Vassyl Vychyvany. Pourquoi Guillaume-François de Habsbourg-Lorraine était considéré comme un « roi étranger » pour l’Ukraine

Histoire
3 février 2023, 20:31

Après la défaite de la lutte de libération nationale ukrainienne de 1917-1921, la communauté des émigrés politiques ukrainiens continuait à chercher des leaders qui pouvaient améliorer la situation politique et consolider les Ukrainiens. La personnalité de Guillaume de Habsbourg-Lorraine était particulièrement intéressante. L’archiduc, surnommé Vassyl Vychyvany, traduit en français par Basile de Brodé («broderie» en ukrainien- un des arts ancestraux symbolique, la broderie ukrainienne est composée de tissages aux motifs rouges et noirs – ndl) était connu pour son patriotisme ukrainien passionné. Il a fait partie de la maison Habsbourg, ce que semblait exceptionnellement précieux. Il était un petit-neveu de l’empereur autrichien François-Joseph Ier et un petit-neveu de Charles Ier, le dernier monarque de l’Empire austro-hongrois. Dans ses jeunes années, l’archiduc s’est rendu secrètement dans les Carpates. La beauté unique des montagnes, le paysage pittoresque de la région, la mélodie mélancolique des chants de Houtsoules (un des groupes ethniques ukrainiens qui habitent les Carpates – ndlr) et la poésie raffinée du mot ukrainien ont enchanté à jamais Guillaume de Habsbourg. C’était le début de son amour fervent pour l’Ukraine. « Je suis revenu à Zywiec un homme changé», – a-t-il noté dans son autobiographie (Zywiec était le lieu où vivait sa famille lorsqu’elle était en Pologne – ndlr).

Carte postale d’après une photographie de Guillaume Habsburg, 1914-1915

En 1912, Guillaume a terminé ses études à l’école secondaire de Vienne et, en 1915, il a obtenu son brevet de l’Académie militaire Marie-Thérèse, l’école qui formait les officiers de l’armée fédérale autrichienne. Il est devenu lieutenant de l’armée austro-hongroise du 13e régiment des uhlans. Le régiment était composé principalement de jeunes Ukrainiens de la région de Zolotchiv, une ville de la région de Lviv dans la région historique de Galicie. Cela a incité l’archiduc à étudier sérieusement la langue ukrainienne, qu’il utilisait pour communiquer avec les soldats. Guillaume s’entendait bien avec eux et se souciait sincèrement de ses subordonnés, qui lui vouaient loyauté et estime. Un des soldats rapporta à l’archiduc une chemise brodée de sa permission qu’il porta ensuite avec plaisir, et qui lui valut le nom ukrainien de Vassyl Vyshyvany. C’est ainsi qu’a commencé sa quête pour obtenir les connaissances de l’histoire et de la littérature ukrainiennes.

Guillaume de Habsbourg a été particulièrement actif lors des pourparlers de la paix de Brest-Litovsk. L’Ukraine y a été reconnue comme un sujet de droit international. L’archiduc a contribué à l’adoption d’un projet sur les frontières occidentales de l’Ukraine et à l’ordination de la province autonome de la Galicie. En avril 1918, il a été responsable d’un groupe militaire de l’armée autrichienne, au sein de laquelle était une unité militaire ukrainienne, la légion ukrainienne ou la légion des fusiliers du Sich. Il a depuis lors commencé à signer son nom «le Colonel de la Légion ukrainienne» («Полковник У.С.С.»).

Avant de choisir un héritier

Guillaume de Habsbourg a été au cœur des discussions les plus informatifs et les plus utiles pour revitaliser la pensée sociale et politique ukrainienne dans les années 1920. La polémique a été initiée par le célèbre homme public ukrainien, éditeur et mécène, Yevhen Chykalenko (1861-1929), et plus tard, a donné lieu à une nouvelle œuvre publiciste de l’idéologue du conservatisme ukrainien Viacheslav Lipinsky (1882-1931). Il s’agissait d’un probable successeur du mouvement monarchiste ukrainien. Les visions germanophiles pré-révolutionnaires de Chykalenko ont finalement été transformées en concept de la «vocation d’un Viking». Dans une lettre à Lipinsky du 9 mars 1921, il a présenté la thèse suivante: « Seul un prince peut fonder un état ukrainien – soit l’allemand ou l’anglais – qui va amener avec lui la force militaire et va mener une politique de compromis entre la bourgeoisie et la paysannerie… Sans un tel prince ou une telle reine, nous ne serons pas en mesure de construire des États par nous-mêmes, car nous nous écraserons les uns les autres, et seuls nos voisins, qui ont maintenant divisé l’Ukraine, en profiteront… »

