Né de la guerre. Comment les conflits armés ont façonné la nation ukrainienne au fil des siècles. (2e partie)

Histoire
18 mars 2023, 17:13

Dans la première partie, nous vous présentions les différentes entités politiques qui se sont succédées et/ou se sont disputés les territoires de l’Ukraine telle que nous la connaissons aujourd’hui. La Rus de Kyiv, créée au 9ème siècle par les Varègues venant de Scandinavie, la principauté de Galicie-Volhynie puis le Grand-Duché Lituanien se sont succédés au gré des conflits de territoires et autres guerres de successions. A partir de la fin du 14ème siècle, une série d’alliances entre le royaume de Pologne et le puissant Grand-Duché de Lituanie est signée, qui aboutit au 16ème siècle à la création de la République des Deux Nations. A son apogée au 17ème siècle, il s’agit du plus vaste royaume en Europe. Des conflits opposent ces royaumes à leurs voisins, tels la Moscovie ou la Prusse, et les terres du sud sont en proie aux pillages et aux raids des ottomans et des Tatars de Crimée. C’est dans ce contexte que le 16ème voit l’apparition d’une entité politique qui eut une importance majeure dans l’histoire de l’Ukraine : les Cosaques. Par la suite, avec l’affaiblissement de la République des Deux Nations, les terres ukrainiennes furent partagées entre les empires : l’Autriche et la Russie, puis au 20ème siècle, l’URSS.

Guerres cosaques et projets impériaux

La grande frontière orientale qui traversait le territoire de ce qui est aujourd’hui l’Ukraine moderne était constamment en mouvement, et des milliers de soldats rivalisaient d’habileté dans la maîtrise de l’art de la guerre. C’est là, sur la grande frontière, que sont apparus les Cosaques qui, dans notre histoire ukrainienne, à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, sont devenus presque le fil conducteur de l’histoire.

Carte République des deux nations

Les premières références aux Cosaques remontent au 13ème siècle. Au départ il s’agissait de bandes nomades, des sentinelles, des mercenaires au service de seigneurs, puis petit à petit les bandes s’agrandirent et se structurèrent en véritables communautés. Elles accueillaient nombre de rebelles, de pauvres et d’exilés fuyant le servage notamment. Les Cosaques s’installent dans la région de Zaporijjia, d’abord sous contrôle du Grand-Duché Lituanien, puis la zone est annexée par le royaume de Pologne. En échange d’une certaine autonomie, les Cosaques assuraient la défense militaire contre les raids des Ottomans ou des Tatars de Crimée. Les Cosaques sont au cœur du récit national ukrainien. Et ce récit est, bien sûr, militaire. L’ironie de l’histoire est qu’aujourd’hui les Tatars de Crimée, citoyens de l’Ukraine, se battent pour restaurer l’intégrité territoriale de notre pays, et que la politique asymétrique spécifique de la Turquie nous permet de disposer de moyens de guerre modernes.

La participation des Cosaques aux campagnes militaires de la République de Deux Nations a contribué à la reconnaissance officielle de certains d’entre eux. Inscription au registre, salaire, bannière, sceau, timbales – tout cela a créé une image qui est devenue plus tard le socle de la formation de leur propre identité. L’autre partie des Cosaques, qui n’était pas institutionnalisée et restait dans la Sich (entité administrative et politique des Cosaques. La plus importante était la sich de Zaporijjia, d’où le nom de Cosaques zaporogues) ou devenait Cosaque pour une certaine période, était un groupe très hétéroclite dont le principal objectif était de s’enrichir en participant aux campagnes militaires et aux pillages. Bien que ces deux groupes soient plutôt méfiants l’un envers l’autre, dans des circonstances exceptionnelles, comme la guerre contre l’Empire ottoman en 1621, ils pouvaient créer de puissantes armées communes de plus de 40 000 personnes. C’est plus que l’armée du l’alliance polono-lituanienne en temps de paix. Cette militarisation, qui s’était lentement développée sur les terres de la région de Dnipro au cours du XVIe et des premières décennies du XVIIe siècle, prit une tout autre ampleur en 1648, date du soulèvement de l’Ukraine.

