Array ( [0] => WP_Post Object ( [ID] => 3822 [post_author] => 6 [post_date] => 2023-04-13 10:09:38 [post_date_gmt] => 2023-04-13 10:09:38 [post_content] => L’histoire de la Rzeczpospolita peut servir d’une bonne leçon pour des voisins de la Russie impériale. Ce dernier temps, avant de m’endormir, j’aime me plonger dans le bouquin d’un auteur polonais Paweł Jasienica La Rzezcpospolita des deux nations : histoire d’une agonie (Rzeczpospolita Obojga Narodów: Dzieje agonii ), publié en 1972. Paweł Jasienica était un historien et vulgarisateur de l'histoire polonaise. Il était surtout célèbre pour sa synthèse de l'histoire de l'État polonais avant les partitions du pays, qu'il a réalisée dans ses essais historiques. Ces textes ont été publiés dans les collections « Polska Piastów ». (La Pologne des Piastes, lignée de rois et de ducs qui ont gouverné la Pologne depuis son apparition en tant qu’État indépendant, de 960 jusqu’en 1370 - ndlr ), « Polska Jagiellonów » (La Pologne des Jagellons) et « Rzeczpospolita Obojga Narodów » (Rzeczpospolita des Deux Nations). Le dernier et troisième livre met en avant-scène les années fatales 1696-1795, le déclin de l'État, qui a abouti à une fin tragique, lorsque l'État multinational, qui s’était construit au cours de plusieurs siècles, que nous connaissons sous le nom de la Rzeczpospolita, (litt. La chose publique du latin res publica - ndlr) a cessé d’exister sur la carte de l'Europe, divisée entre ses voisins : la Russie, la Prusse et l'Autriche. Selon Jasenica, la Rzeczpospolita a été perdue essentiellement à cause des péchés des époques précédentes : « Depuis le déclin de la dynastie Piast et jusqu'à l'époque de Stanisław August (le dernier roi de la Rzeczpospolita), les intérêts du gouvernement et du peuple ont souvent ressemblé à deux lignes divergentes, et étaient parfois en conflit flagrant ». J’ignore si l'histoire peut instruire pour de vrai, mais pour un observateur attentif, elle fournit toujours matière à réflexion et à certaines comparaisons. Après tout, la modernité a ses racines dans le passé et d'une façon ou d'une autre nous sommes des héritiers de nos pères. L'histoire de la Rzeczpospolita nous intéresse du point de vue de la Ruthénie/Ukraine qui sous des formes diverses faisait partie de cet État multinational. Je ne vais pas disserter ici sur les subtilités historiques des relations ruthéno-polono-lituaniennes, mais il convient de rappeler qu'une partie des élites ruthènes (une autre définition des Ukrainiens - ndlr) s’est trouvée progressivement délayée dans un système politique des magnats et des oligarques qui régnait dans la Rzeczpospolita. Et c'est ce système qui a finalement amené au déclin de l'un des États européens les plus puissants. La seconde moitié du XVIIe siècle montrait déjà des signes d'incontrôlabilité et de décadence de l'État. Le XVIIIe siècle est une ligne déclinante pour la Rzeczpospolita qui s’avançait vers des abîmes de l’histoire. Au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, sous le règne de la dynastie saxonne de Wettin (dont une branche règne de nos jours dans plusieurs pays : Belgique, Royaume-Uni, etc. - ndlr), l' État de facto devient un protectorat russe. Le dernier souverain qui arrive au pouvoir lors d'une élection libre (les rois de la Rzeczpospolita étaient élus par la noblesse lors de la dite Diète électorale), le roi Stanisław August Poniatowski n'appartenait pas à la caste des magnats, mais disposait plutôt du soutien de la Russie, et pas seulement parce qu'il a été brièvement l'amant de la tsarine Catherine II dans sa jeunesse. Paradoxalement, le règne de Sigismond II August fut une période de grandes réformes étatiques, malheureusement tardives. Son plus grand succès fut la première Constitution en Europe (formulée six mois plus tôt que la Constitution française). Adoptée le 3 mai 1791, elle transforme l'État en une monarchie constitutionnelle et introduit le principe de la division du pouvoir en trois branches. C’est la Diète bicamérale qui est censée mettre en œuvre la volonté souveraine de la nation. La Constitution a été adoptée 19 ans après le premier partage, à la suite duquel la Rzeczpospolita a perdu environ 35 % de son territoire et 30 % de sa population. La Russie en a pris le maximum : la Livonie (nom historique donné à plusieurs entités politiques en Baltique orientlae - ndlr) et les terres ruthènes, où vivaient 1,3 million d'habitants. Comme l'a écrit Catherine II : « La Russie emportera les terres qui lui appartiennent, car il y a des cités érigées par des princes ruthènes, des peuples apparentées aux Russes y vivent ». Les élites éduquées, instruites par le partage de 1772, sortent de leur sommeil et veulent sauver l'ensemble de l'Etat polono-lituanien. Le principal prétexte au vol effectué par les empires voisins est l'argument de son « déclin complet ». L'Europe ne proteste pas beaucoup. Stanisław August Poniatowski, réalisant que seule la bonne volonté de l'impératrice Catherine