Vasyl Vyshyvanyi et Petro Shekerik-Donikiv. Kamianets-Podilskyi, septembre 1919

Yevhen Chykalenko a développé ces idées dans une lettre adressée aux éditeurs du magazine viennois « Volya » (23 avril 1921), qui a été publiée à part sous le titre « Où est la sortie? » (Де вихід?). Selon M.Chykalenko, seule une monarchie peut sauver l’Ukraine du chaos et du désordre. Toutefois, il a affirmé que « Skoropadsky ou Petlioura, ou quelqu’un d’autre ne peut pas devenir un monarque ukrainien. Nous ne nous unirons pas, nous ne nous unissons pas à cause de notre manque de discipline. A nouveau, comme autrefois, seulement un Viking; un roi étranger avec le soutien de son État, arrivera avec ses gardes, amènera les siens et non pas des spécialistes de Moscou, et mènera une politique hors-classe, hors-parti, et organisera un État composé de paysans analphabètes. Comme, par exemple, à notre époque, les rois étrangers ont fait en Grèce, en Roumanie et en Bulgarie. » Dans le même temps, Yevhen Chykalenko a noté que ce « Viking » devait être imprégné de la conscience nationale ukrainienne et placer l’indépendance de l’Ukraine au-dessus de tout. Selon lui, le monarque ukrainien devait aimer et parler la langue ukrainienne. Il était apparu que la personne la plus apte de le faire dans ce contexte politique, social et culturel était l’archiduc Guillaume de Habsbourg. Bien que dans une de ses lettres, Chykalenko a mentionné qu’il sous-entendait « un prince anglais ou suédois ».

Dans les activités politiques de Guillaume de Habsburg, qui trouvait un certain soutien dans divers cercles de l’émigration ukrainienne, Viatcheslav Lypynsky voyait une menace importante pour les fondements idéologiques et organisationnels du tout nouveau mouvement monarchiste, qui était associé à la personnalité de l’Hetman Pavlo Skoropadsky, issu d’une vielle aristocratie ukrainienne. Ce sont les tentatives de renforcer les fondements théoriques du mouvement de l’Hetman qui ont dicté la publication de l’ouvrage de Viatcheslav Lypynsky « La vocation des Vikings ou l’organisation des fermiers ? »

Les tentatives de coopération

Guillaume de Habsbourg a eu la possibilité d’explorer les idées de Viacheslav Lipinsky à la veille des événements révolutionnaires de 1917. Un représentant du camp conservateur galicien, Yevhen Olesnytsky, a conseillé à un proche de l’archiduc, le colonel Kazimierz Guzhkovskyi, de veiller à ce que la connaissance de l’Ukraine par l’archiduc, qui ne dépassait pas à l’époque les idées purement ethnographiques, soit approfondie. En particulier, M.Olesnicki a jugé nécessaire de lui faire connaître les récentes publications de Kyiv sur l’histoire de l’art ukrainien et, surtout, avec des ouvrages de Viacheslav Lipinsky, qui ont initié l’archiduc aux idées politiques et aux concepts historiques du conservatisme ukrainien. Dans le même temps, Yevhen Olesnicki était préoccupé par le fait que l’archiduc approfondissait sa compréhension de l’histoire des relations polono-ukrainiennes et sa conscience du caractère national de la lutte du peuple ukrainien contre la domination polonaise. Les travaux de Lipinsky, avec ses vues constructives sur le rôle prépondérant de la noblesse ukrainienne dans la lutte de libération de la nation, étaient indispensables.

Baron Kazimierz Guzhkovsky, Métropolite Andrey Sheptytsky, Archiduc Wilhelm Habsburg. Le village de Kadlubysk près de Brody, hiver 1917

Les tentatives visant à engager l’archiduc dans des activités politiques ont commencé à la fin de 1919, lorsqu’il est retourné en Ukraine après sa captivité en Roumanie. Il convient de rappeler qu’il a été désigné chef du bureau des relations extérieures de l’État-major général de l’armée de la République Populaire Ukrainienne (UNR). Cependant, selon Dmytro Doroshenko, « il n’a pas été autorisé à faire ses preuves. On disait que le méfiant Simon Petliura (président du Directoire de la République Populaire Ukrainienne) craignait la popularité de l’archiduc auprès des troupes que Vychyvany avait acquise en 1917-1918 lorsqu’il les commandait dans les régions de Kherson et de Katerynoslav. » L’archiduc n’a cependant pas perdu sa popularité dans la société ukrainienne, et ce à un moment où l’ataman en chef des troupes du Directoire perdait de plus en plus d’influence dans l’armée et parmi la paysannerie.

