La propagande de Moscou continue de présenter la résistance nationaliste ukrainienne comme étant, par essence, pronazie. Or il existe une histoire occultée: celle des résistants qui furent forcés de combattre, au sein de l’Armée insurrectionnelle, les deux régimes totalitaires sur leur propre sol.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’Ukraine, bien qu’étant une nation, n’avait pas d’État; son territoire fut bientôt un champ de bataille entre deux régimes totalitaires. Les Ukrainiens ont représenté la part la plus importante des pertes humaines de l’Armée rouge sur le front de l’Est. Par ailleurs, des milliers d’Ukrainiens se sont portés volontaires pour combattre le nazisme au sein des forces armées des alliés, surtout celles de la Grande-Bretagne et des États-Unis.
Mais il y a aussi des centaines de milliers d’Ukrainiens qui furent forcés de combattre les deux régimes totalitaires sur leur propre sol; ils combattirent au sein de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne. Pendant longtemps, la propagande soviétique a associé à tort ces résistants ukrainiens aux nazis et dissimulé leur combat contre les troupes allemandes.
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a une part occultée de l’histoire ukrainienne : lorsque les nazis occupent l’Ukraine en 1941, cela fait déjà vingt ans que celle-ci est occupée par le régime bolchevique qui réprime durement la résistance nationaliste ukrainienne, sans être parvenu à l’éradiquer. Il est important de souligner ce fait pour comprendre pourquoi, dès le début de leur occupation, les Allemands ont considéré les nationalistes ukrainiens comme une grande menace qui devait être combattue par tous les moyens.
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C’est ainsi que les membres de la résistance nationaliste ont été systématiquement traqués et exécutés. Plus de six cents militants de l’Organisation des nationalistes ukrainiens, dont la poétesse Olena Teliha, ont été tués lors du massacre de Babi Yar à Kyiv. D’octobre 1943 à la mi-juin 1944, mille cinq cent dix neuf nationalistes ukrainiens sont exécutés publiquement en Galicie, dans l’Ouest de l’Ukraine.
En Volhynie, la résistance nationaliste parvenait cependant à contrôler des districts entiers en affrontant les troupes allemandes qui tentaient de détruire ces poches de liberté, en menant des opérations punitives contre les civils. L’une de ces opérations, qui visait à liquider la République de Kolky, fut dirigée personnellement par le Reichskommissar d’Ukraine Erich Koch et l’Obergruppenführer SS Hans-Adolf Prützmann. Ils ont mobilisé pour cela non seulement les unités de l’armée régulière, mais aussi l’artillerie, les chars et même l’aviation. Selon les calculs de l’historien Lev Shankovsky, cette bataille a coûté la vie à cinq mille civils ukrainiens, mille deux cent trente-sept résistants nationalistes et trois mille Allemands.
De même, la bataille du Mont Lopata, qui a eu lieu en juillet 1944, est un épisode qui illustre les très grandes difficultés que rencontraient les nazis dans les zones rurales et montagneuses de l’Ukraine contrôlées par les résistants nationalistes. Lors de cette bataille, les troupes de la résistance ukrainienne dirigées par Vasyl Andrusiak ont perdu cinquante hommes, alors que du côté allemand on en décomptait deux cents ( sans compter les pertes des troupes nazies hongroises venues renforcer l’armée allemande).
Mais la propagande de Moscou continue de présenter la résistance nationaliste ukrainienne comme étant par essence, nazie. Elle a d’ailleurs tenté, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’associer les dirigeants aux crimes de masse commis par l’Allemagne nazie. Ces accusations n’ont jamais été portées devant les tribunaux internationaux, et cependant elles sont toujours présentées comme l’argument principal du Kremlin contre la résistance nationaliste ukrainienne.
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De fait, cette propagande sert non seulement à discréditer la lutte pour l’indépendance et la liberté de l’Ukraine, mais elle vise aussi à minimiser le rapprochement entre Hitler et Moscou au début de la guerre: le régime stalinien, toujours glorifié aujourd’hui en Russie, a été un allié des pays de l’Axe. En effet, en 1939, l’URSS et l’Allemagne nazie ont signé un pacte (dit pacte Molotov-Ribbentrop). Elles ont ensemble envahi et occupé la Pologne. L’URSS a attaqué et occupé les pays baltes, ainsi que des territoires roumains et finlandais. Elle a fourni à l’Allemagne les matières premières et l’assistance dans le domaine militaro-industriel, et ce jusqu’en 1941.
C’est bien ces agissements et ce rôle qu’il s’agit de faire oublier, c’est cette alliance avec le régime nazi que les propagandistes soviétiques tentent de dissimuler en attaquant la résistance nationale ukrainienne.
Quant à l’Ukraine, elle a subi, pour son malheur, le sort des peuples pris en tenaille entre deux tyrannies, deux empires totalitaires.