Israël : à propos de l’opération Rising Lion en Iran

Politique
14 juin 2025, 10:47

Ce 13 juin à l’aube, Israël a lancé une opération sans précèdent dans l’histoire de l’État hébreu, contre son ennemi juré, la République islamique d’Iran, après des décennies d’avertissement et de préparatifs contre son programme militaire nucléaire.

L’opération baptisée « Rising Lion » – en référence à l’un des versets du Livre des Nombres, quatrième livre de l’Ancien Testament relatant le destin des hébreux perdus durant des années dans le désert (Voici un peuple qui se lèvera comme une lionne, qui se dressera comme un lion) – a frappé plusieurs sites nucléaires, installations pétrolières et militaires, et éliminé plusieurs dirigeants du Corps des gardiens de la révolution islamique, dont le commandant de son État-Major, Hossein Salami.

Tsahal a d’abord neutralisé les défenses aériennes iraniennes dans le nord de l’Iran et en Irak, puis a frappé des sites d’enrichissement d’uranium dans tout le pays, dont celui de Natanz, où se trouvent les centrifugeuses d’enrichissement les plus avancées.

Selon le journal israélien Yediot Aharonot, les Iraniens s’apprêtaient à déplacer ces centrifugeuses vers un nouveau site, à l’abri de potentielles attaques, notamment des bombes anti-bunker susceptibles d’être utilisées par les Américains s’ils participaient aux frappes israéliennes. « Israël a vu une fenêtre d’opportunité pour agir avant l’activation du nouveau site », analyse le journal, sur fond d’une déclaration de l’AIEA jeudi, stipulant que l’Iran violait ses obligations en matière d’inspection nucléaire, déclaration qui aurait été un facteur déterminant dans la décision d’Israël de lancer et légitimer une attaque préventive.

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Au-delà de la neutralisation de simples réacteurs, cette attaque massive, toujours en cours à cette heure, a pour mission très explicite de détruire un programme nucléaire militaire complexe, secret, éparpillé en profondeur sur le territoire iranien, tout en limitant autant que possible la capacité de réaction de l’Iran.

Au total, plus d’une centaine de cibles auraient été frappées par Tsahal. 200 avions de combats israéliens chasseurs auraient largué plus de 300 bombes et munitions dès les premières vagues de l’attaque.

Plus d’une douzaine de radars de détection et lanceurs de missiles de défense anti-aérienne auraient été détruits dans l’Ouest du pays, permettant la pénétration des F-15, F-16 et F-35 israéliens dans l’espace aérien iranien.

Si la République islamique et ses mollahs ont promis dans la journée qu’Israël paierait « chèrement et amèrement », puis dans la soirée « que le régime sioniste avait commis une grave erreur qui le mènerait à sa perte » pour son opération, la totalité de la centaine de drones envoyés en « représailles » par Téhéran sur l’État hébreu avaient été interceptés vendredi après-midi.

Plus de 100 missiles iraniens ont ensuite été tirés sur toutes les régions d’Israël dans la soirée, par vagues successives pour tenter de saturer le puissant système de défense aérien israélien, blessant plusieurs civils, presque tous stoppés également dans un premier temps.

Toutefois, l’ampleur des dommages infligés à la capacité de riposte de l’Iran restant inconnue, l’armée israélienne a prévenu dès le matin du 13 juin la population civile qu’elle devait s’attendre à au moins 15 jours de combats et est invitée à s’y préparer.

L’attaque israélienne contre l’Iran vendredi matin ne serait que le coup d’envoi d’une longue campagne et les Israéliens s’attendent à d’autres tirs de missiles et de drones, alors que de nouvelles frappes de Tsahal étaient lancées contre l’Iran, dont les répliques ont parsemé le ciel hébreu à plusieurs reprises ces dernières heures.

A l’aube du 14 juin, 3 morts et 63 blessés étaient annoncés.

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Israël a justifié son opération en affirmant disposer de renseignements prouvant que Téhéran s’approchait du « point de non-retour » d’élaboration de son arme atomique et l’armée a clamé avoir rassemblé preuves et documents indiquant que « le régime iranien avait un plan concret pour détruire l’État d’Israël ». Ce plan aurait été baptisé « Plan de destruction d’Israël », a précisé Tsahal : « L’État d’Israël n’avait pas d’autre choix. Les forces armées israéliennes sont tenues d’agir pour défendre les citoyens de l’État d’Israël et continueront à le faire »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a également déclaré face caméra qu’Israël n’était pas en guerre avec le peuple iranien et qu’il attaquait son régime pour l’empêcher de mettre sa menace d’anéantir Israël à exécution. Israël n’est pas seule sur ce dossier et Washington, essayant pourtant d’arracher un accord depuis des mois avec l’Iran selon son habituel « art du deal » …, devrait aider à protéger le ciel israélien. Une sixième séance de négociations en vue d’un accord sur le nucléaire iranien, avec la médiation du Sultanat Oman, devait avoir lieu ce 15 juin, et même si Donal Trump a appelé à son maintien, il se pourrait que l’Iran annule …

En effet, si Washington s’est montré plutôt enthousiaste, tout en réfutant son implication opérationnelle quant aux frappes ciblées de l’État hébreu, Oman, le médiateur, a par ailleurs condamné « une odieuse agression militaire menée par Israël contre la République islamique d’Iran, visant des installations souveraines et causé des victimes civiles ».

