Des combats se poursuivent dans la banlieue de Toretsk, près de Donetsk. Nos correspondants se sont rendus dans cette ville, en flamme et en sang.
L’offensive russe intense sur cette section du front a commencé à la mi-juin. La ville tremble sous des bombardements incessants. Le nombre de maisons calcinées et détruites augmente chaque jour. Les Russes utilisent leur tactique habituelle, qui consiste à transformer en ruines les localités qu’ils vont prendre. Toretsk subit tous les jours des attaques massives de bombes aériennes guidées.
Rien que la semaine dernière, 110 CAB (bombes aériennes guidées – ndlr) ont été lancées sur des habitations civiles. Ces projectiles détruisent des immeubles de grande hauteur, laissant des cratères de plusieurs mètres dans l’asphalte multicouches. Il est difficile de s’éloigner des bâtiments en feu, même à 20 mètres. On a l’impression de se trouver à côté d’un haut fourneau géant. Des bouteilles de gaz explosent dans les immeubles.
Il reste encore un millier d’habitants dans la ville. Il s’agit principalement de personnes âgées de plus de 50 ans. La plupart d’entre elles sont des femmes. Quand on leur demande pourquoi elles ne fuient pas, leur argument est la crainte que leurs modestes possessions ne soient volées par des pillards.
La plupart de ceux qui vivent dans des immeubles de grande hauteur ont déménagé dans des sous-sols. Mais il y a aussi des habitants qui gardent leur appartement. Nos soldats nous ont dit avoir entendu des cris provenant d’un de ces bâtiments en feu, mais ils n’ont malheureusement pas eu le temps d’aider les gens.
Les détachements des services d’urgence basés à Kostiantynivka voisine ne peuvent pas non plus atteindre Toretsk, car les routes sont touchées par l’artillerie russe et leurs drones kamikaze sont très actifs.
Le nombre de voitures et de minibus brûlés sur le bord des routes augmente chaque jour.
La semaine dernière, il y avait encore un magasin sur la route menant de Toretsk à Kostiantynivka.
Aujourd’hui, les habitants se procurent principalement de la nourriture par leurs familles et des amis qui vivent de leur lopin privé. Parfois, ils essaient de partager leurs légumes et leurs œufs avec des soldats ukrainiens.
On voit souvent des civils à vélo dans les rues. De temps en temps, nous voyons un vieux camion VAZ avec un retraité au volant.
Les militaires distribuent également de la nourriture à tous ceux qui demandent de l’aide. Comme il n’y a pas d’électricité dans la ville, les habitants viennent vers eux pour recharger leurs téléphones portables à l’aide du générateur.
À la périphérie de la ville, nous avons remarqué des travailleurs des services publics portant des gilets pare-balles et des casques en train de réparer la route. Refaire les routes sous les bombardement ? Eh oui, parce que les gens vivent ici, et ils ont besoin de se déplacer.
De temps en temps, sur le bord de la route, on voit des gens qui essayent d’arrêter une voiture et de quitter la ville. Nous avons aussi vu des taxis à Toretsk.
On voit des voitures abandonnées dans des garages ouverts. L’un d’eux contenait même une Audi A6 à l’intérieur, mais elle était déjà découpée en morceaux par les débris d’obus. Dans les maisons vides, des documents sont éparpillés. De nombreux animaux abandonnés errent dans les rues : chats, chiens, chevaux. Des vaches broutant presque sur la ligne de démarcation ajoutent une note surréaliste.
« Depuis un mois et demi, je surveille Toretsk en ligne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 », explique Natalia, cheffe de section par intérim du 405e bataillon d’infanterie de la 32e brigade mécanisée. « Ce sont des heures, des jours, des semaines où l’on assiste à la destruction de la ville. Si vous faites défiler le film dans l’album de photos et de vidéos, vous obtenez une sorte de film rétrospectif – les ruines sont lentement restaurées, redevenant des maisons très abîmées, puis des maisons un peu miteuses, et enfin, sur l’écran final, je vois des maisons de bonne qualité, avec beaucoup de verdure autour de chacune d’elles – les mêmes abricots, cerises, pêches, noix que dans mon enfance. Je me réjouis de chaque maison détruite, car cela signifie que l’ennemi qui l’occupait est aussi détruit. En même temps, c’est très douloureux pour moi de voir ce panorama, car chaque maison est un vestige de la vie de quelqu’un ».
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La 32e brigade mécanisée défend héroïquement Toretsk avec la 95e brigade d’assaut aéroportée et interarmées de la police nationale Lut (Rage).