pouvait sauver les restes de l'État qui demeuraient sous son règne, lui envoya une lettre privée dans laquelle il dit : « Il est important pour toi d'avoir une influence sur la Pologne et de pouvoir y déplacer des troupes sans aucun problème, chaque fois que tu veux t’en prendre aux Turcs ou à l'Europe. Il nous importe d'éviter les révolutions constantes que toute anarchie ne peut que produire, entraînant l'intervention de tous nos voisins et nous armant les uns contre les autres. Nous avons aussi besoin d'une gestion interne, mieux organisée qu'avant. C'est donc le moment et la manière de tout combiner. Donne-nous ton petit-fils Constantin comme mon successeur, qu'il unisse les deux pays par une alliance éternelle et un traité commercial, bénéfique pour les deux parties. Je ne peux pas dire que toutes les circonstances favorisent plus que jamais la mise en œuvre de ce plan (…). Tu peux être certaine que tout ce que j’y propose soit accepté avec un enthousiasme, peut-être même plus grand que n'importe quelle décision de cette Diète ». En cette année la plus difficile de 1772, la Russie, l'Autriche et la Prusse ont conclu un traité entre elles concernant la Rzeczpospolita. Il ne mentionnait pas la division. Les empires n’ont décidé que de restituer une ancienne anarchie dans l'État et se sont solennellement engagés « qu'ils ne prétendront jamais à faire monter les princes de leurs maisons sur le trône de la Rzeczpospolita... ». Un sage dirait : « ne jamais dire  jamais » . En 1815, l'empereur russe Alexandre Ier s’accapare le titre de roi de Pologne et s'installe à Varsovie en tant que gouverneur au nom de son frère Constantin. Cent ans ont passé. Suite à des changements géopolitiques en Europe après la fin de la Première Guerre mondiale, la Pologne a obtenu son indépendance en 1918 et a dénommé son État ressuscité deuxième Rzeczpospolita en l'honneur de sa précédente historique. Une vingtaine d'années se sont écoulées, et en septembre 1939, les voisins de la deuxième Rzeczpospolita, à savoir l'Allemagne et la Russie soviétique, procédèrent à un nouveau partage de l'Etat polonais, comme ils l’appelaient « le bâtard de Versailles ». La fin de la Seconde Guerre mondiale n'a pas apporté une liberté absolue à la Pologne, seulement une autre Rzeczpospolita avait été créée, cette fois-ci « populaire », de facto, sous le protectorat soviétique. Seuls l'effondrement de l'Union soviétique, l'adhésion de la Pologne à l'OTAN, puis à l'Union européenne, ainsi que l'émergence d'une Ukraine indépendante à l'Est de la Pologne, ont permis de construire la troisième Rzeczpospolita, cette fois-ci démocratique et intégrée à l'Europe occidentale. L'Ukraine est désormais le nouveau voisin occidental de la Russie, mais la tradition impériale russe n'a pas disparu, elle s'est seulement concentrée sur la conquête et la vassalisation de l'Ukraine. Il s'avère que l'histoire de la Rzeczpospolita peut être une bonne leçon pour tous les anciens et nouveaux voisins de la Russie impériale. [post_title] => Un déjà-vu historique : les leçons de la Rzeczpospolita [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => closed [ping_status] => closed [post_password] => [post_name] => un-deja-vu-historique-les-lecons-de-la-rzeczpospolita [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2023-04-13 17:32:58 [post_modified_gmt] => 2023-04-13 17:32:58 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://tyzhden.fr/?p=3822 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw ) [1] => WP_Post Object ( [ID] => 2282 [post_author] => 4 [post_date] => 2023-01-27 15:45:56 [post_date_gmt] => 2023-01-27 15:45:56 [post_content] => J'ai déjà écrit une fois à ce sujet, mais je ne me souviens pas exactement en quels termes et à quand cela remonte. A chaque début d'année, beaucoup d'entre nous prennent de soi-disant résolutions - ce que nous aimerions réaliser au cours de la nouvelle année, à la fois dans un sens positif et dans un sens négatif. Certains aimeraient lire encore plus de livres ou visiter des endroits où ils ne sont jamais allés auparavant, d'autres veulent arrêter de fumer ou perdre encore plus de poids. Je n'ai pas fumé depuis 40 ans et j'ai tellement perdu de poids que mes connaissances me demandent si je vais bien. J'ai toujours aimé voyager, mais depuis la pandémie, je n'ai plus envie de partir à l'étranger, car je ne peux plus me le permettre en raison des difficultés. Quant aux livres, je n'ai pas envie d'en lire plus, au contraire, je retourne sans cesse à des livres que j'ai déjà lus mais dont j'ai toujours l'impression de ne pas être assez saturé. Alors je ne me fixe pas de “buts” plus ou moins réels, mais je me pose une question assez basique : “Comment vivre ? Comment vivre plus intelligemment ? Comment puis-je changer ma vie pour le mieux ?” J'ai trouvé une source d'inspiration assez inattendue. La vie des moines chrétiens m'apprend à mieux vivre. A leur exemple, j'essaie de formuler quelque chose qu'on pourrait