Wilhelm Habsbourg (à l’extrême droite) à l’avant. Sniatyn, juillet 1917

Les activités politiques de Guillaume de Habsbourg et sa participation active aux affaires ukrainiennes ont attiré l’attention de Viacheslav Lipinsky lorsqu’il était ambassadeur de l’État ukrainien en Autriche-Hongrie. En 1918, ils établissant un contact direct, et la correspondance commence. L’idée d’impliquer un représentant de la maison impériale dans la mise en œuvre des objectifs politiques du mouvement conservateur ukrainien semblait extrêmement attrayante pour l’universitaire, ainsi que pour les conservateurs galiciens. Dans ce contexte, Guillaume de Habsbourg pourrait jouer un certain rôle politique d’ampleur régionale. Viacheslav Lypynsky a essayé de trouver des points communs entre l’Hetman Pavlo Skoropadsky et l’archiduc. La difficulté résidait dans le fait que, dès 1918, les cercles diplomatiques autrichiens et allemands avaient réussi à convaincre le chef de l’État ukrainien que Guillaume de Habsbourg cherchait à prendre le pouvoir et à succéder à l’hetman. En 1918, les activités patriotiques de Vassyl Vychyvany, sa popularité croissante et les mesures politiques prises par les figures de l’opposition ukrainienne inquiètent Pavlo Skoropadsky. Dans ses mémoires, il note qu’il a reçu à plusieurs reprises des renseignements selon lesquels l’archiduc Guillaume de Habsbourg, avec l’aide de son entourage, « fait campagne en sa faveur pour le déclarer hetman. »

L’expérience de la mise en œuvre du Hetmanat en 1918, malgré toutes ses lacunes, a convaincu Viacheslav Lypynsky que la forme d’existence étatique la plus appropriée pour l’Ukraine est une variété de la monarchie moderne sous la direction d’un hetman. Bien que le concept monarchique de Vyacheslav Lypynsky ait rejeté toute perspective de voir Guillaume Habsburg monter sur le trône ukrainien, il n’a pas nié la possibilité pour lui de devenir le chef de l’État ukrainien occidental.  Au début de son activité, le mouvement des partisans du Hetman a tenté de trouver un accord pour mener une action politique commune des anciens adversaires politiques Pavlo Skoropadsky et Vassyl Vychyvany en tant que prétendants possibles au trône royal ukrainien. Selon les accords passés avec l’archiduc, l’hetman, en tant que commandant en chef des forces armées, qui assumait « le devoir d’unir tous les éléments créatifs de l’État ukrainien, » devait faire le premier « pas concret dans cette direction » et confier « au colonel Vassyl Vychyvany, sous sa direction supérieure, une opération militaire distincte en Galicie. » Conformément à un accord signé entre Pavlo Skoropadsky et les fondateurs de l’Union ukrainienne des agriculteurs et des hommes d’État, Vassyl Vychyvany est devenu membre de l’organe législatif de l’union, son Conseil général.

Pavlo Skoropadsky avec sa fille Yelyzaveta

Il est intéressant de noter que dans le même temps, Yevhen Chykalenko, dans son journal, réfléchit au sujet du mariage possible de Guillaume de Habsbourg avec la fille de l’Hetman Pavlo Skoropadsky, Yelyzaveta Skoropadska.  Il est probable que tant les hetman que le cercle restreint de l’archiduc étaient enclins à de telles intentions. Vyacheslav Lypynsky, quant à lui, a cherché à unir le camp conservateur du mouvement social et politique ukrainien par le biais d’une telle alliance.  Yevhen Chykalenko partageait de tels points de vue. Cependant, lorsque Vassyl Vychyvany a refusé de participer à une action politique commune avec l’Hetmanate, Vyacheslav Lypynsky a cessé de faciliter ce mariage.

Une alliance inachevé

La popularité de l’archiduc dans les milieux modérés de la société ukrainienne a augmenté simultanément avec l’influence politique de l’Hetman. Dans une lettre adressée à Viacheslav Lypynsky, Yevhen Chykalenko, se référant aux informations de son fils Petro, qui se trouvait à l’époque dans l’Ukraine occupée par les bolcheviks. Il a noté le déclin de la popularité de Symon Petliura et la croissance de l’intérêt pour Pavlo Skoropadskyi et Vassyl Vychyvany.

