Le ballet ukrainien : les vedettes de Galicie

Culture
27 février 2024, 16:25

Les danseuses de Galicie, vaste région qui s’étend à l’Ouest de l’Ukraine, ont laissé leur marque unique dans l’histoire de la chorégraphie ukrainienne moderne. Parmi elles, la figure d’Oksana Sukhoverska (née Fediv), originaire de Zolochivshchyna, se démarque des autres par son influence.

Pionnière de l’enseignement de la danse à l’école, Oksana Fediv nait en 1891 près de Lviv. Son père est instituteur. Suivant ses pas, elle obtient un diplôme en pédagogie qu’elle complète avec des études de musique et d’eurythmique, d’abord à Lviv, puis à Vienne, Berlin et Prague.

Pionnière du mouvement suédois d’éducation physique des femmes, Oksana Fediv enseigne dans de nombreux établissements pour femmes. Possédant une énergie inépuisable, elle organise ou participe à de nombreux événements culturels et sportifs dont elle profite pour mettre en valeur la danse eurythmique d’Émile Jaques-Dalcroze et le style de danse libre d’Isadora Duncan. En 1930, elle inaugure la première école de plasticité rythmique de l’Ouest de l’Ukraine. En 1932, l’établissement s’agrandit pour inclure quatre programmes distincts : un pour les enfants, deux pour les jeunes et un dédié aux femmes.

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L’une de ses élèves, Daria Nyzhankivska-Snigurovych, devient danseuse étoile et célèbre chorégraphe ukrainienne. À l’âge de huit ans, elle s’inscrit à l’école d’eurythmie d’Oksana Sukhoverska où, pendant dix ans, elle acquiert les bases de la danse. Par la suite, elle perfectionne sa technique de la danse classique sous la tutelle de Mia Slavenska à Prague, à l’école privée de ballet du chorégraphe Stanislav Falishevsky à Lviv et auprès de Valentina Pereyaslavets. Danseuse étoile à l’Opéra de Lviv, Daria Nyzhankivska-Snigurovych quitte l’Ukraine après la Deuxième Guerre mondiale. Internée dans un camp de personnes déplacées en Autriche, elle y ouvre une école de danse dont les élèves remportent un prix au festival international de danse d’Innsbruck en 1945. Daria Nyzhankivska-Snigurovych finit sa vie au Canada, ou elle a ouvert une autre école, cette fois à Winnipeg, en 1950.

Photo: Daria Nyzhankivska-Snigurovych

Une autre élève d’Oksana Sukhoverska, Iryna Zaleska (née Kobziar), connaît un destin similaire. Danseuse à l’Opéra de Lviv, elle émigre après la guerre et fonde un studio de plasticité rythmique à Mittenwald (Allemagne) en 1946. En 1949, elle s’installe à Melbourne, en Australie, où elle enseigne pour les amateurs. De 1962 à 1988, elle dirige un studio de plasticité rythmique à l’école ukrainienne de Noble Park, où elle enseigne la plasticité rythmique et la parole artistique.

Mais la plus illustre des élèves d’Oksana Sukhoverska est sans doute Roma Pryma-Bohachevska, danseuse et chorégraphe d’origine ukrainienne. Née à Przemysl (aujourd’hui en Pologne) en 1927, elle devient à l’âge de 13 ans la plus jeune danseuse de l’Opéra de Lviv. En 1944, Roma Pryma et sa mère s’installent en Autriche. Trois ans plus tard, elle est diplômée avec mention de l’Académie de musique et d’art dramatique de Vienne, où elle a fréquenté les studios dirigés par Grete Wiesenthal. Danseuse soliste à Innsbruck et à Salzbourg, elle rencontre le chorégraphe Harald Kreutzberg et commence à se concentrer sur le style expressionniste de la danse, dans le but de révéler les mystères de l’inconscient humain à travers le mouvement.

Photo: Roma Pryma-Bohachevska

Accompagnée de sa mère au piano, elle présente un programme original intitulé Danses et personnages d’Ukraine lors d’une tournée de concerts dans des centres culturels au Canada, en Amérique du Nord et en Amérique centrale. Pendant cinq ans, la danseuse et sa mère se produisent dans les capitales européennes et dans les grandes villes d’Amérique du Nord.

Après avoir émigré au Canada, Roma Pryma devient soliste au Royal Ballet de Winnipeg et danse au théâtre de la célèbre danseuse Ruth Sorel à Montréal. De retour aux États-Unis en 1951, elle obtient la nationalité américaine et s’installe à New York. Sur place, elle rejoint la célèbre troupe de danse de Martha Graham et crée ses propres écoles à New York, Yonkers et Newark, qui acquièrent la notoriété grâce à leurs grandes productions telles que Cendrillon, La Fleur de fougère (1970) et Les Aventures de Peer Gynt (1973). Elle organise également des camps d’été de danse qui ont beaucoup de succès dans la diaspora ukrainienne. En 1978, elle fonde l’ensemble Syzokryli et en assume la direction artistique. Il est intéressant de noter que, contrairement aux danses nationales traditionnelles où les danseurs masculins dominent généralement la scène, Syzokryli met en valeur des femmes fortes, athlétiques et agiles.

Ces femmes brillantes, modernes, pleines d’initiative et dévouées à la cause ukrainienne ont su préserver et porter leur singularité à travers les circonstances politiques et historiques les plus complexes.