Array ( [0] => WP_Post Object ( [ID] => 4879 [post_author] => 6 [post_date] => 2023-07-18 08:06:23 [post_date_gmt] => 2023-07-18 08:06:23 [post_content] => Olha Trofimtseva est une femme politique et une femme d'affaires ukrainienne, ministre par intérim de la politique agricole et de l'alimentation, docteur en sciences agronomiques. Dans une interview accordée à The Ukrainian Week/Tyjden.fr, elle évoque la situation autour du « corridor céréalier » et le délai pour l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. - La situation autour du « corridor céréalier » est de plus en plus sensible. La Russie a bloqué à plusieurs reprises les négociations. A présent, le président Erdogan a annoncé la reprise de l’accord. Tout cela fait penser aux accords de Minsk. Pensez-vous que tant que la Russie ne sera pas défaite, l’Ukraine restera dans cette situation d’incertitude permanente? - Malheureusement, tant que la guerre est en cours, il semble que cette situation sur les exportations maritimes perdurera. Il vaut toujours mieux voir la situation dans son ensemble, et c’est pourquoi je soutiens la demande des avions de combat F-16 : c'est important pour la sécurité alimentaire mondiale et pour la navigation commerciale normale dans la mer Noire. Actuellement, les meilleurs négociants en céréales et managers des exportations agricoles ukrainiennes sont les forces armées ukrainiennes. Il faut libérer la mer Noire de la présence militaire russe. Après tout, en Ukraine, la majorité des exportations de divers types de produits, notamment ceux issus des industries métallurgiques et chimiques, passe par les ports. Il ne s’agissait pas seulement des céréales et des produits agricoles. Donc, c’est une question stratégique. C’est pourquoi nous tenons tant à la démilitarisation de la Crimée, car nous constatons que tant que la Russie y reste, elle transforme une magnifique péninsule en une véritable base militaire. Et ce n’est certainement pas propice au développement de la navigation commerciale dans cette région. Ainsi, dans une perspective plus large, il n’y a pas d’autres options. Nous n’avons pas d’autre scénario que de libérer, avec l’aide de partenaires, la mer Noire de l’invasion militaire russe. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Comment la Russie entraîne l’Afrique dans un engrenage de dépendance économique  [/readAlso] A présent, au niveau tactique, nous devons négocier, prolonger l’initiative sur les céréales autant que possible. En effet, l’existence d’un accord ne protège pas contre la menace constante de sabotage de la part de la Fédération de Russie. Ses représentants interrompent physiquement les inspections, etc. Ainsi, par conséquent, en paroles, la Russie peut prétendre qu’elle accepte de poursuivre le dialogue « sur les céréales », alors qu'en réalité la situation sera différente dans le centre d’inspection (blocage de la part des inspecteurs russes - nldr). A l’heure actuelle, il y a une pause entre les récoltes et il n’y a pas de volumes d’exportation aussi importants qu’à l’automne, où cette situation risque de devenir plus critique pour nous qu’elle ne l’est actuellement. - Ces dernières années, l’Ukraine a intensifié ses exportations de produits agricoles vers les pays asiatiques. Depuis le début de la guerre, ces exportations ont diminué. Pouvons-nous encore influencer la situation en ce qui concerne les exportations agricoles vers l’Asie? Ou cela dépend-il également du « corridor céréalier » et de son fonctionnement? - Beaucoup de choses en dépendent. En fait, la situation des exportations vers les pays asiatiques n’est pas si critique que l’indiquent les dernières statistiques. Au premier trimestre 2023, la Chine est le premier pays d’exportations de produits agricoles ukrainiens. Même si elles ont globalement diminué en raison de la guerre, des mines dans les champs et des difficultés liées aux exportations maritimes, elles sont toujours en cours. Il y a eu un certain repositionnement, l’UE est devenue notre première destination d’exportation, c’est évident. Mais nous continuons à exporter vers l’Asie, bien que les obstacles mentionnés rendent nos exportations plus chères. Et il y a un autre choix difficile à faire, dont j’ai déjà parlé récemment. Le marché est encore en train de s’adapter à ces changements. Si l’Ukraine se désiste quelque part, d’autres exportateurs en bénéficieront. Il y aura certes un choc à court terme, mais ensuite tout le monde s’adaptera. C’est normal: personne ne peut se permettre une pause à long terme. On peut acheter des céréales de la même qualité et au même prix au Brésil ou ailleurs, certains pays (Syrie, Chine, Iran) les achètent à la Russie. [readAlso title:" Lire aussi: "]  L’Ukraine en guerre, peut-elle continuer à nourrir le monde ?  [/readAlso] Il y a donc un autre aspect important qu’il est difficile et très désagréable d’admettre, mais il faut le faire: plus la guerre dure, plus la menace d’une exclusion de l’Ukraine des marchés mondiaux augmente. Certains opérateurs indiquent que cela peut avoir lieu, mais que ce n’est pas une tragédie, que tout rentrera ensuite dans l’ordre. Par conséquent, s’il est impossible d’exporter les mêmes volumes de céréales ou d’oléagineux qu’avant, il faut s’adapter pour survivre. Et nous reprendrons les marchés après notre victoire. - La Moldavie a manifesté l'intention d'interdire les importations de céréales en provenance d’Ukraine, mais ensuite elle a changé d’avis. S’agit-il d’une réponse symétrique (l’Ukraine prévoyait également d’imposer des restrictions aux importations en provenance de Moldavie, en guise de réponse) ou y a-t-il d’autres raisons? - La déclaration de la Moldavie (sur son intention de s’associer à la décision de l’UE de réduire temporairement les importations de céréales