L’Ukraine a terminé 7e au tableau des médailles lors des Jeux paralympiques de Paris. Le handisport est particulièrement développé en Ukraine. L’Ukraine n’a pas attendu la guerre pour cela mais à cause d’elle, il a désormais un bel avenir…
Les Jeux paralympiques attirent un peu moins l’attention que les Jeux olympiques des valides. Ceux qui se sont déroulés en 2024 à Paris n’ont pas fait exception à la règle. Pourtant, malgré la guerre, les para-athlètes ukrainiens ont remporté 82 médailles. Ils ont devancé la France, le Japon et l’Australie au classement général, ce qui a surpris le monde entier.
Les Jeux paralympiques de 1996 à Atlanta (États-Unis) n’avaient rapporté à l’Ukraine qu’une seule médaille d’or. L’été dernier, elle en a remporté 22. Qu’est-ce qui explique le succès de ces athlètes ukrainiens ?
Tout d’abord, cette année, la délégation ukrainienne d’athlètes paralympiques a concouru dans 17 des 22 sports de la compétition, ce qui est nettement plus que les années précédentes. L’Ukraine ne ralentit pas, elle accélère plutôt le rythme.
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Ensuite, historiquement, dans l’ex-URSS, dont l’Ukraine faisait partie, les personnes handicapées n’étaient pas reconnues au niveau idéologique. Dans un pays où les citoyens représentaient surtout une force de travail et où le travail était la valeur suprême, toute incapacité à l’accomplir était niée.
Un exemple concret : Moscou a refusé d’accueillir les Jeux paralympiques en 1980. La raison n’était pas seulement le manque d’infrastructures en Union soviétique pour accueillir les personnes handicapées, mais aussi leur perception déformée. Les handicaps physiques éclipsaient l’image de « l’État idéal » que l’Union soviétique s’efforçait de donner. C’est pourquoi les exploits des para-athlètes ukrainiens sont déjà une victoire sur les préjugés d’un régime totalitaire.
Toutefois, le mouvement paralympique en Ukraine existait déjà avant la chute de l’Union soviétique. Les premiers clubs sportifs et récréatifs pour les personnes handicapées sont apparus en 1989. Plus tard, ils sont devenus la base de quatre fédérations sportives nationales travaillant avec des personnes souffrant de handicaps du système musculosquelettique, de l’audition, de la vision, du développement mental et physique.
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La guerre totale a provoqué des changements dans l’entraînement des athlètes paralympiques. Certains d’entre eux se sont entraînés à l’étranger, tandis que d’autres sont restés en Ukraine. En réponse à une demande de Tyzhden, le ministère de la Jeunesse et des sports a indiqué que 36 des 122 sessions d’entraînement pour les Jeux olympiques ont eu lieu à l’étranger. Anna Stetsenko, médaillée d’argent en natation cette année, estime que l’Ukraine manque d’infrastructures pour accueillir les personnes handicapées.
« Il n’y a que trois piscines en Ukraine qui ont tout ce qu’il faut pour permettre aux personnes handicapées de s’entraîner selon les normes olympiques et paralympiques », explique-t-elle à Tyzhden. La guerre a également laissé des traces psychologiques : la piscine où Anna s’entraîne est située à proximité d’infrastructures critiques qui ont été attaquées par la Russie.
D’autres para-athlètes ukrainiens soulignent également le manque d’infrastructures. Oksana Zubkovska, médaillée d’or au saut en longueur T12, a déclaré dans un commentaire à Tyzhden que de nombreuses villes n’ont pas de stade d’athlétisme. Le niveau de leur équipement est également important compte tenu de l’âge de certains para-athlètes. Alors que la plupart des sauteurs prennent leur retraite à la trentaine, Oksana Zubkovska, 40 ans, cinq fois championne paralympique, continue le saut au niveaux professionnel malgré des problèmes articulaires qui l’empêchent de s’entraîner plus fréquemment. Compte tenu de ces exemples, les centres d’entraînement paralympiques devraient faire de la rééducation et de la récupération l’une de leurs priorités.
Malheureusement, tous les centres d’entraînement adaptés aux para-athlètes sont situés dans les grandes villes, et la mobilité est difficile car il y a un manque d’infrastructures appropriées. Mais heureusement, l’attention portée aux espaces inclusifs augmente grâce à la publicité. Des organisations telles que Dostupno.UA, Fight for right, Big City Lab ou la League of the Strong organisent des forums et des séminaires pour sensibiliser à la nécessité de modifier les infrastructures urbaines afin de répondre aux besoins des personnes handicapées. Elles travaillent également avec les anciens combattants.
Le projet le plus célèbre est l’émission « Leg Dump », du vétéran Oleksandr Teren sur YouTube, dans laquelle il vérifie le niveau d’accessibilité des villes pour les personnes handicapées. À la suite de la vidéo et des commentaires de l’ancien combattant, certaines institutions ont commencé à améliorer leur accessibilité. C’est Vinnytsia qui est la ville la plus accessible aux personnes handicapées, selon le sondage de l’Institut républicain international (IRI). Avant la guerre totale, le palmarès était détenu par Marioupol, sauvagement détruite et actuellement encore occupée.
Aujourd’hui, plus de 3 millions de personnes en Ukraine sont handicapées, dont 300 000 à la suite de l’agression russe. Certaines d’entre elles peuvent trouver une nouvelle vocation dans le sport. C’est pourquoi les centres de réadaptation devraient offrir aux personnes la possibilité de se rétablir physiquement et psychologiquement, y compris en découvrant le sport malgré leurs blessures. Les para-athlètes et leurs succès offrent de l’espoir aux si nombreuses personnes qui ont du mal à s’en sortir. Ils méritent tout notre soutien.