appeler un principe de vie. Un principe ou une règle de vie est un plan clé régissant les activités, les compétences et le train-train quotidien, une manière multiforme de résumer comment passer notre temps pour être la personne que nous voulons être. La règle de vie la plus célèbre de la chrétienté occidentale est la Règle de saint Benoît, écrite au VIe siècle et réglementant la vie des moines bénédictins, définissant clairement ce qu'ils devaient porter et quand prier. Mon exemplaire des Règles de saint Benoît compte près d'une centaine de pages. En revanche, ma règle de vie personnelle peut tenir dans un feuilleton d'environ 800 mots. Alors que saint Benoît appelait à prier huit fois par jour, ma règle de vie en demande beaucoup, beaucoup, beaucoup moins, y compris la méditation. Benoît encourage les moines à "se stabiliser", les obligeant à rester dans la même communauté et à drastiquement limiter leurs déplacements. J'essaie moi-même de m'imposer une stabilité, en limitant par exemple les déplacements inutiles, et pour ceux que je dois faire, les limiter à seulement quelques fois par an. Saint Benoît conseille de passer chaque jour de longues heures en silence. Et là, je suis proche de ses idéaux — puisque ma femme travaille 6 jours par semaine pendant 10 heures par jour. Sauf si l’on reconnaît les conversations bienveillantes et bon enfant avec mon chien comme une exception à cette règle. Les règles de saint Benoît interdisent aux moines d'avoir une propriété privée et d'être riches. Mes principes définissent la dimension de bienveillance, de générosité et de budgétisation dont nous avons tous besoin. Sa règle nous conseille d'observer des périodes de jeûne. Ma règle de jeûne détermine quand je vais poser mon téléphone, mon ordinateur portable et limiter mon temps d'écran. Chaque jour, je me réveille ou le chien me réveille à la même heure, puis un petit exercice, les procédures d'hygiène du matin et la première promenade avec le chien. Vers huit heures du matin, c'est le même petit déjeuner rapide et regarder les nouvelles du monde sur la BBC avec une bonne tasse de flat white Illy (un café au lait – ndlr), et seulement ensuite je vérifie mon courrier électronique et je jette un coup d'œil sur les réseaux sociaux. Vers neuf heures du matin, presque chaque jour, je discute sur FaceTime avec ma fille, qui vit en Europe. A cette heure, c'est déjà le début de l'après-midi chez elle, ce qui signifie qu'il y a des événements qui se sont déjà passés et peuvent être discutés brièvement. Ensuite, la journée passe selon une routine qui se modifie au gré des circonstances et des défis parfois changeants de la vie dans la famille, dans la communauté locale, dans la grande ville, dans le monde global. Le soir, après la dernière promenade avec le chien et les projets pour le lendemain (généralement assez semblables à ceux du jour), - lecture d’un livre, au cours duquel le rythme de la journée se ralentit et je m'endors. Bien sûr, je suis loin de suivre uniquement les principes bénédictins, mais aussi des principes monastiques moins stricts, même s'il convient de rappeler que la tradition monastique a préservé au fil des siècles ce qui était initialement destiné à tous les chrétiens. Je pense (comme beaucoup d'autres personnes) qu'il est intéressant de prendre ce qui a été préservé et de trouver comment l'utiliser dans un contexte moderne, d’une manière adaptée à nos vies pour nous qui ne sommes ni moines ni nonnes. Pour la plupart d'entre nous, le problème n'est pas que nous n'ayons pas de règle de vie, mais que nous en ayons une. Le souci n'est pas que ça ne marche pas. Tout fonctionne, mais c'est mal construit, pour ainsi dire. Les conséquences – émotionnelles, relationnelles, professionnelles –  de cette règle, ne correspondent pas à ce que, au fond, nous désirons. Un exemple simple est la façon dont nous sommes tous dépendants de nos téléphones et comment nous perdons beaucoup de temps à lire Facebook, Instagram, Twitter, à nous immerger dans des communications complètement inutiles. Cette habitude addictive fait de nous, jour après jour, une personne que nous ne voulons probablement pas être. Au début d'une nouvelle année, peut-être vaut-il la peine d'y réfléchir et de donner à nos activités et routines quotidiennes un sens plus profond, en trouvant leur place dans le flux d'une longue tradition et en trouvant en elles le pouvoir et la beauté, pleine de la métaphysique de la vie sanctifié quotidienne.   [post_title] => Règle de vie [post_excerpt] => [post_status] => publish [comment_status] => closed [ping_status] => closed [post_password] => [post_name] => regle-de-vie [to_ping] => [pinged] => [post_modified] => 2023-01-27 15:45:56 [post_modified_gmt] => 2023-01-27 15:45:56 [post_content_filtered] => [post_parent] => 0 [guid] => https://tyzhden.fr/?p=2282 [menu_order] => 0 [post_type] => post [post_mime_type] => [comment_count] => 0 [filter] => raw ) )

Author: ONUKH

artiste, écrivain, galeriste