Matviy Bidny, le ministre ukrainien de la Jeunesse et des Sports, a souligné à plusieurs reprises l’importance du retour des jeunes Ukrainiens dans leur pays. Mais que fait-on concrètement pour cela ?
Au total, depuis le début de la guerre à grande échelle, plus de 2 millions d’enfants ont quitté l’Ukraine. Selon les données du médiateur pour l’éducation, près de 800 000 enfants ont intégré le système scolaire de l’UE en 2022-2023. En 2023, près de 400 000 écoliers ont continué à étudier dans des écoles ukrainiennes en dehors de l’Ukraine.
Que se passe-t-il en France ? Les enfants sont obligés de fréquenter des établissements d’enseignement jusqu’à 16 ans. Il n’y a d’exception pour personne. Et bien plus encore : les parents peuvent se voir infliger une amende si leur enfant n’est pas scolarisé. Il n’existe pas de cours d’intégration pour les migrants au à la maternelle et au collège. Pour les petits, c’est un grand stress. Le sujet est activement discuté dans des groupes thématiques sur les réseaux sociaux.
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« Mon fils est allé à l’école française pour la première fois. Si j’ai bien compris, il est passé directement en CM1. En Ukraine, il avait terminé le CP. Ici, l’enfant reste à l’école jusqu’à 18h00. Je pensais qu’on lui faisait faire ses devoirs. Mais ce n’est pas le cas. Mon fils dit qu’il écrit des lettres et des chiffres au tableau. Je crains qu’il ne soit pas capable d’étudier. Comment cela se passe-t-il avec vos enfants ? Beaucoup de gens me disent de ne pas le surcharger d’études tout de suite. Parce que c’est moralement difficile. Je pense au tuteur de la langue française. Mais je suis découragée », écrit une maman.
« J’ai aussi connu une situation similaire, mon aîné est entré directement en CM1. C’était très difficile sur le plan émotionnel, mais je n’ai pas été exigeante, je l’ai seulement soutenu. Un an plus tard, mon enfant parle, lit et écrit le français sans aucun tuteur. A mon avis, il faut le laisser s’adapter, et ensuite tout ira bien », répond une autre réfugiée.
Dans les collèges, les quatre années d’études (de 11 à 15 ans ans) sont des classes d’intégration où l’accent est mis sur l’apprentissage de la langue. C’est dans cette classe que mon fils a été placé à notre arrivée en France en 2022. Certains parents se sont adressés directement au collège pour s’inscrire. Mais ils ont souvent été refusés, faute de connaître la langue. Et dans les lycées, on n’accorde pas de traitement spécial aux jeunes étrangers: accroche-toi, sinon tu n’auras pas ton diplôme !
Et que dire de l’éducation ukrainienne ?
Avec toutes les tentatives de résolution des problèmes d’intégration, le sujet de la scolarité ukrainienne est passé à la trappe. Mais …. on finira par y revenir. Bien qu’il n’existe aucune étude officielle, de nombreux Ukrainiens vont rentrer ou sont déjà rentrés dans leur patrie. Les enfants eux-mêmes, en particulier les adolescents, ont du mal à s’adapter et insistent pour retourner dans leur pays. Une question se pose alors : comment valider les études, de retour à l’école ukrainienne ?
La solution la plus simple est d’étudier en ligne. Oui, c’est difficile à combiner. Mais c’est réalisable. Voilà exactement ce que nous avons fait. Nous avons étudié les deux dernières années à distance. Seul le teste national multi-sujets a été passé à Paris.
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« L’année dernière, 450 enfants ont passé le teste multi-sujets à Paris, et 600 cette année. Au total, il y avait 700 diplômés en France en 2022. Et cette année, il y en a déjà 900 », explique Lilia Doroundiak, responsable du centre d’examen.
Les élèves ukrainiens en France peuvent aussi étudier hors ligne. Cependant, ces dernières années, en raison de la demande, il y a eu une substitution de concepts. Les parents recherchent une école ukrainienne, mais ils se voient proposer des centres éducatifs visant à préserver l’identité nationale. Ce sont des établissements utiles, surtout pour la culture générale des enfants. Mais pas pour leur retour.
Les écoles ukrainiennes situées à l’étranger ne sont actuellement pas officiellement reconnues par notre État. La législation nationale en matière d’éducation ne contient aucune disposition sur le mécanisme de création d’écoles ukrainiennes à l’étranger. Les écoles ukrainiennes établies à l’étranger, y compris les écoles du samedi et du dimanche, sont principalement des initiatives de fondations, d’organisations culturelles ou publiques des communautés ukrainiennes à l’étranger. Ces institutions sont fondées conformément aux lois du pays où elles sont établies. La plupart de ces écoles ne peuvent pas délivrer de documents scolaires ukrainiens aux élèves ukrainiens. Seules les institutions qui ont signé un contrat avec l’École internationale ukrainienne (IUS), ou une autre école ukrainienne en Ukraine, peuvent le faire.
Ce problème a été soulevé par Serhiy Gorbachev, le médiateur de l’éducation, au début de l’année dernière. Selon les données officielles, seule l’École ukrainienne de Paris, en France, a un contrat avec l’IUS, reconnu en Ukraine. Et il faut bien comprendre qu’étudier une fois par semaine ne permet pas d’acquérir le niveau de connaissances nécessaire. Les parents doivent faire quelque chose pour résoudre ce problème.
Y a-t-il le choix ou pas ?
A partir de 2023, les diplômés ukrainiens ont la possibilité d’entrer dans les universités françaises avec un diplôme national ukrianien, assorti d’un certificat officiel de niveau de langue. Ou, comme tout le monde, avec un diplôme d’un lycée français. Ivan, 17 ans, originaire de Kyiv, a suivi cette voie. Il étudie actuellement la stratégie commerciale. Mais il a l’intention de retourner en Ukraine. C’est pourquoi ses parents lui ont demandé de ne pas donner son nom de famille. Parce qu’ils ont déjà stoppé à plusieurs reprises ses tentatives de retour et essaient de ne plus soulever ce sujet. Il ne s’agit pas d’une histoire isolée. Un jeune s’adapte, se met simplement au travail, essaie de traverser cette période, cherche un cercle de camarades sans désir particulier de s’intégrer à l’étranger.
Le ministère ukrainien de l’éducation et des sciences annonce la création d’une plateforme mondiale commune. J’espère qu’elle verra le jour. Et l’Ukraine sera reconstruite par des patriotes jeunes, intelligents, bien formés et parlant des langues étrangères.