Mykola Samokysh « Le combat de Maksym Kryvonos contre Yarema Vyshnevetskyi ».

À cette époque, la guerre devint le quotidien de plusieurs générations sur un vaste territoire qui couvrirait probablement la majeure partie de l’Ukraine moderne. Les Cosaques se soulevèrent contre la République des Deux Nations, les Polonais tentant de les soumettre entièrement à leur autorité. Ce sont les guerres, les campagnes militaires et les batailles qui contribuent de manière décisive à façonner l’image historique de notre passé.

Les guerres mettent en avant ceux qui dirigent les troupes, qui gagnent les batailles, qui subissent des défaites cuisantes, et ceux qui suivent leurs chefs – Bohdan Khmelnytsky, Ivan Vyhovsky, Petro Doroshenko – par centaines de milliers. L’objectif des hetmans (chefs militaires et administratifs) cosaques était d’abord de faire reconnaître leurs droits et privilèges, puis leur statut dans la société de l’époque. Sans les guerres, ils auraient été complètement différents. Face aux Polonais, une partie des Cosaques (rive gauche du Dnipro) cherchèrent appui à l’extérieur, et prêtèrent allégeance au tsar Alexis Ier espérant préserver leur autonomie et leur mode de vie, pendant que ceux de la rive droite restèrent sous contrôle polonais. Mais cela ne garantit pas la paix, ni une véritable autonomie des Cosaques, des deux côtés du fleuve. Car Polonais comme Russes ne voyaient pas d’un bon œil ce peuple libre qui refusait le joug autocratique. Mais au début du XVIIIe siècle, tout cela formait un énorme nœud que même un politicien aussi expérimenté et compétent qu’Ivan Mazepa, probablement le plus célèbre des hetmans cosaques, ne pouvait démêler.

La guerre qui avait débuté en 1700 dans le Grand Nord, où le tsar Pierre Ier de Moscou s’opposait au roi Charles XII de Suède, s’étendit jusqu’aux terres ukrainiennes. L’alliance entre Mazepa, Hetman des Cosaques de la rive gauche, sous contrôle russe, et le roi de Suède était étonnante. En effet, l’Hetman était extrêmement riche et avait la confiance du Tsar. Et c’est avec l’aval de ce dernier qu’il avait repris aux Polonais certains territoires cosaques sur la rive droite du Dnipro. Cependant, le tsar rognait progressivement l’autonomie du Hétmanat, obligeait les Cosaques, en contradictions avec les traités signés, à aller combattre loin de leurs terres, dans le Nord, et refusait de les soutenir face aux velléités guerrières du roi de Pologne. Ainsi, Mazepa, pour « le bien de [sa] patrie, la pauvre Ukraine », ainsi qu’il l’expliqua par la suite, entra en négociations avec le roi de Suède.

Leur alliance se concrétisa lors de l’une des batailles les plus célèbres ayant eu lieu sur le territoire ukrainien (et dont on parla jusque dans les gazettes en France). Bataille qui vit la défaite du roi et de l’hetman face aux troupes du tsar près de Poltava en 1709. Cette défaite, et l’exil subséquent de Mazepa et de ses partisans, ont paradoxalement donné naissance à l’un des documents historiques et juridiques les plus intéressants de notre histoire, connu sous le nom de Constitution de Pylyp Orlyk. Ce document a mis en forme les idées cosaques sur ce que doit être un État, et c’était une vision entièrement militaire. Ce texte définissait les rapports entre Hetman et assemblée des cosaques, entre civils et militaires etc., un mode de fonctionnement à l’exact opposé des systèmes autocratiques des empires. Mais ce n’est resté qu’un projet pour un petit groupe d’émigrants politiques qui espéraient revenir triomphalement et faire revivre la gloire de l’armée zaporogue. Pendant ce temps, les Cosaques restés sur la rive gauche du Dnipro perdirent peu à peu leurs droits et leurs libertés pour devenir, à la fin du turbulent XVIIIe siècle, des sujets et des serfs de l’Empire russe. Et ce, après plusieurs guerres auxquelles ils participèrent et à la suite desquelles le khanat de Crimée fut liquidé et l’Empire ottoman se retira de la côte septentrionale de la mer Noire. On aurait pu croire que c’était la fin des guerres sur ce territoire. Mais ce n’était qu’une illusion.

