Poltava, à l’est de l’Ukraine, à l’écart de la ligne de front, est devenu un lieu d’accueil pour les personnes contraintes de quitter les régions touchées par la guerre. Notre correspondante a cherché à savoir comment s’y soignent les déplacés.
Dans les premiers jours de l’invasion, des centaines de milliers de personnes déplacées des régions du nord et de l’est de l’Ukraine (les régions de Kharkiv, de Soumy, de Donetsk et de Tchernihiv) sont passées par Poltava. Certaines étaient en transit, tandis que d’autres ont trouvé à Poltava un lieu de résidence temporaire, ou même permanent. Les gens étaient hébergés dans des institutions communales de la ville – écoles, jardins d’enfants, dortoirs, internats et refuges. Certains louaient eux-mêmes un logement ou restaient chez des parents ou amis.
L’accessibilité des soins de santé dans la ville
Aujourd’hui, selon le service de presse de la mairie de la ville, près de 50 000 des déplacés internes se sont installés à Poltava, une ville de 285 000 habitants. Les gens ont dû s’habituer et s’adapter, chercher un travail, une école, une université, s’habituer à une nouvelle ville, aux réalités, tout recommencer à zéro. Face à ces événements, la médecine locale occupe une place importante. Les personnes déplacées ont aussi le droit d’accéder aux services médicaux, car les soins de santé constituent un besoin humain fondamental.
Photo: Victoria Lisnyak, directrice de la clinique externe de médecine familiale de Poltava
« Tous les services de soins de santé primaires locaux sont accessibles aux personnes déplacées, de même manière qu’aux résidents », déclare à Tyzhden Viktoria Lisnyak, directrice de la clinique externe locale de médecine familiale. Le patient peut se rendre en personne à la consultation externe, s’enregistrer à la réception ou dans le programme Helsi (un système électronique d’information médicale créé pour les patients, les médecins, les institutions médicales publiques et privées – ndlr).
« Les patients présentant des symptômes du rhume, tels que fièvre, écoulement nasal, toux, sont admis sans enregistrement préalable », explique Victoria Lisnyak.
Souvent les déplacés internes ne veulent pas chercher un nouveau médecin de famille parce qu’ils ont l’intention de rentrer chez eux. Ceux qui décident de rester à Poltava signent des contrats avec des médecins locaux.
Si un patient doit être examiné par un spécialiste, le médecin de famille l’oriente vers lui. Par exemple, s’il s’agit d’une maladie chronique, telle que le diabète de type 2, on lui prescrit une référence unique, valable un an.
« Durant un an, le nombre de nos patients a augmenté, jusqu’à 20%. Nous sommes surtout surchargés pendant la période des allergies saisonnières, quand l’asthme bronchique s’aggrave. Parfois je dois rester au travail pendant une heure ou deux de plus que ce que prévoit mon contrat, parce que les gens attendent devant mon cabinet. Nous consultons tous les patients jusqu’au dernier venu », témoigne
Nadiya Khristenko, pneumologue dans l’un des hôpitaux de la ville.
Les examens médicaux
Des examens médicaux sont proposés aux habitants de Poltava et aux personnes déplacées. Pour la plupart de ces examens c’est le médecin de famille qui oriente un patient. Mais certains ne peuvent être effectués que par des spécialistes précis. Les examens sont gratuits pour les personnes munis d’ordonnance.
Photo : Salle d’opération dans l’un des hôpitaux de Poltava
Cependant, il faut attendre longtemps pour un examen gratuit, explique Tetyana, une habitante de Poltava.
« J’ai eu une crise cardiaque, mon médecin de famille m’a orientée vers une échographie, mais la file d’attente était d’un mois. Quand je suis arrivée, le médecin m’a dit : « Pourquoi êtes-vous ici si tard ? » Il aurait fallu appeler une ambulance au lieu d’attendre », se plaint Tetyana.