La personnification de Pavlo Skoropadsky devait finalement barrer la route à tous les autres prétendants au pouvoir monarchique, car elle était associée à une personne dont la légitimité avait été confirmée par son mandat d’Hetman en 1918. En même temps, la coopération avec Vassyl Vychyvany visait à neutraliser les groupes politiques destructeurs pour lesquels le drapeau du monarchisme était une couverture pour leurs propres plans ambitieux.

Dmytro Doroshenko, Hetman Pavlo Skoropadskyi et Viacheslav Lypynsky. Reichenau, 1923

C’était trop complexe à mettre en œuvre l’entrée de Guillaume de Habsbourg dans la nouvelle organisation de Hetman. Les rivaux politiques n’ont cessé de multiplier les intrigues et les malentendus entre l’archiduc et les supporteurs de Hetman. Au fur et à mesure, la personnalité de l’archiduc est devenu un attraction pour divers groupes d’opposition, tant du camp républicain-démocratique que de groupes monarchistes qui étaient en dehors de l’influence des partisans de Pavlo Skoropadsky. À la fin de l’année 1920, la futilité de l’alliance entre Pavlo Skoropadsky et ses partisans et Wilhelm Habsbourg devient évidente. La raison en était le désaccord de l’archiduc avec les articles des statuts et règlements du mouvement de Hetman. La raison en est le désaccord de l’archiduc avec les clauses de la Charte et du Règlement du mouvement Hetmanat. Il y voit notamment une tentative d’instaurer un régime autoritaire en Ukraine et a été mal informé par les sources imprimées du gouvernement de la République Populaire Ukrainienne (RPU).

En août 1921, Lypynsky a appris que Guillaume de Habsbourg était «toujours populaire» à Vienne et ses partisans ont formé un «cabinet», avec Yevhen Chykalenko comme président. De là est venue l’idée d’unir l’ensemble du mouvement de libération nationale ukrainien sous la direction unique de Vassyl Vychuvany. Il est difficile de déterminer qui était l’auteur de ce plan, mais à notre avis, il était plutôt douteux. Intéressé par les idées de Vyacheslav Lypynskyi sur une monarchie héréditaire ukrainienne, Yevhen Chykalenko s’est personnellement impliqué dans le débat politique sur l’avenir de l’Ukraine. À cette époque, il était déjà sensible à la « puissance étrangère, viking, » sans laquelle les Ukrainiens, selon lui, ne pourraient pas se débrouiller. « Le peuple moscovite, discipliné par les « bolchaks » (le mot vieilli, «l’aîné de la famille» – ndlr) et le « mir » (la paix ou le monde, selon le contexte – ndlr) dans la vie publique, s’est facilement soumis à la « dictature du prolétariat » … qui gouverne maintenant et unit à nouveau la Russie prérévolutionnaire », a écrit Yevhen Chykalenko dans son journal. Le peuple ukrainien ne se soumettra jamais volontairement à son gouvernement, et c’est pourquoi nos voisins profiteront de notre désordre et pour nous capturer ».

Guillaume de Habsbourg

Les notes du journal de Yevhen Chykalenko donnent l’impression que Guillaume de Habsbourg était très populaire auprès des femmes ukrainiennes, qui ont brisé par leurs intrigues son mariage avec Mlle Stepanenkova, la fille d’un des leaders des indépendantistes ukrainiens. Il est difficile d’imaginer que que les beautés ukrainiennes n’ont pas prêté attention à l’archiduc. Chykalenko a décrit son portrait: « Grand, élancé, avec des manières aristocratiques naturelles et un visage noble… A premier vue, il a fait une impression agréable ». Cette caractéristique est complétée par le cercle intime de l’archiduc: « Intelligent, plein de tact, avec une capacité naturelle à gérer les gens et à choisir son personnel ».

Le 22 août 1921, Yevhen Chykalenko a informé Viacheslav Lypynsky de son intention de lui rendre visite avec l’archiduc. Apparemment, il s’agissait d’une autre tentative d’organiser une action commune avec Guillaume de Habsbourg.  En réponse à la proposition de rejoindre le groupe du soutien de Vassyl Vychyvany, Vyacheslav Lypynsky a répondu que lui et ses associés « ne quitteront pas l’Hetman Pavlo Skoropadskyi et ne s’éloigneront pas de lui ».

