Le sixième festival de documentaires et de longs métrages « Kharkiv MeetDocs » se tiendra prochainement à Kyiv. Ce sera le premier festival international du film en présentiel depuis le début de l’invasion russe à grande échelle. Tyzhden s’est entretenue avec la fondatrice de Kharkiv MeetDocs, Yevgénia Krigsheim, sur les défis imposés par la guerre et les Premières du programme du festival, obligé de déménager depuis Kharkiv à Kyiv.
– Cette année le festival Kharkiv MeetDocs n’aura pas lieu à Kharkiv. Quelles ont été les principales difficultés d’organisation ?
Kharkiv est tout le temps sous les bombardements, le gens meurent, et maintenant nous suivons la désoccupation et les horreurs du génocide qui s’ouvrent à nous. C’est probablement le défi le plus difficile de la préparation de cette année. C’est épuisant émotionnellement. Nous voulons tous retourner à Kharkiv auprès de nos proches, les serrer dans nos bras et leur dire que tout est fini. Je crois que ce jour viendra et je crois que le festival reviendra aussi à la maison. Pendant ce temps, la réinstallation est métaphoriquement identifiée avec les personnes déplacées à l’intérieur du pays. Par conséquent, nous nous sommes retrouvés dans un Kyiv relativement « calme ». C’est une ville différente de la nôtre, avec ses propres festivals, sa culture, son organisation, son public et ses difficultés. Mais nous y parviendrons, car ce n’est pas la première fois que nous sollicitons de l’aide dans la capitale.
– Parlez-nous un peu des films que le public pourra voir pour la première fois au festival ?
95% du programme de cette année sont des films ukrainiens, et nous nous concentrons sur le cinéma national. Il y a même 2 œuvres dans le programme du concours (« Journée des volontaires ukrainiens » et « Éducateurs. Vacances sous l’occupation »), qui ont déjà été filmées après le début de la guerre à grande échelle. Le film de clôture « Eurodonbas » racontera la véritable histoire du Donbass, pas ces récits du Kremlin qui déforment la véritable histoire du développement de la région.
Il y aura une projection de films directement sur Kharkiv : en particulier, le nouveau long métrage « Maison de paroles ». Il s’agit d’un roman sans fin, et son prototype documentaire sera consultable sur la plateforme Megogo pendant deux semaines. Ce film raconte la tragédie de la Renaissance Fusillée et l’histoire du bâtiment où des écrivains et artistes ukrainiens tels que Mykola Khvylovy, Less Kurbas, Ostap Vyshnya et d’autres ont vécu et travaillé à un moment donné.
Le film de coproduction du réalisateur danois Simon Lehreng Vilmont « Maison des éclats » racontera l’histoire d’un refuge spécial pour enfants en Ukraine de première ligne avant le début d’une invasion à grande échelle. On projette le film du concours « Terikony » sur les enfants de la région de Donetsk. Au programme, nous essaierons d’établir des parallèles entre différentes guerres à l’aide des films « La fuite » et « L’homme le plus heureux du monde », qui relatent l’expérience des guerres en Afghanistan et en Yougoslavie et leurs conséquences. Le film « Entre le ciel et les montagnes » racontera le travail héroïque des médecins urgentistes de l’Ouest, et « Pryvoz » offre l’image colorée d’Odessa.
– Le film sur le Donbass pré-soviétique de l’ère des investisseurs européens clôturera le festival, et l’histoire d’un réfugié afghan l’ouvrira. Pourquoi avez-vous décidé de marquer le début et la fin de Kharkiv MeetDocs de cette façon?
Le film « La fuite » est une combinaison d’animation et d’arts documentaires. Un sujet complexe, qui est raconté dans un langage simple et compréhensible. Il est conçu pour établir des parallèles entre les guerres qui se sont déroulées sous nos yeux. En regardant l’histoire du personnage principal Amine, vous vous identifiez à toutes les difficultés, expériences et émotions qui parsèment le chemin d’un réfugié. En même temps, cela donne de l’espoir pour l’avenir et les perspectives, ce qui est très important à réaliser pour ne pas désespérer. La clôture du festival avec la projection d’un film sur le Donbass est très symbolique pour moi. Cela signifie que nous continuerons à rechercher la vérité, à la mettre en évidence, à réfuter les récits du Kremlin.
– Depuis le début de la guerre, les festivals sont devenus un moyen assez populaire de réfléchir à tout ce qui se passe. Pourquoi pensez-vous que les gens sont si attirés par la philosophie des festivals de cinéma, surtout maintenant?
Notre vie a bien changé depuis le 24 février. De nombreux événements culturels ont disparu, et c’est peut-être une bouffée d’air frais, une tentative d’ajuster sa vie et de se distraire de l’actualité de la guerre et du volontariat. Le festival est toujours une petite fête du cinéma, si, bien sûr, il se déroule en présentiel. Se réunir dans une salle sombre devant un grand écran, avec un son de qualité, c’est un plaisir esthétique particulier. Les festivals sont aussi un programme de réseautage et d’éducation. Le plein emploi au même endroit !
– Les gens utilisent souvent des stéréotypes lorsqu’ils pensent à la division de l’Ukraine entre l’Est et l’Ouest. Et le cinéma moderne alors ? Suit-il les stéréotypes ou lutte-t-il contre eux ?
De manière générale, il me semble que nous avons tous besoin de nous affranchir progressivement de tout stéréotype. L’Ukraine est différente, mais unie. Et c’est normal! Regardez l’Allemagne. Sa culture, ses traditions, son architecture, ses dialectes – ils sont différents dans chaque provinces, et en même temps, c’est l’État le plus riche et le plus fort de l’UE. Nous avons des différences qui nous rendent intéressants, même en termes de tourisme. La variété des films de différentes régions du pays le prouve. Et la voie de la décentralisation entamée avant la guerre doit être menée jusqu’au bout.
– La promo de Kharkiv MeetDocs indique qu’il devrait devenir la voix de l’Est ukrainien et en même temps promouvoir l’intégration de l’Ukraine dans la culture mondiale. Comment l’Est ukrainien peut être intéressant pour le monde en termes de culture et comment le cinéma y contribue-t-il ?
Il me semble qu’il n’y a pas de sujet plus important au monde que l’Est de l’Ukraine en ce moment. Le monde entier regarde, compatit, aide l’Ukraine et l’Est en particulier. Nous sommes tous inquiets face à l’occupation criminelle de la centrale nucléaire de Zaporijjia. Personne ne me demande plus à l’étranger où se trouve Kharkiv sur la carte. Même dans un avion d’une compagnie aérienne suisse, vous pouvez voir l’inscription « Soyez courageux, comme Kharkiv ». Nous présentons donc au monde notre ville natale à travers le cinéma, puis, après la victoire, nous inviterons tout le monde à la visiter.
Kharkiv MeetDocs est un festival international de documentaires et de longs métrages, qui se tient traditionnellement à Kharkiv depuis 2016. Cette année, en raison du début de l’invasion et des bombardements actifs, l’événement de Kharkiv aura lieu du 1er au 6 octobre à Kyiv. Dans le programme, vous pouvez trouver des films qui ont déjà reçu une reconnaissance internationale dans des festivals, tels que « Maison des éclats », le gagnant du festival américain « Sundance », et