Les médicaments à prix réduit à Poltava
En ce qui concerne les médicaments, le programme municipal « Médicaments à prix réduit » fonctionne à Poltava comme dans toute autre ville ukrainienne. Grâce à lui, les patients peuvent obtenir des médicaments en pharmacie gratuitement ou avec un tarif supplémentaire. Toutefois ces avantages ne s’appliquent qu’aux personnes disposant d’un permis de séjour local et aux personnes déplacées à l’intérieur du pays.
« Ce sont des médicaments pour abaisser la tension artérielle, des produits cardiovasculaires, et ceux pour abaisser la glycémie pour les personnes atteintes de diabète. Mais il faut voir un neurologue pour obtenir des médicaments pour le suivi de la maladie de Parkinson ou l’épilepsie », précise le docteur Victoria Lisnyak.
L’accessibilité des traitements hospitaliers
Photo: Lyudmyla Moltchanova, une PDI de Dnipro qui suit un traitement hospitalier à Poltava.
Lyudmila Moltchanova est une personne déplacée. Cette dame a quitté Dnipro pour Poltava en raison de l’invasion à grande échelle. Elle est soignée depuis une semaine dans le service thérapeutique de l’hôpital de Poltava.
« Ma température a augmenté et je suis allée consulter un oncologue, car j’étais inscrite chez lui. J’avais du liquide dans les poumons et une tumeur. J’ai fait une radiographie, et il y avait un abcès et une sorte d’infection. Les médecins ont passé deux heures à chercher un lieu où faire un scanner et m’ont emmenée dans un autre hôpital. Ils ont tout fait là-bas.
Lire aussi: Comment les Ukrainiens améliorent leur santé mentale : auto-assistance en temps de guerre
Je n’ai pas encore payé un centime pour des perfusions, des antibiotiques, des médicaments ou quoi que ce soit. Il y a quelque temps, avant d’arriver à l’hôpital, on recevait une longue liste de choses à acheter, et pour une grosse somme. Et où trouver de l’argent ? Mon mari disait : « Il vaut mieux mourir à la maison que d’aller à l’hôpital ». Mais maintenant, les seringues et tous les produits sont gratuits », témoigne la dame.
Un traitement hospitalier gratuit est disponible dans la ville pour tout le monde. Vous pouvez vous y rendre soit sur recommandation d’un médecin de famille ou d’un spécialiste, soit via un service des urgences de l’hôpital.
Photo : Volodymyr Rochko, chef par intérim du service des urgences de l’hôpital de Poltava
«Si le patient arrive chez nous ou est amené par une ambulance, il y a trois scénarios possibles – l’hospitalisation immédiate dans un service, ou la stabilisation de l’état de santé de la personne avant de déterminer d’autres tactiques de traitement dans le service d’observation dynamique, où le patient peut rester une journée, ou bien l’orientation vers un traitement ambulatoire sur son lieu de résidence ou vers un médecin de famille. Cette décision est prise si la vie et la santé de la personne ne sont pas menacées.
Nous acceptons des personnes de toutes les régions. Par ailleurs les soins et l’hospitalisation sont gratuits. L’IRM, le scanner, l’échographie, l’œsophagoscopie, la gastroduodénoscopie et d’autres examens sont proposés gratuitement aux patients », explique Volodymyr Rochko, chef par intérim du service des urgences de l’hôpital de Poltava.
Photo: Le service des urgences d’un hôpital de Poltava
Ainsi malgré la guerre, l’État et les autorités locales des régions continuent de fournir aux Ukrainiens des services médicaux de base. Nous pouvons le constater dans l’exemple de Poltava. Les établissements de santé communaux dispensent des soins médicaux gratuitement dans le cadre de programmes nationaux, gouvernementaux et locaux. Les produits de diagnostic et les médicaments sont disponibles ici pour les citoyens et les personnes déplacées. Ces derniers bénéficient des mêmes avantages que ceux officiellement enregistrés à Poltava.