Alla Lazaréva Rédactrice en chef adjointe, correspondente à Paris du journal Tyzhden

Olga Kharlan, un rêve ukrainien

Société
5 août 2024, 14:45

C’était un vrai défi d’obtenir un commentaire exclusif d’Olga Kharlan après sa conférence de presse. Pas étonnant ! La sextuple championne olympique et l’une des plus brillantes escrimeuses du monde. Olga répond vite, sans phrases tordues ni opinions voilées. Grande sportive, mais pas la grosse tête.

Grâce à sa victoire dans la compétition au sabre par équipe, Olga Kharlan a remporté sa sixième médaille d’or et est devenue la championne olympique ukrainienne la plus titrée. Il parait que la poupée Barbie créée à l’effigie d’Olga est très demandée. Un rêve ukrainien ? En quoi sommes-nous pires que les Américains ? Olga Kharlan a grandi à Mykolaiv, dans une famille d’ouvriers. Elle a rejoint le club d’escrime de son quartier lorsqu’elle était écolière, « parce que c’était gratuit », a-t-elle déclaré à des journalistes à Paris. « Je suis favorable au système des clubs, je souhaite vraiment que chaque centre régional ukrainien dispose d’un club professionnel où les futurs escrimeurs pourraient s’entraîner. J’y pense souvent », a-t-elle ajouté.

« Êtes-vous en contact avec les militaires ukrainiens sur la ligne de front ? », demande La Croix à la joueuse ukrainienne. « Oui, régulièrement. Ils m’écrivent sur les messageries, disant que je les inspire. Mais en fait, ce sont eux, nos défenseurs, qui sont ma source d’inspiration ! Toutes mes victoires sont dédiées à nos soldats. D’ailleurs, plus de trois mille athlètes ukrainiens ont rejoint l’armée pendant la guerre ».

En général, les commentateurs sportifs n’aiment pas parler de la guerre. C’est l’été, les vacances, les compétitions, les médailles… Mais les victoires ukrainiennes permettent à nos athlètes de rappeler au monde qu’une guerre totale et meurtrière se déroule en Ukraine, à seulement 3 500 kilomètres de Paris. En témoigne la tribune mutilée du stade de Kharkiv, à côté de laquelle la CNN réalise ses stand-ups interminables. Et pas que CNN d’ailleurs. La presse internationale, qui s’est rendue à la Maison olympique ukrainienne pour voir Kharlan s’est pas mal servie de cette installation comme toile de fond pour ses reportages.

Le sport est-il en dehors de la politique ? On peut s’inventer des contes de fées lénifiants autant qu’on veut, mais le monde et cruel, il vit selon ses propres règles, souvent très archaïques. On aime les gagnants et on respecte les irréductibles. Olga Kharlan a su synthétiser cette image à elle toute seule, ce qui a sans doute attiré des sympathies vers son pays.

Il semble que le public français a pris Olga en sympathie. Lors de ses matchs, il y avait tellement de drapeaux ukrainiens dans les tribunes que les Ukrainiens, capable de s’acheter un billet pour y assister, n’en auraient jamais apporté autant : « Olga, Olga ! », scandaient les spectateurs, en prononçant le prénom de l’athlète à la française, avec l’accent sur la dernière syllabe. « Je suis très, très reconnaissante au public français pour son accueil et son soutien », a avoué la sabreuse. « C’est très différent comparé à Rio de Janeiro ou à d’autres compétitions ».

Olga Kharlan ne regrette pas d’avoir refusé de serrer la main de la Russe Anna Smirnova il y a un an. Ce geste a failli coûter à l’athlète sa participation à la Coupe du monde en Italie, a provoqué un énorme scandale, mais l’a aussi rendue célèbre. Selon Olga, cet épisode a contribué au fait que l’équipe russe ne participe pas aux Jeux. Depuis lors, les athlètes ukrainiens ne serrent plus la main des athlètes « neutres », et les juges sont devenus plus accommodants à ce sujet.

Olga dit qu’elle ne se lancera pas dans la politique après avoir terminé sa carrière sportive. « Ministre des sports ? Non, merci ! », répond-elle en riant à la suggestion d’une journaliste. Elle estime que sa courte expérience en tant que député « était une mauvaise idée ». Par contre, elle réfléchi à la façon de donner plus de chances aux jeunes de province pour pratiquer un sport en Ukraine. « J’ai déjà quelques idées en tête », a-t-elle dit.

Olga Kharlan est née à Mykolaiv, au sud de l’Ukraine, le 4 septembre 1990. Enfant, elle s’est d’abord engagée dans la danse de salon, mais plus tard, ses parents n’ont pas eu l’argent nécessaire pour financer cette activité. Son parrain a amené la jeune fille à la section d’escrime, et c’est lui qui est devenu son premier entraîneur. Elle a progressé dans ce sport à une vitesse incroyable. À l’âge de 13 ans, la jeune fille remporte la Coupe d’Ukraine. L’année suivante, elle participe aux championnats d’Europe juniors et se classe deuxième.

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À l’âge de 17 ans, l’Ukrainienne est devenue championne du monde junior et, un an plus tard, elle a participé à ses premiers Jeux olympiques. À Pékin en 2008, l’équipe ukrainienne, avec Kharlan dans ses rangs, a battu de manière sensationnelle les hôtes chinois en finale, remportant la médaille d’or. « Le déroulement de cette finale était similaire à celle de cette année. Les Ukrainiens étaient derrière leurs adversaires, mais à la fin du match, ils ont réussi à faire la différence, à prendre la tête et à gagner avec un avantage minime. Une fois de plus, c’est Kharlan qui a pris les devants », raconte la BBC.

Au total, l’Ukrainienne est six fois championne du monde et huit fois championne d’Europe d’escrime. Lors d’une interview à la veille des Jeux olympiques, Olga a laissé entendre qu’elle pourrait faire une pause dans le sport. Pour se consacrer à sa vie personnelle ? « Tout est possible », a esquivé l’athlète, pour une fois sans faire de réponse directe.