Si plusieurs militaires et scientifiques iraniens impliqués dans le programme nucléaire martial ont été éliminés, et si aucun bilan de victimes civiles n’avait été encore confirmé hier, l’Ambassadeur iranien à l’ONU annonçait dans la nuit plusieurs dizaines de victimes civiles lors d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité à New York, impossible à vérifier.

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Selon le Yediot Aharonot, les déclarations du président américain Donald Trump et du secrétaire d’État Marco Rubio au cours des deux derniers jours, affirmant que les États-Unis n’avaient pas approuvé et ne participeraient à aucune attaque planifiée par Israël, auraient été une « ruse » destinée à s’assurer que l’Iran soit pris au dépourvu lorsque les frappes commenceraient.

Un autre objectif aurait été d’envoyer un message clair à l’Iran selon lequel les États-Unis n’étaient pas impliqués dans l’attaque initiale, très probablement pour que Washington puisse être en mesure d’appeler à la fin de toute nouvelle agression et pour que l’Iran reprenne les négociations sur l’avenir de son programme nucléaire.

En Occident, le Danemark, l’Italie, la Finlande, l’Irlande, la Croatie, les Pays-Bas, la Slovaquie et le Royaume-Uni ont exprimé leurs inquiétudes prudentes quant au risque de déstabilisation de la région, sans pour autant mettre en cause directement Benjamin Netanyahou. La France, l’Allemagne, les USA et la Tchéquie en revanche ont exprimé un soutien clair à Israël dans cette opération, arguant de son droit à se défendre et accusant l’Iran de poursuivre son programme nucléaire malgré la violation de ses obligations en matière de non-prolifération, soulignée la veille par l’AIEA. Donald Trump a quant à lui menacé, en majuscule et dans sa verve poétique habituelle sur son réseau Truth Social, le « Guide suprême » iranien, lui recommandant d’accepter un accord sur le nucléaire « avant qu’il ne reste plus rien » et l’a intimé de « sauver ce qui était autrefois connu sous le nom d’Empire iranien […] AGISSEZ AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD ».

Dans une quasi parodie perverse de communiqué, la Russie a invoqué le droit international et la Charte de l’ONU (sic) pour condamner Israël, qualifiant l’opération « Rising Lion » d’« attaques non provoquées », « inacceptables », « contre un État membre souverain de l’ONU, ses citoyens, ses villes paisibles et endormies, des infrastructures nucléaires énergétiques » (re sic).

Cette ironie étrange, stupéfiante pour les novices, de la part d’un criminel de guerre ordonnateur d’une agression génocidaire contre l’Ukraine et récipiendaire d’un mandat d’arrêt international pour déportation d’enfants, repérées et commentées avec sarcasme par beaucoup d’internautes Ukrainiens et internationaux sur la toile, aura peut-être manqué son objectif de vérité alternative…

L’Ukraine, justement, a exprimé ce 13 juin une inquiétude quant à d’éventuelles « conséquences négatives pour la sécurité internationale et la stabilité financière mondiale, en particulier sur les marchés pétroliers », après qu’une augmentation du prix du pétrole ait été constatée sur les marchés suite aux frappes aériennes israéliennes contre l’Iran, mais a souligné que Téhéran restait une « source de problèmes » dans la région « et au-delà » : « Nous tenons à rappeler que le régime iranien soutient la Russie dans sa guerre d’agression illégale contre l’Ukraine et fournit à Moscou des armes pour tuer des Ukrainiens », a déclaré le ministère ukrainien des Affaires étrangères. L’Ukraine appelle la communauté internationale à « prendre des mesures conjointes et décisives » et à dissuader un « groupe de régimes agressifs – la Russie, l’Iran et la Corée du Nord ».

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Au petit matin, le prix du pétrole s’est envolé de + 10% en une nuit, et si Donald Trump, empêtré jusque dans son propre camp dans une stratégie supposée diplomatique mais illisible, croit encore que son seul charisme, un agent immobilier, des droits de douane contre ses alliés, quelques messages sur X sans réelles démonstrations de force concrètes, peuvent arrêter les forces destructrices de l’axe russo-iranien et de leurs multiples proxies, les ciels des pays agressés continuent d’être meurtris et déchirés par la terreur au quotidien.