en provenance d’Ukraine – ndlr) a été une surprise absolue pour tout le monde. C’était bizarre, car la situation était vraiment incompréhensible. Le volume de nos exportations de céréales vers la Moldavie est très modeste. C’était ce que j’appelle « prendre le dernier train » et peut-être, obtenir un peu d’argent de la part de la Commission européenne. Je suis très contente qu’ils aient changé d’avis, car dans le cas de la réponse symétrique, ce ne serait pas bon pour la Moldavie en premier lieu. Je suis favorable à la diplomatie dans le commerce international, dans la mesure du possible. Je ne suis pas une grand fan des démarches radicales, comme la Pologne l’a fait récemment. - Jusqu'à présent, l’Ukraine n’a obtenu que l'autorisation de faire transiter ses céréales par les pays d'Europe de l'Est. Récemment, j'ai entendu dire qu'il s'agissait d'une sorte de test de résistance pour l'Ukraine et pour Bruxelles. L’Ukraine doit-elle se préparer à ce genre des conflits d'intérêts si elle devient membre de l'UE ? - Tout à fait. A mon avis, il s’agit d’une épreuve d’effort non seulement pour les producteurs, mais aussi pour les organismes gouvernementaux. Il y a des leçon à en tirer, et j’espère que nous le ferons. Mais en ce qui concerne la situation, je pense qu’elle entrera dans les livres de politique commerciale agricole et qu’elle sera abordée comme un cas d'école exemplaire. En effet, j’ai critiqué le fait que nous ayons attendu si longtemps et qu’il n’y ait pas eu de réaction de notre part. Et nous avons vu que la situation était mauvaise pour nous. Il est clair qu’il y a eu des négociations, mais il n'a pas été possible de parvenir à un compromis avant longtemps. Et pourtant, la Pologne a violé les règles de l'UE elle-même, et ses voisins lui ont emboîté le pas, réalisant qu'ils devaient eux aussi agir pour ne pas laisser passer cette opportunité. À mon avis, il s'agit d'un cas flagrant qui nécessite une réaction de la part de la Commission européenne. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Jean-Jacques Hervé : « L’Ukraine a les capacités de rebond, beaucoup plus fortes que celles de la Russie »  [/readAlso] J'ai toujours souligné qu'il s'agissait d'un signal et d'un défi sérieux pour Bruxelles, aussi bien pour la Commission européenne que pour le Parlement européen. Je n'ai jamais vu de précédents comme celui-ci, où des interdictions aussi draconiennes sont adoptées unilatéralement. Et au début, il n'y avait pas que les céréales : la Pologne a publié une liste qui comprenait même des produits que l'Ukraine n'exporte pas vers l'UE. À mon avis, ce n'était pas tout à fait réfléchi. C'est pourquoi il s'agit d'un test de résistance non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour l'UE. J'espère qu'ils en tireront également les leçons. J'ai répété à maintes reprises que nous ne devrions pas considérer la situation comme résolue. D'un point de vue structurel, il est devenu presque impossible ou très difficile d'exporter physiquement des produits ukrainiens à partir de la frontière. Tant que l'Ukraine ne sera pas membre de l'UE, cela risque de se reproduire, mais pas quand elle aura adhéré. C'est pourquoi nous devons discuter avec nos voisins dès maintenant, en particulier au sujet des changements, afin de ne pas être confrontés à de tels tests de résistance plus tard, et voir ce que nous pouvons développer et offrir, en particulier à la Commission européenne, en termes de politique agricole. - La Pologne a récemment appelé à interdire les importations agricoles russes dans l’UE. Quelle est l'importance de sa part? Une telle interdiction peut-elle affecter aussi la situation des exportations agroalimentaire ukrainiennes ? - Je ne pense pas qu’il y ait des importations agricoles russes actuellement dans l’UE (selon la Commission européenne, la Russie ne fait pas partie de la liste des principaux importateurs agro-alimentaires de l’UE – ndlr). Rares sont ceux qui veulent travailler avec la Russie, pas seulement dans le secteur agricole. Dans tous les cas, sur le marché européen, les chiffres sont insignifiants. Par contre, sur le marché mondial, globalement, les exportations de céréales de la Russie ont augmenté. Il est clair qu’elle vend aussi des céréales ukrainiennes volées. Il faut toujours en parler en répondant à la Russie dans le cadre des négociations sur le « corridor céréalier ». Par conséquent, la situation des exportations agricoles n’est malheureusement pas si mauvaise en Russie. De la même façon, les exportations russes de viande de porc vers l’Asie se portent bien. Tous les pays n’ont pas unanimement adopté les sanctions. Ainsi, certains pays continuent de faire du commerce et d’entretenir des relations économiques avec les Russes, notamment dans le domaine agricole. - L’année dernière, l’Ukraine a bénéficié du « régime économique sans visa » avec l’UE. Dans l’ensemble, il s’agit de la circulation des marchandises sans obligation de visa et sans droits de douane. Quelles sont les avantages pour les entreprises agroalimentaires? - C'était très utile ! Le 9 mai, le Parlement européen a voté pour la prolongation de ce régime « sans visa » pour une année de plus. C’est très bien et, nous espérons la suite. Mais honnêtement, je suis prudemment optimiste à cet égard, car je suis proche du terrain et je vois comment fonctionne le lobbying agricole dans l’Union européenne. Il est donc nécessaire de revenir ici sur la décision de la Commission européenne du 2 mai qui met fin à la réglementation des exportations agricoles ukrainiennes vers l’UE (il s’agit des mesures de précaution exceptionnelles et temporaires adoptées par la Commission européenne le 2 mai 2023 concernant les importations de certains produits agricoles en provenance d’Ukraine, à la suite de la