Guillaume de Habsbourg a involontairement réuni en sa personne les espoirs de ceux qui cherchaient de nouveaux modèles politiques pour l’indépendance de l’Ukraine autre que la République Populaire Ukrainienne ou Hetmanat. Apparemment, il y avait des gens qui ont réussi à convaincre l’archiduc que tous les espoirs reposent sur lui. Ils avaient des liens avec des milieux indépendantes de la politique ukrainienne qui n’appartenaient ni aux supporteurs de Hetman, ni à la direction de la République Populaire. Dès 1920, un groupe d’initiative pour la restauration des Cosaques libres a été formé à Berlin, et en 1921, la Société nationale ukrainienne des Cosaques a été fondé à Vienne, sur la base des résolutions du congrès des Cosaques libres de Tchyhyryne (capitale historique du Hetman Khmelnytsky – ndlr) du 3 octobre 1917. L’administration temporaire de cette société était dirigée par Vassyl Vychyvany. Le Conseil général des Cosaques libres a commencé à lancé l’hebdomadaire «Soborna Ukraïna» à Vienne, qui glorifiait activement l’archiduc. Au début de l’année 1922, à la suite d’une confrontation politique entre différents groupes, la Société des cosaques libres s’est désintégré, et sa direction a été reprise par Ivan Poltavets-Ostrianytsya.

La popularité de Vassyl Vychyvany parmi les citoyens ukrainiens, l’honnêteté politique, son démocratisme sincère et son grand attachement pour l’Ukraine attiraient à lui des politiciens de différents camps de l’émigration ukrainienne. Toutes ses activités, tant pendant son séjour en Ukraine qu’au sein de l’émigration ukrainienne, ont été dictées uniquement par son désir de servir la mission ukrainienne de manière sincère et désintéressée. C’est pourquoi sa déclaration selon laquelle il ne menait pas de sa « campagne personnelle » était tout à fait juste.

En 1922, Vassyl Vychyvany s’est retiré de l’activité politique, mais continuait à s’intéresser au mouvement de libération de l’Ukraine. Ses liens avec la clandestinité ukrainienne finalement ont été fatal pour lui. Le 22 septembre 1947, il a été arrêté dans la zone anglaise de Vienne par les forces d’occupation soviétiques en tant qu’agent de renseignement français et membre de la guérilla indépendantiste de l’Organisation des nationalistes ukrainiens. Il a été accusé d’avoir des liens avec l’Organisation des nationalistes ukrainiens, de collaborer avec un agent britannique et le contre-espionnage français pendant la Seconde Guerre mondiale, même après la capitulation de l’Allemagne. Le 19 décembre 1947 Guillaume de Habsbourg a été transféré à la prison soviétique à Kyiv, où son cas a été l’objet d’une étude depuis six mois. Le 20 mai 1948, le dossier a été transféré au parquet militaire. Par l’ironie de destin, l’acte d’accusation du bureau du procureur militaire affirme sans aucune preuve que « les cercles dirigeants austro-hongrois préparaient Guillaume de Habsbourg-Lorraine pour le trône ukrainien. » L’archiduc est également accusé de ses activités antinazies pendant la guerre, qualifiées par les autorités punitives soviétiques de « travail en faveur des renseignements britanniques. »  Malgré l’absurdité des allégations, il a été condamné à 25 ans de prison. Une lettre d’accompagnement de l’archiduc à la prison Volodymyrska a été signée le 12 août 1948. Cependant, le 18 août 1948, Vassyl Vychyvany est décédé à l’hôpital de la prison Lukianivska. Son lieu de sépulture n’a pas encore été localisé.

Guillaume de Habsburg dans la prison de Lukianivka, Kyiv, 1948

Le nom de l’archiduc Guillaume de Habsbourg-Lorraine s’est ajouté à la longue liste de patriotes ukrainiens, composée par les ennemies de l’indépendance et de la liberté de l’Ukraine. Cette liste commence par Andriy Voynarovsky (le chef des cosaques pendant 1701-1716, le neveu et héritier de l’hetman Ivan Mazepa), qui a été enlevé par les meurtriers du roi russe Pierre le Grand, et se termine par les noms de Simon Petliura, Yevgen Konovalets, Roman Shukhevich, Stepan Bandera et Daniil Skoropadsky, insidieusement assassinés par des agents bolcheviques.