« Rejtan – Le déclin de la Pologne ». Peinture de Jan Matejko consacrée aux événements survenus à la Diète en 1773, lorsque le noble Tadeusz Rejtan a tenté d’empêcher la partition du Commonwealth polono-lituanien.

Les deux empires, russe et autrichien, (en collaboration avec la Prusse) ont dépecé et se sont partagé la République des Deux Nations à la fin du XVIIIe siècle. La Russie et l’Autriche ont reçu d’énormes portions des territoires qui constituent aujourd’hui l’État d’Ukraine. Tout au long du XIXe siècle, l’Empire russe a continué à mener des guerres avec la même intensité qu’auparavant, espérant en vain remporter le prix ultime : Constantinople. L’une de ces guerres, entrée dans l’histoire sous le nom de guerre de Crimée (1853-1856), fut la première à être menée avec de nouveaux moyens : la machine à vapeur propulsait les navires, le courant électrique transmettait instantanément les informations par câble télégraphique, l’ancêtre des appareils photos capturait les événements, et des dizaines de correspondants tenaient le monde au courant des événements qui semblaient intéresser tout un chacun. Cette guerre, perdue par l’empire russe, a été le point de départ de réformes qui ont ouvert la voie à la modernisation. Dans l’empire d’Autriche, une guerre, bien qu’il s’agisse officiellement d’un soulèvement hongrois contre la dynastie des Habsbourg, avait également lancé des réformes amorçant la formation politique des nations modernes en Europe centrale. Le monde entre dans l’ère de la vapeur, de l’électricité et des changements rapides. À l’époque, comme aujourd’hui, le vainqueur était l’entité politique la plus avancée technologiquement.

Expansion de l’empire russe

La nouvelle répartition du monde

La Première Guerre mondiale, qui a impliqué de nombreux participants à des degrés divers, a détruit des empires, reformaté l’ordre mondial établi depuis la fin des guerres napoléoniennes et créé un certain nombre de nouveaux États sur les décombres de grands empires (autrichien, russe et ottoman). Le coût de ces changements fut énorme : des millions de vies y furent sacrifiées. C’est dans ce maelström sanglant que le premier État ukrainien de l’histoire moderne vit le jour, un rêve dont un très petit groupe de personnalités éclairées des deux empires avait timidement rêvé avant et pendant la guerre, alors que les Ukrainiens se battaient déjà les uns contre les autres dans les armées des empires belligérants. Les révolutions bolcheviques devaient mettre un terme à cette situation. Et la formation de leur propre État à l’issue de la Grande Guerre aurait permis de réaliser le rêve des tenants d’une Ukraine unie. Malheureusement, ces rêves étaient trop romantiques et ni les hommes politiques de l’époque, à l’exception de quelques-uns, ni la nation ukrainienne n’étaient prêts à se battre et à rompre les liens avec l’ancien empire russe, qui renaissait rapidement de ses cendres à l’époque et s’apprêtait à reprendre ce qu’il avait perdu.

L’idée qui avait enflammé l’imagination s’est avérée trop difficile à mettre en œuvre. Contrairement à leurs voisins occidentaux, qui avaient formé leurs propres États, les Ukrainiens n’ont pas réussi à convaincre les principaux vainqueurs de la Première Guerre mondiale qu’ils étaient aussi une nation à part entière. Les guerres modernes sont rarement gagnées sans alliés ni assistance. Les bolcheviks, qui ont commencé leur projet de création d’un nouvel empire à la fin de 1917, n’ont pas considéré l’Ukraine comme un partenaire. Au contraire, ils étaient très doués pour intriguer et manipuler des slogans politiques à des fins nationales et étrangères. Les politiciens polonais avaient leur propre idée de l’avenir de leur voisin oriental et, après les combats pour Lviv et les actions conjointes avec les Ukrainiens contre les bolcheviks en 1920-1921, ils ont tracé une nouvelle frontière avec ces derniers, obtenant la Galicie et la Volhynie. Les Ukrainiens qui cherchaient à établir la République populaire Ukrainienne n’avaient pratiquement aucune chance d’avoir leur propre État dans de telles circonstances. Ils furent abandonnés à leur sort.

