Carte interactive: où la Russie détient des prisonniers civils

Guerre
14 avril 2023, 09:50

Les défenseurs des droits de l’homme ont créé une carte interactive qui indique les lieux où les Russes détiennent environ 950 prisonniers ukrainiens. Il s’agit de plus de 100 endroits de ce type en Ukraine, en Russie et au Belarus.

Ce chiffre ne comprend que les cas confirmés et les identités confirmées des prisonniers. Dans le même temps, selon les auteurs du projet, des milliers d’autres personnes pourraient également se trouver dans des salles de torture, des sous-sols et des centres de détention provisoire. C’est l’Initiative des médias pour les droits de l’homme (MIPL), coalition « L’Ukraine. Cinq heures du matin » et l’ONG « Civils en captivité » qui ont créé cette carte.

Le MIPL travaille sur cette problématique depuis les premiers jours de l’invasion à grande échelle, explique Tetiana Katrychenko, la coordinatrice de l’organisation. La carte montre les lieux de détention des Ukrainiens apparus après le 24 février 2022, dans les territoires déjà libérés et encore occupés. Au fil du temps, la carte se remplira de nouveaux lieux qui pourront être trouvés lors des enquêtes.

« Chaque jour, nous découvrons de nouveaux lieux de détention. Nous n’avons pas pu tous les recenser, mais nous nous y emploierons pour tous les enregistrer et pour trouver et punir les responsables de ces lieux et du transfert de civils et de soldats », promet M. Katrychenko.
Pour collecter des données, les organisations n’intéressent pas seulement les personnes libérées officiellement, dans le cadre d’échanges. Entre autres choses, l’objectif déclaré du projet est d’aider à compléter les informations manquantes aux services officiels compétents qui mènent des enquêtes sur la détention illégale de prisonniers.

Pour accomplir cette tâche, les organisations travaillent également avec la base de données internationales IDoc. Tous les témoignages des victimes et de leurs familles y sont enregistrés, ce qui permet ensuite d’établir des liens entre les criminels russes et les victimes de leurs crimes.
« Nous demandons souvent aux victimes quelle responsabilité devrait avoir ceux qui leur ont fait tant de mal. Certains disent « je veux oublier », d’autres répondent qu’ils veulent que les coupables soient retrouvés et punis comme il se doit. Non seulement la Fédération de Russie en tant qu’agresseur, mais aussi toute personne qui a commis ces crimes », ajoute la coordinatrice de l’Initiative des médias.

Selon elle, des milliers de personnes sont détenues dans les lieux indiqués sur la carte. Nous parlons probablement de 10 à 15 000 Ukrainiens capturés.

Anastasia Panteleieva, chef du département de documentation du MIPL, a déclaré que les informations sont collectées auprès des réseaux sociaux, des sites spéciaux et de toute autre ressource concernant les personnes disparues pendant l’occupation. Ensuite, elles sont saisies dans la base de données. L’étape suivante, c’est réussir à interroger des témoins ou des personnes libérées de captivité.

« Tout le monde n’est pas disposé à communiquer ou n’a pas assez d’informations pour que ce soit un témoignage à part entière. Nous avons enregistré 1 000 cas de détention civile. Je suis responsable du sud de l’Ukraine. 347 otages civils ont été enregistrés dans la région de Kherson », a déclaré M. Panteleieva.

Il existe encore de nombreux endroits où des prisonniers sont détenus dans la région de Kherson. Selon Anastasia Panteleieva, lors de la retraite, l’armée russe a déplacé un nombre important de prisonniers sur la rive gauche et en a libéré une petite partie. La flèche Arabatska, qui est toujours occupée, est une zone touristique avec un grand nombre de centres de loisirs. L’une de ces bases de repos de type soviétique a été transformée en lieu de torture.

« Chaque maisonnette est occupée par quatre à dix personnes. Il y a jusqu’à 29 bâtiments de ce type. Les hôtels sont aussi équipés d’une sorte de cellule », précise l’expert. Certains prisonniers ont été transférés de la région de Kherson à Simferopol, où se trouvent deux centres de détention provisoire aux conditions différentes.

« Nous avons identifié 70 Ukrainiens détenus dans le centre de détention 2. Les conditions y sont meilleures que dans le centre de détention 1, les travaux étaient faits, les soins médicaux existent, mais il est interdit de faire du sport et les prisonniers sont surveillés en permanence par vidéo », explique Anastasia Panteleeva.

La situation est aussi désastreuse dans les régions de Soumy et de Kharkiv, où de nombreuses personnes sont portées disparues, dont on ne sait rien depuis longtemps. L’ONG « Civils en captivité » représente les intérêts de plus de 300 familles. Selon un membre de l’ONG Kateryna Ogievska, alors que les prisonniers militaires sont souvent identifiés et peuvent être officiellement libérés lors de l’échange, les civils sont rarement échangés, parce qu’ils ne peuvent pas être officiellement enregistrés. Les proches ne peuvent qu’attendre le moment où les occupants décideront de laisser partir quelqu’un.

Dans le même temps, le Comité Internationale de la Croix-Rouge ne participe guère aux visites des établissements où sont détenus les prisonniers, explique Tetiana Katrychenko. Selon l’explication officielle du Comité, des combats intenses se déroulent dans les territoires occupés, de sorte que le CICR ne peut garantir la sécurité de ses salariés. Elle estime que les représentants du CICR peuvent mener leurs activités sur le territoire de la Russie s’ils le souhaitent. « La question est celle de l’accès aux lieux de détention et de la manière dont les représentants du CICR demandent cet accès », a-t-elle noté.

Des activistes ukrainiens constatent : bien que le Comité se rende dans certains lieux, ce contrôle est inefficace. Selon Kateryna Ogievska, lors de la réunion de l’ONG avec le CICR, la question s’est posé de savoir si les représentants de l’organisation avaient vu de leurs propres yeux les cellules où sont détenus les prisonniers. Il s’est avéré que seules les caméras que l’organisation n’a visité que les cellules que les Russes eux-mêmes lui ont permis de voir.