pression exercée par cinq États membres ayant mis en cause l'Ukraine dans l’effondrement des prix locaux – ndlr). A présent, la Commission européenne, autant que j’aie pu le constater après avoir communiqué avec des représentants de Bruxelles, sur le plan politique, veut éviter ce genre des conflits. Les Etats membres sont conscients qu’il s’agit d’un soutien à l’Ukraine et sont intéressés à maintenir le commerce aussi ouvert que possible. - Les champs sont minés. Tyzhden a fait des reportages à ce sujet, notamment sur le fait que les agriculteurs tentent de les déminer et sont souvent victimes de ces mines. Je sais également que de nombreuses personnes ont pris des crédits pour cultiver leurs champs. Existe-t-il un soutien pour ces agriculteurs et pour le secteur agricole en particulier? - Bien entendu, il est difficile de trouver le soutien de l’État pendant la guerre. Il n’y a pas d’argent pour l'essentiel, tout va à l’effort de guerre. C'est normal. En ce qui concerne les crédits, les principales associations d’agriculteurs ont déjà contacté des représentants du gouvernement, en particulier du ministère de la politique agricole, afin de résoudre ce problème. Nous avons des problèmes pas seulement avec les champs minés, mais aussi, par exemple, avec les territoires libérés ou avec les entreprises situées dans les territoires temporairement occupés. Les banques exigent de continuer à payer des taux d'intérêt, et le fermier n’a pas accès à son entreprise parce qu’elle est occupée. Les difficultés sont multiples. On cherche des solutions. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Comment les agriculteurs vivent près de la frontière russe  [/readAlso] La situation du déminage est généralement désastreuse. Par exemple, les représentants de notre célèbre entreprise AgroFusion de la région de Mykolaiv ont signalé que 100 % de leurs champs sont minés. Ils réalisent que cette saison, une partie de la région sera déminée, mais ce sera qu'une très petite partie. Il faut semer ailleurs. Le soutien de l'Etat est plutôt un accompagnement juridique pour les aider à survivre. Pour continuer de produire, c'est plutôt les partenaires internationaux qui aident. - Existe-t-il déjà des projets pour le secteur agricole dans le cadre de la restauration d’après-guerre? - Le secteur est très impliqué dans ce processus. Mais, à vrai dire, la communication au sujet de la reconstruction me donne l’impression d’une cacophonie. Nous voyons beaucoup d’initiatives, des déclarations, des programmes, des conférences... Des événements de ce type ont lieu presque quotidiennement. Il est facile de s’y perdre. Je n’ai pas vu de stratégie apparaître. J’ai travaillé un peu dans l’exportation. Nous devons voir la situation dans son ensemble. En particulier, il faut comprendre où exactement nous sommes compétitifs, où nous pouvons occuper notre niche, compte tenu de la structure du marché du travail en Ukraine, des défis liés à la banque foncière après la guerre, etc. Il faut évaluer notre potentiel, non pas après la victoire, mais pour les dix ans à venir. Si cette guerre ne dure pas trop longtemps, alors, je pense, on pourrait imaginer l’entrée dans l’Union européenne vers 2030. Par conséquent, il faut essayer de présenter un tableau réaliste du complexe agro-industriel ukrainien dans les 10 à 15 ans à venir, dans la perspective de l’adhésion à l’UE. [readAlso title:" Lire aussi: "] Les agriculteurs ukrainiens déminent eux-mêmes leurs champs   [/readAlso] Même maintenant, en temps de guerre, je suis fière de beaucoup de nos petites et moyennes entreprises. Elles explorent des niches technologiques, des aliments fonctionnels, des produits de haute technologie, etc. J’ai beaucoup de respect pour ces gens qui ne désespèrent pas et tentent d’atteindre leurs objectifs. Ce que je veux dire, c'est que si nous parlons de la reconstruction, à mon avis, il ne faut pas parler de reprise, mais de la création d'un nouveau complexe agro-industriel ukrainien, et dans un sens plus large, de l'ensemble de l'économie ukrainienne. Elle sera évolutive. Il est clair qu'aujourd'hui, en temps de guerre, il est difficile de faire quelque chose d'aussi important et orienté vers l'exportation. Mais après la victoire, bien sûr, cet aspect prendra de l'ampleur, j'en suis sûre. [post_title] => Olha Trofimtseva: « Les meilleurs négociants en céréales sont les forces armées ukrainiennes » [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => closed [ping_status] => closed [post_password] => [post_name] => olha-trofimtseva-les-meilleurs-negociants-en-cereales-sont-les-forces-armees-ukrainiennes [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2023-07-18 08:06:23 [post_modified_gmt] => 2023-07-18 08:06:23 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://tyzhden.fr/?p=4879 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw ) [1] => WP_Post Object ( [ID] => 4849 [post_author] => 6 [post_date] => 2023-07-09 18:11:46 [post_date_gmt] => 2023-07-09 18:11:46 [post_content] => Le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a entrepris une deuxième visite africaine en mai 2023; il a commencé par le Maroc. Ce pays est un partenaire précieux pour l’Ukraine. The Ukrainian Week/Tyzhden.fr s’est entretenu avec Zineb Ribois, chercheuse au Hudson Institute, au sujet des changements intervenus en Afrique du Nord et sur la prise de position de Rabat concernant la guerre russo-ukrainienne, l’augmentation des récits pro-russes et la sécurité dans la région. - Comment analysez-vous la position du Maroc sur la guerre russo-ukrainienne ? - A mon avis, le Maroc tient une position qui se veut impartiale. Il encourage un règlement pacifique. Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a déclaré que Rabat est convaincu que la Russie a commis un acte d’agression contre la souveraineté de l’Ukraine. Cela illustre clairement le vote de l’ONU. Le Maroc a voté en faveur de la résolution (il s’agit de la Résolution du 23 février 2023, « Principes de la Charte des Nations Unies sous-tendant une paix globale, juste et durable en Ukraine », qui réaffirme l’attachement de l’Assemblée à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine – ndlr), c’est-à-dire contre la Russie. Il est vrai, que le pays espère le règlement pacifique de ce conflit. Pour le Maroc, la situation est très compliquée; en effet, il a un voisin qui est le plus grand client de la Russie en ce qui concerne l’armement, à savoir l’Algérie. Ce qui le met en première ligne en cas de conflit. De nombreux étudiants marocains étudient en Ukraine, ils sont des milliers. Le Maroc a établi en 2016 un dialogue avec l’Ukraine basé sur la promotion de la culture et le renforcement de la coopération humanitaire. On peut voir ainsi que l’amitié entre les deux pays existe depuis longtemps. Et je pense qu’elle ne cesse de se développer depuis. L’Ukraine est donc très importante pour le Maroc. Elle intéresse aussi les étudiants marocains. Il est possible de coopérer davantage; c’est pourquoi les Marocains sont favorables à un règlement pacifique. Lors de cette visite (du ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba au Maroc le 22 mai 2023 – ndlr), l’accent a été mis sur l’amitié et le soutien à la coopération, malgré la guerre. Je pense qu’il est important qu’un pays africain adresse un tel message à l’Ukraine. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Comment la Russie entraîne l’Afrique dans un engrenage de dépendance économique  [/readAlso] - La guerre russo-ukrainienne a bouleversé la situation mondiale et menacé la paix dans le monde. Comment a-t-elle influencé la sécurité en Afrique du Nord? - La réponse à cette question comporte deux aspects. Le premier est que l’agression de la Russie et la violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine ont encouragé des pays comme l’Algérie à déclencher des actions hostiles contre le Maroc : les Algériens veulent avoir accès au Sahara occidental depuis longtemps. Ils ont financé le Front POLISARIO (mouvement nationaliste, qui lutte contre le Maroc au Sahara occidental et réclame son indépendance; il est soutenu par l’Algérie – ndlr). Cela a entraîné une course aux armements dans la région. Et par exemple, Poutine continue d’aider militairement le régime d’Assad, en Syrie. L’Algérie voit un avantage dans un rapprochement avec la Russie. Une alliance avec Poutine lui garantit une protection de la part de la Russie. Il y a un autre aspect. Le groupe Wagner est devenu davantage présent, en particulier dans la région du Sahel. Sa présence s’exerce depuis huit ans. Je pense que le groupe Wagner est un outil très précieux pour Poutine, car il peut faire pression sur des pays comme le Maroc. Il vient en appui de la diplomatie. Le second point, lié à la sécurité, est la question de l’énergie. L’Algérie est un pays pro-russe. En recherchant de nouveaux fournisseurs depuis la guerre, les Européens, en particulier la France et l’Italie, se tournent vers l’Algérie (en 2022, 12 % de toutes les importations de gaz dans l’UE provenaient d’Algérie – ndlr). Il convient d’en tenir compte. Dans le même temps, on observe la rupture de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, parce que l’Ukraine est un important fournisseur de céréales ainsi que d’autres denrées, pour la région. Cela crée de nombreux problèmes de sécurité alimentaire. - Selon certains médias, le Maroc aurait fourni des chars à l’Ukraine. Existe-t-il une confirmation officielle ? - Il n’y a pas de déclaration officielle. Ce qui s’est passé, c’est que le Maroc possédait des chars, qu’il a transférés en République tchèque en vue de les moderniser. Certains chars sont rentrés au Maroc, d’autres non. Et je pense qu’un lot de ces chars a été transmis à l’Ukraine. Ainsi, ils sont supposés appartenir au Maroc, mais en réalité, ils ne lui appartiennent pas vraiment, car ils ont été stockés en République tchèque. Mais il n’y a pas de déclaration officielle à ce sujet. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Stepan Levynsky, un essayiste ukrainien amoureux de l’Afrique et du Japon  [/readAlso] - Le Maroc, ainsi que trois autres États africains, ont participé à la première réunion dite du « format Ramstein ». Cela signifie-t-il qu'ils souhaitent soutenir l'Ukraine d'une manière ou d'une autre, ou s'agit-il simplement d'une démarche visant à affirmer qu’ils font partie du club des « gentils » ? - Le Maroc est un allié important des États-Unis, hors de l’OTAN. C’est sur ce motif que Rabat a été invité à la réunion des pays soutenant Kiev qui s’est tenue sur la base américaine de Ramstein, en Allemagne. La situation géographique était aussi sans doute une des raisons. La Maroc voit les États-Unis comme son principal allié, et ceux-ci soutiennent l’Ukraine. Le Maroc se situe donc dans une position où il peut enfin faire quelque chose pour stopper l’expansion de l’influence russe, veiller à ce que la région reste stable et que le conflit ne progresse pas. Les pays dotés de ce statut d’allié majeur des États-Unis en dehors de l’OTAN ont accès à davantage d’informations, à un échange de renseignements, et je crois donc que c’est important. - Quelle est votre opinion sur les relations entre le Maroc et l’UE ? On parle beaucoup de la corruption dans le pays... - Je ne pense pas que ces dossiers affectent réellement la façon dont le Maroc coopère avec le monde ou avec les Européens. En effet, de nombreuses entreprises, notamment allemandes et françaises, s’installent au Maroc pour y faire des affaires. Ce qui n’a pas de lien avec la coopération. À mon avis, le