Une série de courtes guerres contre la Russie bolchevique n’a eu qu’un seul résultat : le consentement de Moscou à l’existence de la République soviétique socialiste d’Ukraine. Formellement indépendante et dirigée par les bolcheviks d’origine ukrainienne, cette république s’est avérée inféodée à ses homologues moscovites. En fait, à la fin de 1922, ils formeront ensemble l’Union des républiques socialistes soviétiques qui, en moins de vingt ans, grâce aux guerres contre la Pologne et la Roumanie et au Pacte germano-soviétique de 1939, constituera la nouvelle frontière de l’Ukraine soviétique.

La Seconde Guerre mondiale, qui a débuté en 1939, a donné à l’Ukraine (à l’époque sans la Crimée, qui a été ajoutée par la suite) pratiquement les frontières qui lui sont reconnues dans le monde. L’expansion et la guerre menées par Staline ont permis d’intégrer la plupart des terres ukrainiennes dans les frontières d’un seul État. Mais une fois encore, le prix à payer était exorbitant. Des millions d’Ukrainiens périrent dans le tourbillon de la guerre, dont les effets se firent sentir pendant des décennies. Et bien que la guerre ait donné à l’Ukraine soviétique un siège aux Nations unies, ce qui a en partie facilité l’acceptation de l’indépendance en 1991, elle n’a pas répondu à la question dont les nationalistes ukrainiens avaient rêvé tout au long des années 1920 et 1930 : l’indépendance. Les espoirs qui n’avaient pu être concrétisés en 1918-1920, n’ont pas pu voir le jour non plus suite à la Seconde Guerre mondiale. Il faudra attendre 46 ans pour que l’Union soviétique, déjà exsangue de conflits, disparaisse de la scène politique. Les empires semblent puissants en apparence, mais ils ont une caractéristique : ils peuvent s’effondrer très rapidement.

Des soldats soviétiques se préparent à traverser la rivière Dnipro, 1943

L’indépendance en 1991 a ressemblé à un miracle. Un miracle parce que personne n’a tiré un coup de feu à Kyiv le 24 août 1991. Il n’y a pas eu d’hostilités le 1er décembre de la même année, lorsque nous avons confirmé notre choix par un référendum, et non à la suite d’une campagne militaire victorieuse. Il semblait que l’histoire, pour une fois, suivait un cours pacifique, contrairement aux événements survenus en Lituanie, en Géorgie, en Arménie, en Azerbaïdjan ou en Moldavie au même moment. L’indépendance pacifique était un miracle. Elle ne correspondait pas aux pratiques historiques. Et l’effondrement de la Yougoslavie, qui s’est déroulé presque en parallèle, est un exemple clair de l’utilisation de la force dans un processus d’indépendance. Alors qu’en 1993, les Tchèques et les Slovaques se s’étaient séparés pacifiquement, nous avons cru naïvement qu’il n’y aurait plus de guerre. Qui plus est, le coût exorbitant en vies humaines payé par l’Ukraine dans les guerres du XXe siècle pesait si lourdement dans les mémoires qu’il n’était pas question d’imaginer une nouvelle guerre dans l’Ukraine indépendante.

Aujourd’hui, après trois décennies d’existence de notre État, force est de constater nos propres erreurs. Quasiment dès la proclamation de l’indépendance le 24 août 1991, la Russie a menacé l’intégrité territoriale de l’État, en incitant les mouvements séparatistes en Crimée, retardant la résolution sur le statut et la division de la flotte de la mer Noire, privant l’Ukraine de sa part de l’héritage soviétique, mettant des obstacles à toute tentative du nouvel État de trouver sa place dans le monde, tout en achetant et en détruisant des entreprises industrielles et en empoisonnant la politique intérieure avec ses agents. C’était aussi une guerre, une guerre sans coups de feu, mais non moins dangereuse. Et dans cette guerre, nous perdions. Et sur le terrain de la culture aussi, une guerre était en cours, que nous perdions également.

