Le mouvement de balancier a changé de sens au Moyen-Orient, de la démocratisation vers une nouvelle consolidation des systèmes de gouvernement autoritaires.
Le retrait précipité d’Afghanistan a été un coup dur pour la réputation et à la crédibilité de l’Occident dans la région. La société civile afghane libérale, qui s’était formée au cours des décennies de présence occidentale dans ces montagnes, a désormais été détruite par le régime islamiste totalitaire des talibans. Les femmes afghanes sont particulièrement vulnérables à la privation totale de leurs droits. L’effondrement de l’économie plonge la population dans la pauvreté et la faim. Pourtant, cette catastrophe se prolonge par le silence.
Aux yeux des dirigeants du Moyen-Orient, il s’agit d’une trahison par l’Occident d’un pays, auquel il avait promis la sécurité et le progrès. Ainsi, c’est la confirmation que l’Occident ne croit plus en ses propres valeurs et a renoncé à son statut de force qui détermine un nouvel ordre dans la région. Cela les incite à serrer encore plus la vis de leur régime et à ne plus chercher à maintenir l’apparence d’un volonté de réforme démocratique. De plus, c’est profondément démoralisant pour les mouvements pro-démocratiques de la région. Ils en concluent que les démocraties occidentales, en Afghanistan comme en Syrie, ont cyniquement abandonné les formations qui partagent leurs valeurs.
Lire aussi: Timothy Garton Ash : Nous avons besoin d’une décolonisation de la pensée occidentale
La Russie et la Chine autoritaires tentent de combler le vide, qui s’est formé au Moyen-Orient après le retrait de l’Occident. Pékin a récemment réussi à promouvoir le rétablissement des relations diplomatiques entre les ennemis jurés, l’Arabie saoudite et l’Iran. A cet égard, il souligne ses ambitions en tant que créateur d’une nouvelle architecture de sécurité pour le Moyen-Orient détruit. L’Occident doit se contenter d’un rôle de spectateur. L’accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran est discutable, d’autant plus que Téhéran pourrait fabriquer une bombe atomique. Mais pour l’instant, l’accord contribue à la stabilisation de la situation au détriment des droits de l’homme et des libertés démocratiques dans la région.
Dans la foulée du récent rapprochement des dictatures, le régime meurtrier d’Assad en Syrie est également sur le point d’obtenir sa réhabilitation au niveau international. Oman et les Émirats arabes unis ont déjà ouvertement recommandé son retour au sein de la Ligue arabe. C’est un triomphe pour la Russie, alliée avec l’Iran, et qui a bombardé de grandes parties de la Syrie pour soutenir le régime d’Assad. En retour, l’Iran soutient désormais la guerre de la Russie contre l’Ukraine en lui fournissant des armes. Malgré son alliance avec le régime chiite de Téhéran, Poutine, en tant qu’incarnation d’un désir impitoyable de pouvoir, est également très respecté par les dirigeants arabes sunnites tels que le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed bin Salman.
Lire aussi: L’Ukraine pourrait-elle devenir musulmane ?
Les « printemps arabes » ont commencé en Tunisie, seul pays arabe qui a réussi à instaurer une démocratie pluraliste. Mais elle est aujourd’hui systématiquement démantelée par un président autoritaire. De plus, l’économie tunisienne est au bord de l’effondrement. Seul l’Irak, libéré du régime de terreur de Saddam Hussein par les Américains il y a 20 ans, dispose des apparences d’un système démocratique. Malgré toutes les crises sanglantes que le pays a connues depuis lors, une société civile très active y a vu le jour. Elle se rebelle contre une classe dirigeante politique corrompue et contre la domination croissante de l’Iran, mais en même temps elle est soumise à une répression croissante de l’État et à la violence des groupes pro-iraniens.
L’espoir d’un avenir plus viable pour la région repose désormais sur un soulèvement en Iran. Le fait qu’il soit dirigé par des femmes que revendiquent la dignité, l’égalité et l’autodétermination pourrait donner un élan décisif à la lutte pour la liberté dans le monde arabe également. Cependant, le régime iranien se maintient par la terreur et un soutien des spécialistes de la répression, à Moscou et à Pékin. La résistance iranienne a besoin d’une organisation et d’une direction politique efficaces, faute de quoi elle ne pourra pas renverser le système en place.
Lire aussi: Agathangel Krymsky, orientaliste d’Ukraine à l’héritage mondial
La démocratie ne s’est pas répandue au Moyen-Orient, mais elle est également menacée en Israël. La réforme de la justice en Israël a été temporairement stoppée par un vaste mouvement de mécontentement. Mais le renforcement de la droite religieuse radicale menace l’État de droit et la constitution de l’État juif.
Il est pourtant difficile de voir les signes d’une stratégie occidentale visant à contrer le retour du despotisme autocratique dans la région. Parallèlement, des régimes comme celui de l’Arabie saoudite sont encore très dépendants de l’Occident, à la fois économiquement et militairement, et en réalité surtout des États-Unis. L’Occident ne peut pas prétendre, pour rétablir son influence, qu’il existe des « spécificités culturelles » propres à ces pays. Il ne peut regagner du respect dans la région que par la défense de manière permanente des valeurs et des droits fondamentaux.