principal problème pour le pays c’est le Sahara occidental. La politique du Maroc est la suivante: soit vous soutenez notre indépendance, soit vous ne la soutenez pas. Et votre position doit être claire. C’est une question cruciale pour le Maroc, compte tenu de l’expansion du terrorisme dans la région. Ces groupes terroristes peuvent se tourner vers l’Atlantique. Je pense donc que les tensions, notamment avec la France, et de plus en plus avec l’Italie, viennent de là. Mais ça n’a aucune influence sur la manière dont le Maroc conduit les affaires ou coopère en terme de tourisme avec l'Occident. - Quels sont les aspects de la coopération avec l’Ukraine qui pourraient être utiles au Maroc ? - Il y a différents niveaux. Aujourd’hui, il est important que l’Ukraine soit soutenue par le plus grand nombre de pays. Les Russes investissent pour l’élargissement de leur sphère d’influence et versent beaucoup d’argent. Il y a en effet une lutte d’influence en Afrique du Nord. Les succès et les échecs de l’Ukraine dans ses relations avec le Maroc illustrent le fait que les Russes ne sont pas les seuls à y chercher une influence. L’Ukraine en est capable. Le fait, que Volodymyr Zelensky ait prononcé un discours à la réunion de la Ligue arabe, est, je pense, un signal fort; le Maroc fait partie de la Ligue. À long terme, le Maroc et l’Ukraine ont beaucoup à faire ensemble, en particulier dans le secteur de la stabilité alimentaire. Le Maroc peut devenir pour l’Ukraine une porte vers l’Afrique en favorisant le développement de sociétés et d’entreprises ukraino-marocaines. Il est important que le Maroc soit très intéressé par une grande diversité culturelle, avec de nombreux échanges. Pour cela une coopération éducative à laquelle l’Ukraine serait associée est possible. [readAlso title:" Lire aussi: "]  L’Ukraine entreprend de plaider sa cause auprès des États Africains  [/readAlso] - Vous avez évoqué le fait que l’Afrique du Nord (et donc le Maroc) est une sorte de champ de bataille pour certains pays, qui luttent afin d’acquérir de l’influence. Je sais que la Russie élargit sa présence en Afrique, en particulier médiatiquement. Avez-vous l'impression qu'il y a davantage de récits pro-russes ? - J’ai suivi les campagnes de désinformation menées par les Russes; il n’y en a pas au Maroc. La chaîne gouvernementale russe RT est basée en Algérie. Elle y a ses bureaux. Ainsi, lorsqu’elle diffuse ses informations, on sait qu’elles proviennent de l’Algérie et les Marocains en sont parfaitement conscients. Je pense que beaucoup de Marocains partagent la même position que le gouvernement actuel, c'est-à-dire qu'ils souhaitent un règlement pacifique; ils savent très bien que Vladimir Poutine fournit des armes à l'Algérie, et il est donc difficile pour les Russes d’établir leur influence au Maroc et d’y implanter leurs informations. [post_title] => Zineb Ribois: « Il y a une véritable lutte d'influence dans l'Afrique du Nord » [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => closed [ping_status] => closed [post_password] => [post_name] => zineb-ribois-il-y-a-une-veritable-lutte-d-influence-dans-la-region [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2023-07-09 18:14:45 [post_modified_gmt] => 2023-07-09 18:14:45 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://tyzhden.fr/?p=4849 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw ) [2] => WP_Post Object ( [ID] => 4652 [post_author] => 6 [post_date] => 2023-06-08 19:13:15 [post_date_gmt] => 2023-06-08 19:13:15 [post_content] => Au début de la guerre, l’'Ukraine a surtout cherché l’appui des pays développés. Mais elle prend aujourd’hui conscience qu’elle doit aussi plaider sa cause auprès des pays du Sud. Le ministre des affaires étrangères, Dmytro Kouleba, vient de terminer une deuxième tournée en Afrique. Au moment même où le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kouleba, prenait son avion pour Abuja, la dernière capitale de sa tournée africaine, le ministre russe Sergey Lavrov se précipitait au Kenya pour une visite inopinée. Cela ne fait que souligner l'importance des efforts actuels visant à renforcer les liens entre l'Ukraine et les pays du continent. Le ministre ukrainien s'est rendu dans cinq pays : Maroc, Éthiopie, Rwanda, Mozambique et Nigeria. Au Nigeria, il a assisté à la cérémonie d'investiture du président Bola Ahmed Tinubu. En Éthiopie, il s'est aussi rendu au siège de l'Union africaine. Mais la portée de sa mission dépassait largement la géographie de ces cinq pays.

Dmytro Kuleba lors d'une réunion avec le ministre angolais des Affaires étrangères Tete Antonio en marge de l'investiture du président nigérian Bola Ahmed Tinubu

Continent oublié ? Parmi les précédents présidents ukrainiens, deux seulement s’étaient rendus en Afrique : Leonid Kravtchouk et Viktor Iouchtchenko. M. Kravtchouk président s'était déplacé en Égypte et en Tunisie, M. Iouchtchenko en Égypte et en Libye. Au fil des ans, des délégations gouvernementales se sont aussi rendues en Afrique. Mais comme l'a fait remarquer le ministre lui-même à la fin de sa tournée, « au cours des trois décennies précédentes, la politique africaine de l'Ukraine s'est développée grâce à l'inertie de l'ère soviétique et, au fil du temps, la force de cette inertie s'est affaiblie ». Compte tenu de cet héritage soviétique, la présence diplomatique de l'Ukraine dans la région était faible. Il n'y avait que 10 ambassades pour plus de 50 pays du continent, c'est-à-dire qu'un ambassadeur représentait l'Ukraine simultanément dans plusieurs pays. Des ambassades de pays africains étaient également présentes en Ukraine, mais souvent « à temps partiel », affiliées à la mission diplomatique à Moscou. Cela ne pouvait pas ne pas affecter les relations entre l'Ukraine et l'Afrique.