Malgré les lois du genre, il n’y eut pas un mais plusieurs points culminants. Après tout, avant même 2014, lorsque la Crimée et certaines parties des régions de Donetsk et de Louhansk furent occupées, il y a eu Tuzla en 2003, lorsque la Russie entreprit illégalement de relier par un barrage son territoire avec le minuscule ilot sableux dans le détroit de Kerch en Crimée. Une conversation personnelle entre le président ukrainien Kouchma et V. Poutine permit l’arrêt de la construction du barrage et une désescalade, mais Kouchma fut forcé d’accepter un accord sur l’utilisation de la mer d’Azov et du détroit : aucun navire militaire étranger, même invité par l’Ukraine, ne pourrait y entrer sans l’accord de la Russie, et vice-versa. Il y eut par la suite l’ingérence directe dans les élections de 2004, la guerre en Géorgie en 2008, les accords de Kharkiv en 2010 et l’hiver 2013-2014. Bien que personne n’ait officiellement tiré avant 2014, et certainement pas déclaré la guerre, elle était bien là, dans l’air.

Leonid Kuchma lors de la tentative russe de s’emparer de l’île de Tuzla en 2003

La guerre, qui a commencé par l’occupation de la Crimée et les tentatives de mise en œuvre du scénario fréquemment joué par Moscou de pseudo-États fantoches, est devenue un puissant catalyseur de la construction de la nation ukrainienne. Sans elle, nous nous serions longtemps disputés sur les vecteurs de développement du pays, les attitudes à l’égard des héros, à l’égard de la langue… Mais le prix de cette révélation est trop élevé… Comme d’habitude.

En général, l’humanité ne s’accommode pas bien des changements sans guerres. Chacune des guerres connues dans l’histoire, quel que soit son nom, quelles que soient les raisons de son déclenchement, a toujours changé le monde et les hommes, même si ceux-ci ne s’en sont pas aperçus. Bien entendu, l’appel à une guerre juste (bellum iustum) a été et reste la pierre angulaire de toute propagande. Il y aura toujours un nombre suffisant de personnes pour justifier la guerre. « Carthage doit être détruite » (Carthago delenda est), aurait répété Caton l’Ancien. « Jérusalem doit nous appartenir, » tel est le slogan depuis la première croisade à la fin du XIe siècle jusqu’à aujourd’hui. Peu importe qui le proclame. Les acteurs changent, mais le sens du slogan reste le même. Et il en est ainsi depuis plus de mille ans.

En 1944-1945, l’objectif de Staline était « En avant vers Berlin ! » Et plusieurs millions de victimes ont été sacrifiées au nom de l’objectif d’un seul homme. L’humanité n’a jamais manqué d’exemples de ce genre et n’en manquera probablement jamais. Si vous essayez de mettre toutes ces déclarations dans la tête du président russe, vous obtiendrez une séquence tout à fait logique dans sa vision du monde : « Kyiv doit être détruite », Kyiv n’étant plus considérée comme une ville, mais comme un gouvernement. Et « Kyiv doit être à nous » et « En avant vers Kyiv ! » deviennent une sorte d’objectif et de ligne directrice existentiels. Ce qui, bien sûr, ne peut être réalisé sans guerre.

Du point de vue ukrainien, il s’agit d’un défi à l’existence même de l’Ukraine et de la nation ukrainienne. Et la guerre actuelle, qui a commencé non pas le 24 février 2022, mais déjà il y a neuf ans en février 2014, est un élément fondamental de la formation de l’État ukrainien et de la nation ukrainienne. Pendant trop longtemps, nous avons tourné en rond sur notre chemin historique, comme nous l’avons fait au cours des 30 dernières années, en imitant nos prédécesseurs dans leurs compromis avec la Russie. Mais il semble que cette guerre a finalisé la création d’une nation ukrainienne moderne.