséquent, l’ennemi est puissant, il faut l’achever et il est souhaitable de l’achever sur son territoire.

– La guerre vous a-t-elle changé ?

– Je fais tout pour que la guerre ne me change pas. La guerre est une telle créature qui peut vous dévorer complètement. C’est-à-dire détruire en tant que personne, tuer. Nous faisons tout notre possible pour que l’humain reste en nous. Parce que nous ne combattons pas pour la guerre, mais pour la victoire et la paix. Et dans la vie paisible, il est souhaitable de retourner vers nos enfants en être humain, et non en Rambo, qui veut continuer à se battre. Je veux vraiment croire que les changements d’état mental ne sont pas irréversibles. Évidemment, c’est plus facile pour nous parce que nous avons compris contre qui nous nous battions, et quelles sont nos valeurs. Mais je veux vraiment que la guerre ne me change pas. Je veux rester le même.

Auteur:
Roman Malko