Viktor Iouchtchenko lors de sa visite en Égypte, 2008. Source : UP

Avant l'invasion à grande échelle, des tentatives avaient déjà été faites pour accorder plus d'attention à la coopération avec le Continent. En janvier 2022, une Stratégie pour le développement des relations avec les États africains a été approuvée. L'agression russe a intensifié ce dialogue et l’a rendu encore plus nécessaire : en 2022, Volodymyr Zelensky s'est entretenu avec 18 dirigeants des pays de la région. Pour 9 d’entre eux, c’était pour la première fois dans l'histoire des relations diplomatiques bilatérales. Tous les pays visités par Dmytro Kоuleba lors de sa première tournée en Afrique (Sénégal, Côte d'Ivoire, Ghana et Kenya) ont également accueilli le ministre ukrainien des Affaires étrangères pour la première fois. « La tournée de M. Kouleba - le premier voyage d'un ministre ukrainien des affaires étrangères en Afrique subsaharienne dans l'histoire de la diplomatie ukrainienne - a été extrêmement fructueuse. En particulier parce qu'elle a permis d'obtenir certains résultats lors du vote du 12 octobre sur la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies condamnant l'annexion des territoires ukrainiens : pour la première fois, aucun pays africain n'a voté contre. Certains ont même changé de position et ont voté pour, notamment l'Angola, le Cap-Vert, l'Égypte, Madagascar, le Sénégal, etc. Parmi eux se trouvent les pays que le ministre Kouleba avait visité la veille », a déclaré le représentant spécial de l'Ukraine pour le Moyen-Orient et l'Afrique, Maksym Soubh, dans une interview accordée à Dzerkalo Tizhnia. Le 26 octobre 2022, le président de la Guinée-Bissau s'est rendu pour la première fois en Ukraine. Il s'agissait de la première visite d'un dirigeant africain en Ukraine depuis l'arrivée de Mouammar Kadhafi en 2008. [readAlso title:" Lire aussi: "]  Comment la Russie entraîne l’Afrique dans un engrenage de dépendance économique  [/readAlso] Lors d'une visite au Rwanda, M. Kouleba a annoncé qu'un accord avait été conclu pour l'ouverture d'une ambassade dans ce pays. Au total, à la fin de l'année dernière, l'Ukraine a déclaré l'ouverture prochaine de dix nouvelles ambassades dans les pays africains. Selon le ministre Kouleba, huit pays sur dix ont déjà accepté l'ouverture de représentations diplomatiques ukrainiennes. Histoire oubliée Tout de même, l'Afrique n'a jamais été étrangère à l'Ukraine. Depuis l'époque de l'URSS, de nombreux étudiants africains ont étudié dans les universités ukrainiennes. Avant l'invasion à grande échelle, parmi plus de 70 000 étudiants étrangers en formation en Ukraine, 23 000 étaient des citoyens de pays africains. « Nous devons nous appuyer sur les étudiants qui ont étudié et étudient en Ukraine pour jeter un pont entre l'Ukraine et l'Afrique », a déclaré Diallo Issa Sadio, président du Conseil africain d'Ukraine, lors d'une conférence de presse le 25 mai. Son organisation s'est engagée depuis de nombreuses années à renforcer la communication interculturelle entre l'Ukraine et les pays du continent africain. Diallo Issa Sadio lui-même est venu en Ukraine en tant qu'étudiant dans les années 1980, puis est resté pour développer sa propre entreprise. Avant l'invasion, l'Ukraine commerçait assez activement avec les pays africains, y envoyant un dixième de ses exportations. Au cours des trois dernières décennies, les Ukrainiens ont également participé à des missions de maintien de la paix en Angola, en Sierra Leone, en République démocratique du Congo, en Éthiopie et en Érythrée, au Soudan, au Liberia, en Côte d'Ivoire et au Mali, ce qui leur a valu d'être bien connus sur le continent. Depuis le début de l'invasion à grande échelle, de nombreux pays africains ont adopté une position réservée sur l'agression russe, mais certains pays ont tout de même accepté de participer à la première réunion du groupe de contact international, à Ramstein. [readAlso title:" Lire aussi: "]   Stepan Levynsky, un essayiste ukrainien amoureux de l’Afrique et du Japon [/readAlso] Il s'agit notamment du Kenya, du Libéria, du Maroc et de la Tunisie. Le Maroc aurait même remis des chars T72B à l'Ukraine, même si aucune déclaration officielle ne le confirme. Par ailleurs, lors d'une rencontre avec son homologue ukrainien le 23 mai alors que le Maroc a été le premier pays africain visité par Dmytro Kouleba lors de sa deuxième tournée, le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita a souligné « la position de non-ingérence » de Rabat au sujet de la guerre en Ukraine. Il est probable que cette aide à l’Ukraine a eu lieu en échange de chars plus récents de fabrication américaine. Certains analystes militaires relèvent un autre aspect. En 2022, des représentants du gouvernement marocain ont attiré l'attention sur le fait que l'Algérie achetait des drones iraniens, que la Russie utilise également pour attaquer l'Ukraine, pour le mouvement nationaliste du Front Polisario, qui lutte contre le Maroc au Sahara occidental. Ce fait pourrait donc influencer le Maroc pour qu’il soit plus compréhensif vis-à-vis des problèmes ukrainiennes.

Un partisan du mouvement du Front Polisario. Source : DW

Engrais, Wagner, désinformation Le 29 mai, le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov est arrivé de manière inattendue au Kenya. Il était annoncé la signature d'un accord sur le commerce bilatéral. Lavrov a rappelé que Moscou avait « donné » 200 000 tonnes d'engrais à Nairobi l'année dernière. Le gouvernement du pays a précédemment souligné que le Kenya avait besoin d'engrais. La Russie est le plus grand exportateur d'engrais au monde, ce type de produit est donc quelque chose sur lequel le Kremlin peut s’appuyer en Afrique. Outre l'influence croissante de la milice privée Wagner sur le continent, le Kremlin a investi dans la désinformation au cours de l'année écoulée. Ainsi, après son interdiction dans l'UE, le bureau anglophone de la chaîne de propagande russe RT a déménagé à Johannesburg en Afrique du Sud et le bureau francophone en Algérie. Le New York Times écrit que depuis l'année dernière, le nombre de contenus pro-russes dans les médias africains et les médias sociaux locales a augmenté de manière spectaculaire. [readAlso title:" Lire aussi: "] L’ombre russe dans le conflit du Soudan   [/readAlso] Dans le passé, la Russie a également tenté d'influencer les opinions des Africains via les fermes de trolls et de réseaux de faux comptes. Entre 2019 et 2022, la société Meta a supprimé au moins huit réseaux différents de comptes ciblant le public africain sur Facebook et Instagram. Beaucoup d'entre eux étaient liés à Evguéni Prigojine. Cette tendance persiste, bien que les choses se passent de façon plus « raffinée » aujourd’hui. Des politiciens radicaux et fort populistes jouent aussi un rôle. C’est le cas du chef de l'opposition sud-africaine Julius Malema, qui dans une récente interview pour la BBC a déclaré qu'il était « prêt à armer Poutine parce que la Russie se bat contre l'impérialisme ». Cependant, les experts ukrainiens notent qu'il ne faut pas surestimer l'influence russe en Afrique : « Je ne dirais pas que la Russie y a une grande influence. Elle coopère principalement avec des régimes odieux. Certains ressentiments remontent à la lutte anticoloniale. Nous devons sensibiliser les gens là-bas [en Afrique]. Cela nécessite bien sûr de l'argent. Cependant, avons-nous la possibilité d'allouer de tels fonds ? », demande le diplomate ukrainien Oleg Belokolos, qui a longtemps travaillé à l'ambassade d'Ukraine au Kenya.

