Même si la guerre se poursuit, le sujet des réparations auxquelles l’Ukraine a droit, en compensation des biens détruits et volés, se pose. Les uns après les autres, les pays occidentaux ont saisi des biens et des avoirs d’oligarques russes. Ces biens sont gelés. Il est prévu de les transférer à l’Ukraine dans le cadre de l’indemnisation mais les mécanismes juridiques butent sur de nombreux problèmes.
Beaucoup d’obstacles existent en effet. La lenteur et la lourdeur des bureaucraties n’expliquent pas tout. Les institutions internationales se heurtent à des problèmes juridiques et politiques.
Et tout d’abord, une première difficulté provient de la Verkhovna Rada elle-même (le parlement ukrainien) qui a retardé l’adoption de la loi nécessaire pour demander les réparations; c’est ce qu’a expliqué l’avocat Volodymyr Vasylenko (qui a participé aux travaux de l’Assemblée générale des Nations Unies de 1991 à 2009) à The Ukrainian Week/Tyzhden.fr
« Le 11 février 2020, donc avant le déclenchement de la grande invasion, le Secrétariat de la Verkhovna Rada d’Ukraine a enregistré un projet de loi destiné à obtenir les réparations des conséquences de l’agression armée de la Fédération de Russie dans le Donbass (n° 3057). Les auteurs du projet, soit environ 60 députés, appartiennent à différents partis. Celui-ci est soutenu par la Commission spéciale sur la Sécurité nationale, la Défense et le Renseignement qui en a recommandé l’examen en première lecture, » a-t-il dit.. Malheureusement, durant trois ans le projet de loi n’a connu aucun progrès.
La création d’un organisme ad hoc pourrait aider à préparer l’élaboration de la revendication de l’Ukraine envers la Fédération de Russie, en tant qu’État ayant subi une agression. Cette institution devrait permettre d’assurer une collecte des détériorations et des destructions, sur la base desquelles serait calculé le montant des dommages.
On constate une situation déconcertante: bien que le président Volodymyr Zelensky répète que la Russie paiera « des réparations et des contributions », le Parlement, dont la majorité appartient au parti présidentiel « Serviteur du Peuple », n’a pas trouvé utile d’en débattre et d’adopter la création de l’institution adéquate. La loi pourrait être votée assez rapidement avec une procédure abrégée, mais apparemment la volonté politique manque.
Cependant, des évolutions positives ont été amorcées au niveau international. Il y a quelques jours, la Commission européenne a soutenu l’idée de créer un registre unique pour enregistrer les demandes de réparations de l’Ukraine. Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders a déclaré, à l’issue d’une réunion des ministres de la Justice de l’UE: « En ce qui concerne la question des réparations, qui fait partie intégrante de l’obtention des droits pour l’Ukraine, la Commission soutient la création d’un registre international des demandes de réparations. » Ce registre permettrait aux personnes concernées de fournir des informations sur leurs pertes et leurs dommages, ainsi que sur la localisation, « afin de savoir exactement ce dont la Russie est financièrement responsable ».
De son coté, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté en novembre 2022, une résolution, appelant la Russie à réparer les dommages causés par l’agression et l’invasion de l’Ukraine.
Mais le vote d’une résolution de l’ONU ne s’accompagne pas des mécanismes juridiques qui le rendraient applicable. La spécificité de cette guerre y contribue. La communauté internationale et l’État ukrainien doivent trouver de nouvelles procédures et des moyens pour relever le défi ainsi posé. L’ampleur de ce drame ne sera connue que plus tard, mais il est d’ores et déjà clair que les juristes du monde entier sont tenu de trouver des dispositifs tangibles pour reconstruire l’Ukraine et sanctionner l’agresseur.