ONUKH artiste, écrivain, galeriste

Règle de vie

Culture
27 janvier 2023, 15:45

J’ai déjà écrit une fois à ce sujet, mais je ne me souviens pas exactement en quels termes et à quand cela remonte. A chaque début d’année, beaucoup d’entre nous prennent de soi-disant résolutions – ce que nous aimerions réaliser au cours de la nouvelle année, à la fois dans un sens positif et dans un sens négatif. Certains aimeraient lire encore plus de livres ou visiter des endroits où ils ne sont jamais allés auparavant, d’autres veulent arrêter de fumer ou perdre encore plus de poids. Je n’ai pas fumé depuis 40 ans et j’ai tellement perdu de poids que mes connaissances me demandent si je vais bien. J’ai toujours aimé voyager, mais depuis la pandémie, je n’ai plus envie de partir à l’étranger, car je ne peux plus me le permettre en raison des difficultés. Quant aux livres, je n’ai pas envie d’en lire plus, au contraire, je retourne sans cesse à des livres que j’ai déjà lus mais dont j’ai toujours l’impression de ne pas être assez saturé.

Alors je ne me fixe pas de “buts” plus ou moins réels, mais je me pose une question assez basique : “Comment vivre ? Comment vivre plus intelligemment ? Comment puis-je changer ma vie pour le mieux ?”

J’ai trouvé une source d’inspiration assez inattendue. La vie des moines chrétiens m’apprend à mieux vivre. A leur exemple, j’essaie de formuler quelque chose qu’on pourrait appeler un principe de vie. Un principe ou une règle de vie est un plan clé régissant les activités, les compétences et le train-train quotidien, une manière multiforme de résumer comment passer notre temps pour être la personne que nous voulons être.

La règle de vie la plus célèbre de la chrétienté occidentale est la Règle de saint Benoît, écrite au VIe siècle et réglementant la vie des moines bénédictins, définissant clairement ce qu’ils devaient porter et quand prier. Mon exemplaire des Règles de saint Benoît compte près d’une centaine de pages. En revanche, ma règle de vie personnelle peut tenir dans un feuilleton d’environ 800 mots.

Alors que saint Benoît appelait à prier huit fois par jour, ma règle de vie en demande beaucoup, beaucoup, beaucoup moins, y compris la méditation. Benoît encourage les moines à « se stabiliser », les obligeant à rester dans la même communauté et à drastiquement limiter leurs déplacements. J’essaie moi-même de m’imposer une stabilité, en limitant par exemple les déplacements inutiles, et pour ceux que je dois faire, les limiter à seulement quelques fois par an. Saint Benoît conseille de passer chaque jour de longues heures en silence. Et là, je suis proche de ses idéaux — puisque ma femme travaille 6 jours par semaine pendant 10 heures par jour. Sauf si l’on reconnaît les conversations bienveillantes et bon enfant avec mon chien comme une exception à cette règle. Les règles de saint Benoît interdisent aux moines d’avoir une propriété privée et d’être riches. Mes principes définissent la dimension de bienveillance, de générosité et de budgétisation dont nous avons tous besoin. Sa règle nous conseille d’observer des périodes de jeûne. Ma règle de jeûne détermine quand je vais poser mon téléphone, mon ordinateur portable et limiter mon temps d’écran.

Chaque jour, je me réveille ou le chien me réveille à la même heure, puis un petit exercice, les procédures d’hygiène du matin et la première promenade avec le chien. Vers huit heures du matin, c’est le même petit déjeuner rapide et regarder les nouvelles du monde sur la BBC avec une bonne tasse de flat white Illy (un café au lait – ndlr), et seulement ensuite je vérifie mon courrier électronique et je jette un coup d’œil sur les réseaux sociaux. Vers neuf heures du matin, presque chaque jour, je discute sur FaceTime avec ma fille, qui vit en Europe. A cette heure, c’est déjà le début de l’après-midi chez elle, ce qui signifie qu’il y a des événements qui se sont déjà passés et peuvent être discutés brièvement.

Ensuite, la journée passe selon une routine qui se modifie au gré des circonstances et des défis parfois changeants de la vie dans la famille, dans la communauté locale, dans la grande ville, dans le monde global. Le soir, après la dernière promenade avec le chien et les projets pour le lendemain (généralement assez semblables à ceux du jour), – lecture d’un livre, au cours duquel le rythme de la journée se ralentit et je m’endors.

Bien sûr, je suis loin de suivre uniquement les principes bénédictins, mais aussi des principes monastiques moins stricts, même s’il convient de rappeler que la tradition monastique a préservé au fil des siècles ce qui était initialement destiné à tous les chrétiens. Je pense (comme beaucoup d’autres personnes) qu’il est intéressant de prendre ce qui a été préservé et de trouver comment l’utiliser dans un contexte moderne, d’une manière adaptée à nos vies pour nous qui ne sommes ni moines ni nonnes.

Pour la plupart d’entre nous, le problème n’est pas que nous n’ayons pas de règle de vie, mais que nous en ayons une. Le souci n’est pas que ça ne marche pas. Tout fonctionne, mais c’est mal construit, pour ainsi dire. Les conséquences – émotionnelles, relationnelles, professionnelles –  de cette règle, ne correspondent pas à ce que, au fond, nous désirons. Un exemple simple est la façon dont nous sommes tous dépendants de nos téléphones et comment nous perdons beaucoup de temps à lire Facebook, Instagram, Twitter, à nous immerger dans des communications complètement inutiles.

Cette habitude addictive fait de nous, jour après jour, une personne que nous ne voulons probablement pas être.

Au début d’une nouvelle année, peut-être vaut-il la peine d’y réfléchir et de donner à nos activités et routines quotidiennes un sens plus profond, en trouvant leur place dans le flux d’une longue tradition et en trouvant en elles le pouvoir et la beauté, pleine de la métaphysique de la vie sanctifié quotidienne.

 

Auteur:
ONUKH