Lera Bourlakova attachée de presse du bureau ukrainien d'Amnesty International

Selon Amnesty, les enfants payent le prix fort pour l’agression russe

Guerre
6 décembre 2024, 10:06

Une enquête d’Amnesty international s’est intéressée aux victimes civiles de la guerre en Ukraine et relève que dans de nombreux cas, des enfants sont parmi les blessés lors de bombardement. L’ONG continue de documenter chaque violation des conventions de Genève et appelle à ce que les auteurs de crimes de guerre soient jugés. 

L’été 2024 a été l’une des périodes les plus meurtrières pour les civils en Ukraine depuis le début de l’invasion à grande échelle. Les enfants ont été et sont toujours particulièrement touchés, alors qu’ils sont plus vulnérables aux effets des attaques.

Entre janvier et septembre 2024, le Service d’enquête d’Amnesty International a analysé plus de 120 vidéos et images, confirmant 17 incidents dont des enfants ont été victimes. Certains incidents ont été documentés sur le terrain, où les chercheurs se sont entretenus avec de nombreux témoins et victimes.

« L’explosion a été si forte que je me suis immédiatement retrouvé par terre. Il y avait de la poussière, du verre, tout tombait. Je suis resté allongé sur le sol pendant plusieurs secondes, j’ai senti des sifflements dans mes oreilles et un vide, je n’entendais rien. Je ne voyais que le plafond et les armoires qui tombaient. Lorsque j’ai repris mes esprits, je me suis rendu compte que tout ce qui m’entourait était en ruines. J’étais également blessé : j’ai senti de la chaleur sur mon corps, j’ai vu que je saignais, mais mes bras et mes jambes fonctionnaient, je respirais. J’ai rampé un peu et j’ai vu que l’enfant que j’étais en train d’opérer allait bien, bien que la machine près de lui avait été détruite », a expliqué à Amnesty International Oleh Holubchenko, un chirurgien de l’hôpital Okhmatdyt qui a opérait l’enfant au moment même où le bombardement a eu lieu.

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« Nous avons réveillé tous les enfants et j’ai porté la plus jeune dans mes bras parce qu’elle dormait. Nous nous sommes cachés dans le couloir à l’entrée près de la cuisine et avons attendu la fin de l’alarme. Yevheniia paniquait un peu, et après la première explosion dans la rue Mikhnovskikh, elle a pris tous les enfants et est descendue avec eux dans la cage d’escalier, tout le monde pensait que c’était l’endroit le plus sûr », a expliqué Yaroslav Bazylevych, originaire de Lviv. Quelques minutes plus tard, Yevheniia a appelé son mari pour lui dire de descendre dans la cage d’escalier également, car il était resté le seul dans leur appartement. « Au moment où elle a prononcé ce mot « descends », il y a eu une autre explosion, qui m’a arraché le téléphone des mains, m’a endommagé l’œil, m’a fait perdre le sens de l’orientation. J’ai commencé à chercher le téléphone, content que ma famille soit descendue dans ce que nous pensions être un endroit sûr », a-t-il dit.

La munition qui a frappé le bâtiment a causé une destruction massive. Le dernier étage a été détruit, les plafonds se sont effondrés, les fenêtres ont volé en éclats et des débris ont été éparpillés dans toute la zone. L’escalier où se cachaient sept civils, dont Yevheniia et ses filles Yaryna (21 ans), Daria (18 ans) et Emilia (6 ans), s’est effondré sur elles. Malgré les efforts des secouristes pour dégager les décombres, les sept personnes sont décédées.

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Il est évident pour nous que ces frappes et d’autres sont des attaques contre des civils. Les étrangers, même s’ils entendent des nouvelles d’Ukraine – explosions, victimes – ne comprennent pas toujours la nature de ces frappes. C’est pourquoi nous analysons soigneusement chaque cas, en vérifiant s’il y avait des cibles militaires à proximité (car ce sont des cibles légitimes, quoi qu’on en dise), et en déterminant quel type d’arme a été utilisé. C’est très important. Par exemple, dans le cas d’Okhmatdyt, étant donné la taille énorme du complexe hospitalier, il est difficile de supposer que le missile de croisière – le nouveau missile à guidage de précision Kh-101 – pouvait viser une autre cible et se tromper d’objectif.

En mettant l’accent sur toutes ces données vérifiées pour la communauté internationale, nous soulignons qu’il ne s’agit pas seulement d’une guerre et de ses victimes accidentelles. Il s’agit d’une guerre de la Russie contre l’Ukraine, accompagnée de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

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Cela ne peut être ignoré. Les États doivent commencer à enquêter et à poursuivre les personnes soupçonnées de crimes de guerre et d’autres crimes relevant du droit international, conformément au principe de la compétence universelle. Chaque État a l’obligation de rechercher les personnes présumées avoir commis ou ordonné des crimes de guerre, qui constituent des « infractions graves » aux conventions de Genève, et de traduire ces personnes, quelle que soit leur nationalité, devant ses propres tribunaux.