Volodymyr Zelensky lors d'une réunion avec le président de la République de Guinée-Bissau Umaru Sissokou Embalo lors de sa visite à Kyiv le 26 octobre 2022

Stratégie africaine de l'Ukraine Lors de sa dernière tournée dans les pays africains, le ministre des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a présenté la formule de paix du président Zelensky à ses collègues et dirigeants du continent. En même temps, ces visites étaient conçues pour lancer un dialogue de longue durée dans la région. A cet effet des accords et mémorandums ont été signés à chacune des réunions. Il ne s'agit plus maintenant que de veiller à ce que ces accords ne restent pas que sur le papier. En plus de la coopération économique, il y a un aspect important, souvent mentionné par les experts. Le ministre lui-même a récemment écrit sur ce problème : le manque de personnel qualifié. « Il faut former des spécialistes africains connaissant les langues », a dit Oleg Belokolos dans un commentaire pour Tyzhden. Le diplomate explique qu'à un moment donné, il a proposé à l'une des universités ukrainiennes un cours conjoint avec l'étude de la langue swahili en coopération avec l'Université de Nairobi. Mais il n'y a pas eu assez d'étudiants intéressés. En marge de la visite du ministre Kouleba au Maroc, un accord de coopération entre les académies diplomatiques des deux pays a été signé. Espérons que cette fois, il y aura des étudiants intéressés à la fois à Rabat et à Kyiv. [post_title] => L’Ukraine entreprend de plaider sa cause auprès des États Africains [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => closed [ping_status] => closed [post_password] => [post_name] => l-ukraine-entreprend-de-plaider-sa-cause-aupres-des-etats-africains [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2023-06-08 19:13:15 [post_modified_gmt] => 2023-06-08 19:13:15 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://tyzhden.fr/?p=4652 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw ) [3] => WP_Post Object ( [ID] => 4401 [post_author] => 6 [post_date] => 2023-05-18 17:37:36 [post_date_gmt] => 2023-05-18 17:37:36 [post_content] => Une jeune fille souriante me regarde sur la photo, encadrée d'un côté par un chat et de l’autre par un chien géant. Début mars, cette photo revenait encore et encore dans mon fil d'actualité sur les réseaux sociaux. Malheureusement, la raison en était très douloureuse : la jeune fille avait été tuée sur la ligne de front de la guerre russo-ukrainienne. Yana Rikhlitska aurait pu choisir une autre voie - émigrer (les femmes, si elles ne sont pas astreintes au service militaire, ne sont pas soumises aux restrictions imposées par la loi martiale pour quitter le pays) ou continuer à travailler dans une entreprise informatique (c'est un bon statut social et un salaire élevé). [caption id="attachment_4418" align="aligncenter" width="1340"]
Yana Rikhlitska
[/caption] Cependant, elle n'a pas pu rester les bras ballants lorsque la Russie a tenté de détruire son pays. Dans un premier temps, Yana a apporté son aide en tant que bénévole, puis elle s'est engagée dans l'armée en tant qu'infirmière militaire. Le 3 mars 2023, elle a été tuée lorsqu'un obus russe a touché la voiture dans laquelle elle transportait un soldat blessé. La jeune fille était à quelques jours de son trentième anniversaire. Son parcours illustre celui de nombreuses femmes dans la guerre en Ukraine. Elles meurent comme les hommes, en défendant leur pays. Aujourd'hui, elles sont plus d'une centaine à avoir été tuées au front, et sans compter les blessées. [readAlso title:" Lire aussi: "]  L’histoire d’une jeune femme qui sauve des soldats ukrainiens  [/readAlso] Le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne en 2014 a vu de nombreuses femmes prendre les armes et rejoindre l'armée ukrainienne. Lorsque la Russie a déclenché la guerre totale en 2022, le nombre de femmes engagées dans les forces armées a fortement augmenté. Les changements législatifs nationaux ont également joué un rôle important dans cette évolution. Jusqu'en 2018, les femmes ukrainiennes ne pouvaient pas être combattantes. C'est ce que rappellent souvent celles qui ont commencé leur carrière militaire en 2014. « Lorsque la guerre a commencé [en 2014], les femmes ne pouvaient pas officiellement occuper des postes de combat. Elles intervenaient en tant que tireuses d'élite, mitrailleuses, mais étaient enregistrées sous statut des cuisinières et des couturières, ou au mieux, comme des signaleuses ou des infirmières », explique la tireuse d'élite ukrainienne, Olena Bilozerska, lors d'une interview. Ce problème est désormais résolu et les femmes peuvent occuper des postes de combat et de direction dans l'armée sur un pied d'égalité avec les hommes. Selon le ministère ukrainien de la défense, les forces armées comptent actuellement 42 000 femmes combattantes et 60 000 employées civils auprès de l'armée. Aujourd'hui, il y a des femmes dans différentes unités, et plus d'un millier d'entre elles sont à des postes de commandement. À partir de 2023, les femmes ayant une formation militaire peuvent s'enrôller si elles le souhaitent. Seules les diplômées de médecine ou de pharmacie sont tenues de s'inscrire à l'armée, en tant que réservistes. Elles bénéficient toujours d'un report de trois ans avant d'être engagées sous les drapeaux. C'est la possibilité de s'inscrire au service militaire et d'être éventuellement mobilisée qui a incité Anna Herych, journaliste et spécialiste des relations publiques de Lviv, à commencer à étudier à l'Académie de l'armée à l'automne dernier. « Je suis fermement convaincue que nous devons tous être prêts », a écrit Anna sur sa page Facebook. Dans un commentaire pour Tyzhden.fr, elle a précisé que sa formation militaire durerait deux ans. « J'ai toujours regretté que la conduite et l'instruction militaire à l'école soient réservés aux garçons et que la couture soit réservée aux filles », explique Anna, en