« Depuis le début de ce mois de septembre, la France forme et équipe une brigade entière de l’armée ukrainienne », annonce le ministère des Armées français. Cette formation complète, au profit des 2 300 soldats de la brigade 155, dite « Anne de Kyiv », mobilise 1 500 militaires français. « Un modèle de soutien à l’Ukraine inédit que seule la France met en œuvre », soulignent les sources officielles, mettant en avant leur action.
Mais qui était Anne de Kyiv, l’épouse du roi de France Henri Ier ? On sait qu’Anna, une des filles du prince Yaroslav le Sage, est née vers 1032. Sa mère était la princesse suédoise Ingigerd, fille du roi Olof III. Le grand-père d’Anna était le même prince Volodymyr qui a baptisé l’état médiéval portant le nom de Rus’ ou Ruthénie, selon les sources grecques. Volodymyr avait adopté un étendart bleu et jaune avec des armoiries en forme de trident. La monnaie utilisée par Volodymyr et son fils Yaroslav s’appelait la hryvnia, comme l’actuelle monnaie ukrainienne. Et même s’il existe plus de quarante hypothèses sur la signification du trident, la continuité entre l’ancien État princier et l’Ukraine moderne est évidente en ce qui concerne les symboles.
Anne fut l’épouse du roi de France Henri Ier (1051-1060), mère du roi de France Philippe Ier et du comte Hugo de Vermandois, qui fut l’un des dirigeants de la première croisade. Contrairement à tant des femmes de son temps, Anna était instruite, outre le suédois de sa mère, elle connaissait le vieux ruthène (la langue proto-ukrainienne – ndlr), le latin, le grec et le français. La princesse ruthène savait lire et écrire, sa signature «Анна Ръина» en cyrillique, ce qui signifie « la reine Anna », se retrouve dans plusieurs documents historiques français. Anne fonda le monastère Saint-Vincent à Senlis (1065), au nord de Paris, qui fut sa résidence. Dans ce monastère, en particulier, les femmes qui parvenaient à échapper à un mari autoritaire et brutal trouvaient refuge. Anne de Kyiv est mentionnée pour la dernière fois dans un document en 1075. Nul ne sait où elle est enterrée.
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Certains historiens pensaient qu’après la mort de son second mari, Raoul de Crépi, elle était retournée à Kyiv et y était morte. Selon une autre version, avancée à la fin du XVIIe siècle par un érudit, l’abbé de Menestre, la tombe d’Anne se trouverait dans l’église de l’abbaye de Villers, près de la ville d’Étampes en France.
Chaque année, le 5 septembre, considéré comme le jour de sa mort, un service pour son âme est célébré à Senlis, Dans la cours du monastère Saint-Vincent un monument en hommage d’Anne de Kyiv a été érigé au XVIIe siècle. Un autre est apparu à Senlis en juin 2005. Une des écoles de la ville porte le nom de cette reine, un centre culturel Anne de Kyiv a vu le jour, toujours à Senlis, en 2014.
La Russie, fidèle à son habitude de captation de l’héritage, a tenté à plusieurs reprises de s’emparer de la mémoire de la reine Anne. En particulier, lors de sa visite à Paris en 2016, Vladimir Poutine a tenté de se l’approprier lors d’une conférence de presse commune avec Emmanuel Macron. Cependant, la Moscovie, devenue la Russie en 1721 par la volonté de Pierre le Grand, n’existait tout simplement pas encore à l’époque d’Anne de Kyiv. Anna est morte vers 1075, et Moscou a été fondée en 1147, cent ans plus tard. Mais il s’agit là d’un sujet pour une autre conversation.