Alyona Kyrytchenko : « Les femmes combattent à l’égal des hommes »

Guerre
16 avril 2024, 07:19

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à rejoindre l’armée ukrainienne. Elles servent non seulement dans les unités médicales, mais aussi sur la ligne de front. Nous aimerions vous présenter l’une d’entre elles.

Sergent junior, Alyona Kyrytchenko, s’est enrôlée en tant que personnel soignant dans la 32e brigade mécanisée (distincte de l’armée ukrainienne) qui se bat actuellement dans le secteur de Koupyansk. Quand le commandant de sa compagnie, blessé, a dû être hospitalisé, la jeune femme de 23 ans l’a remplacé à son poste pendant un mois.

« Nous venions de nous battre près du village de Synkivka. Le chef de la compagnie s’est retrouvé à l’hôpital », se souvient Alyona. « Le chef d’état-major de notre bataillon m’appelle et me dit : « Félicitations, tu es maintenant commandant de la compagnie. J’ai retroussé mes manches et je me suis mise au travail ».

Avant de rejoindre l’armée, Alyona Kyrytchenko travaillait à Poltava; elle était ambulancière. Elle a décidé de s’engager dans les forces armées alors que son père, ses frères et ses amis avaient déjà rejoint la défense nationale, dès les premiers jours de l’invasion à grande échelle.

Au commissariat militaire, on avait prévu pour elle un poste d’infirmière dans l’un des hôpitaux de l’arrière. Mais Alyona n’a pas souhaité attendre qu’un poste se libère loin du front : en février 2023, elle a accepté l’offre de rejoindre la 32e brigade nouvellement créée.

Arrivée sur place, on lui a trouvé immédiatement un surnom : « Angel » (ange en ukrainien- ndlr). Dès sa première apparition au combat, la jeune femme est devenue un véritable ange gardien pour ses frères d’armes. Alyona a acquis une véritable légitimité lorsque, malgré son apparence fragile, elle a transporté les blessés sous le feu de l’ennemi lors de l’évacuation de la ligne de front.

« La présence d’une femme dans une unité de combat a un effet positif », déclare Alyona. « Les hommes voient que je supporte beaucoup de choses au même titre qu’eux, sans demander de faveur; personne ne se plaint des difficultés, en me regardant. Je suis toujours allée sur les positions, chercher les blessés, même sous le feu de l’ennemi. À l’intérieur du véhicule, la peur fait trembler, mais le capot s’abaisse, tu te ressaisis et tu sautes. Des sifflements, des explosions font monter l’adrénaline. Il faut ramasser les blessés et les sortir du champ. C’est tout », sourit-elle.

Le sergent junior Kyrytchenko considère qu’il est normal d’avoir peur. « C’est dangereux de ne pas avoir peur, on perd toute vigilance », dit-elle.

La position de Sinkivka est près d’une forêt, ce qui rend l’observation et l’orientation difficiles. Il y a beaucoup de sable dans lequel il est difficile de creuser, car il s’effrite en permanence. Mais les soldats remplissent leur mission, restant en contact radio permanent avec leur commandant.

Une batte de base-ball en bois avec l’inscription « Alyona a toujours raison » se trouve près de la table de la jeune femme.

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« Ce sont mes commandants du département qui plaisantent », s’amuse la jeune femme. « J’ai un sentiment de justice très prononcé, et je défends toujours mes soldats devant la hiérarchie. Je connais l’état moral et psychologique de chacun. Je ne permets pas que ceux qui n’étaient jamais allés au front ne puissent pas bénéficier du soutien de camarades expérimentés. Je suis toujours resté en contact avec le commandant de la compagnie et le sergent-chef précédent, ainsi qu’avec le quartier général du bataillon. Mais le principal appui dont j’ai bénéficié, c’est la confiance totale des hommes qui combattaient avec moi ».

Après le retour de l’hôpital du commandant de la compagnie, Alyona Kyrytchenko a repris ses tâches habituelles de principal soignant de l’unité. Elle est prête à relever les nouveaux défis vers la victoire et n’oublie pas son rêve de fonder une famille et d’avoir des enfants, sous un ciel de paix.