référence aux stéréotypes de genre qui, bien qu'en voie de disparition, existent toujours dans la société. Et oui, au lycée en Ukraine on apprend à conduire et à coudre, mais c'est une autre histoire. Oksana Klymonchuk, quant à elle, a décidé de rejoindre l'armée ukrainienne à la suite de l'invasion russe en février 2022. Oksana est également une ancienne journaliste qui a travaillé pour les principales agences de presse ukrainiennes et qui a ensuite rédigé un livre sur la vie de Lubomyr Husar, patriarche de l'église greco-catholique ukrainienne. Au moment de l'invasion, Oksana vivait en Allemagne. « En fait, jusqu'en 2022, je pensais que je ne pourrais jamais prendre les armes. Non pas que je sois pacifiste, mais je me suis rendu compte que si vous prenez les armes, vous devez être capable de tuer. J'étais convaincue que ce n'était pas pour moi », explique la militaire à Tyzhden. « Mais lorsque des discussions sérieuses ont commencé au niveau mondial sur la possibilité d'une guerre à grande échelle, cela m'a changée et m'a même mise en colère. Je me suis sentie déterminée et j'ai compris que s'il le fallait, je prendrais les armes », a-t-elle dit. [caption id="attachment_4405" align="aligncenter" width="1840"]
Oksana Klymonchuk
[/caption] Oksana raconte qu'au cours des premiers mois de l'année 2022, elle a ressenti le besoin de retourner en Ukraine, « être parmi les siens ». En mars, elle a acheté une voiture en Allemagne pour revenir dans son pays. « Je voulais servir dans l'armée, mais je ne savais pas comment m'y prendre, car je n'avais pas reçu la formation nécessaire. Lorsque je me suis présentée au bureau de recrutement militaire de Kyiv, on m'a dit que je ne pouvais travailler que dans l'unité médicale d'une société de sécurité », raconte l'ancienne journaliste. Elle n'était pas satisfaite de cette offre et a donc cherché d'autres opportunités. Oksana a fini par les trouver et a rejoint une unité de combat. Au cours de la conversation, la militaire a dit qu'elle regrette de ne pas avoir suivi de formation militaire alors qu'elle en avait eu l'occasion auparavant. Depuis qu'elle a rejoint l'armée, elle a déjà changé d'affectation militaire et exerce désormais un métier plus proche de sa profession civile. Oksana Klymonchuk a récemment reçu la Croix d'or des mains du commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeriy Zaluzhnyi, pour son dévouement. Bien que les Ukrainiennes servent dans l'armée sur un pied d'égalité avec les hommes, les rôles stéréotypés des hommes et des femmes continuent d'influencer les attitudes à l'égard des femmes. « Les commandants masculins sur la ligne de front sont prudents à l'égard des femmes dans leurs unités parce que nos hommes ont été élevés pour être gentlemen, et si une femme de leur unité est blessée ou tuée, ils le prennent très mal, comme une faute de leur part », a déclaré Hanna Malyar, vice-ministre de la défense de l'Ukraine, lors d'une récente réunion d'information. En même temps, Oksana Klymonchuk pense que les femmes doivent être plusieurs fois plus fortes que les hommes dans l'armée simplement parce qu'elles sont des femmes. Les stéréotypes entrent en jeu. Les femmes qui ont commencé leur carrière dans l'armée avant l'invasion totale parlent souvent des nombreux obstacles qu'elles ont dû surmonter. L'officier d'artillerie Liubov Plaksiuk, qui commande aujourd'hui une unité entière, a déclaré lors d'une interview qu'elle rêvait de servir dans l'armée depuis son enfance, mais qu'elle avait été rejetée lorsqu'elle s'était présentée au bureau de recrutement militaire après avoir obtenu son diplôme de fin d'études secondaires. Cependant, après avoir suivi une formation dans une spécialité militaire, elle a pu trouver une place, et s'est formée pour devenir un officier d'artillerie performant. Il est intéressant de noter que les femmes ukrainiennes ne sont jamais restées à l'écart de la lutte pour l'indépendance de l'Ukraine. Elles ont ainsi combattu pendant la Première Guerre mondiale, dans les unités de volontaires ukrainiens de l'armée austro-hongroise, les Fusiliers du Sitch ukrainien, et plus tard, durant la Seconde guerre mondiale, dans les rangs de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (la résistance contre l'occupation soviétique dans l'Ouest de l'Ukraine qui a duré jusqu'à 1951). [caption id="attachment_4406" align="aligncenter" width="660"]Coupure de presse russe du début du XXe siècle sur une jeune femme officier capturée [/caption] Olena Stepaniv était l'une des soldates les plus efficaces et les plus actives chez les Fusiliers du Sitch. Elle a été reconnue comme une combattante efficace et a été promue au rang de « khorunzha » (lieutenant). Pendant la guerre, elle a été faite prisonnière par les Russes, la presse moscovite de l'époque a parlé de la « jeune femme officier capturée... une « Mazepa » par conviction, animée par la haine vis-à-vis de la Russie ». Les femmes ukrainiennes ont donc plusieurs exemples à suivre, bien que les stéréotypes liés au genre soient difficiles à éradiquer. Dans le même temps, ce sont les crises qui deviennent souvent le moteur des changements radicaux. L'Ukraine vit actuellement une telle période, car la lutte contre la Russie est une lutte pour la survie, et le genre n'a pas d'importance. La participation active des femmes dans cette lutte au sein des forces armées en est une autre preuve. [post_title] => Pour la patrie et contre les clichés, le double combat des femmes dans l’armée [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => closed [ping_status] => closed [post_password] => [post_name] => pour-la-patrie-et-contre-les-cliches-le-double-combat-des-femmes-dans-l-armee [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2023-05-19 09:06:10 [post_modified_gmt] => 2023-05-19 09:06:10 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://tyzhden.fr/?p=4401 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw ) )

Author: Olga Vorozhbyt