L’Union européenne se prépare à lutter contre le contournement des sanctions

Politique
26 mars 2023, 16:54

Le onzième paquet de sanctions européennes contre la Russie va surtout viser les fraudeurs. Il va durcir les contrôles sur les exportations de biens à double usage (qui servent à la fois pour des productions civiles et militaires). Des sanctions secondaires pourraient également viser des pays suspectés d’aider la Russie à échapper aux sanctions : les Émirats arabes unis, la Turquie, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, l’Arménie, la Géorgie.

« Depuis un an, on constate une augmentation des flux commerciaux vers ces pays, pour des biens à double usage, comme les composants électroniques. La Commission européenne s’est adressée récemment aux autorités de ces pays pour demander des explications », indique une source à Bruxelles.

Les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne qui étaient réunis les 23 et 24 mars, en Conseil européen, ont du mal à s’accorder sur une nouvelle liste de sanctions contre la Russie. Certains États, comme la Hongrie, sont de plus en plus réticents. En revanche, il existe un accord sur la nécessité de faire en sorte que les sanctions actuelles soient plus efficaces.

La Russie, en effet, s’est largement adaptée aux sanctions et a trouvé de nombreux moyens de les contourner. Elle a recours en premier lieu à des « importations parallèles ». Ce système utilise des entreprises basées dans des pays tiers, qui achètent et réexportent en Russie les produits qui y sont, en principe, interdits à la vente.

Ces entreprises sont parfois de simples filiales de sociétés russes, créées en toute hâte. Parfois aussi, ce sont des sociétés locales officiellement propriétés de prête-noms. Elles existent grâce à la complicité plus ou moins active des autorités des pays dans lesquels elles sont basées. Ces ventes sont également possibles du fait de la complaisance des entreprises occidentales qui ferment les yeux sur le destinataire final.

« Nous avons examiné les données d’exportation de nombreux États de l’ex-Union soviétique et de nombreux pays limitrophes de la Russie », a par exemple raconté le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck, vendredi 24 mars. « Il est très frappant de voir que les mouvements de camion ont quadruplé, depuis la mise en place des sanctions. Il faut être très, très crédule pour dire qu’il n’y a pas de lien… »

Il a pris position pour un renforcement des contrôles. « Nous pourrions introduire une vérification de l’utilisation finale pour les biens à double usage », a-t-il proposé. Aujourd’hui, ce contrôle n’existe que pour la vente de matériel militaire. Les ventes d’armes sont ainsi accompagnées d’un « Certificat d’utilisateur final », qui atteste de l’identité de l’acheteur et interdit la revente à un tiers sans l’accord préalable du fabricant.

Ce système pourrait être étendu : « Les entreprises qui vendent des biens à double usage devraient nous dire à qui ils sont destinés », a dit le ministre allemand, estimant que, selon lui, cela pourrait diminuer les fraudes.

En marge du Conseil des chefs d’État et de gouvernement, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a confirmé que le prochain paquet de sanctions de l’UE se concentrera sur cet objectif, pour freiner la production des usines militaires russes.