Marta Matviyiv : « Le statut « probablement capturé » pour des soldats disparus, c’est la pire d’incertitudes pour leurs proches »

Guerre
28 avril 2023, 13:00

The Ukrainian Week Tyzhden.fr/ s’est entretenu avec l’épouse d’un des soldats disparus qui est considéré comme « probablement capturé ». Elle nous a fait part comment sa vie est devenue un enfer du jour où son mari a disparu sur le champ de bataille.

« La convocation est arrivée le premier jour de l’invasion, le 24 février. Elle a simplement été laissée à la porte car nous n’étions pas là ce jour-là. Mon mari s’est rendu au centre de recrutement, où il a été incorporé dans la 24e brigade. Le 7 mars, ils étaient déjà sur leur position. Il a été blessé deux fois pendant qu’il était au front. Il suivait un traitement. Il a participé aux combats pour la dernière fois le 20 juin, il y a eu une bataille le matin. Le 25 juin, il était déjà considéré comme disparu », raconte Marta Matviyiv, l’épouse du soldat du 24e brigade mécanisée disparu au combat.

Pour savoir ce qu’il était advenu de son mari, la femme s’est adressée au commandant de compagnie : « Il a été blessé à l’épaule et n’a pas pu être évacué du champ de bataille à cause des tirs d’artillerie lourde », a répondu le commandant. Il a spécifié que pour préserver la vie et la santé du personnel, il a ordonné les équipes de sauvetage quitter le champ de bataille. « En d’autres termes, les sauveteurs n’ont même pas pu accéder à mon mari pour l’évacuer », précise Marta.

Comme la plupart des parents de prisonniers de guerre, Marta Matviyiv a entamé des recherches en ligne. Elle a rejoint un groupe dans les réseaux sociaux, où se réunissent des personnes ayant des histoires similaires. « Les autorités ne nous recommandent pas de rechercher nos disparus sur Internet. Cependant, même lors de la réunion, [le commissaire ukrainien aux droits de l’homme Dmytro] Lubinets a déclaré qu’il était plus facile pour lui de travailler avec un groupe de familles plutôt qu’avec chaque cas individuel », explique la femme.

A cette fin, différents groupes thématiques de recherche sont créés. Dans un premier temps, les proches de la 24e brigade, par exemple, communiquent par le biais de messagers. Ensuite, les connaissances en personne ou en ligne créent des groupes distinctes. « Nous savons qui est qui, à qui on peut faire confiance. Il existe aussi des groupes thématiques. Par exemple, mon mari a disparu à Vovchoyarivka. Là, 50 personnes ont disparu en trois jours. Nous les avons touts identifié nous-mêmes, nous avons reuni les proches de ces soldats et nous avons créé nos propres groupes pour faire avancer le dossier concernant cette localité », explique Mme Matviyiv.

Marta ne dispose d’aucune preuve vidéo ni d’aucune confirmation que son mari est prisonnier de guerre. Cependant, officiellement, il y aurait des informations confirmées sur sa captivité, qui sont apparues au début du mois de décembre. Elle a tenté d’obtenir plus des détails sur la mise à jour du statut par le quartier général de coordination, mais depuis quatre mois maintenant, les structures de l’État ne peuvent pas expliquer comment et pourquoi le statut de « disparu » a été modifié en « probablement capturé ».

« Il existe un chatbot spécial qui peut être utilisé pour vérifier [le statut militaire]. Il est aussi possible tout simplement appeler le 16-48 [hotline du Service national d’information]. Mais par expérience, la réponse la plus probable: « il n’y a pas d’information » ou « probablement capturé », comme dans le cas de mon mari. Ils avaient renoncé [à le retrouver] parce qu’il s’agissait d’une localité difficile. Alors j’attends simplement que le village soit libéré par l’armée ukrainienne » , explique Mme Matviyiv.

Hormis le changement de statut, aucune information sur les soldats disparus n’est fournie à leurs familles. Mme Matviyiv a également fait appel au commissaire chargé des personnes disparues dans des circonstances particulières, Oleh Kotenko, mais n’a reçu aucune réponse à ses courriels ou à ses demandes écrites.

« Nos autorités n’accordent le statut de prisonnier que lorsque la Russie le confirme par l’intermédiaire de la Croix-Rouge. Il est a priori impossible d’obtenir un tel statut de la part de l’Ukraine unilatéralement. Le statut « probablement capturé » se réfère aux données de renseignements ou aux photo/vidéo, des témoignages de ceux qui sont rentrés de la captivité. Par exemple, à Vovchoyarivka, sur 50 personnes, probablement seulement 10 ont reçu de telles notifications. On ne sait rien de la majorité. Et nous ne savons pas d’où viennent ces informations. Deux de ces personnes semblent avoir des preuves photo/vidéo, tandis que les autres n’ont que des informations qui semblent être dans l’air, et nous ne savons pas qu’en faire », explique Marta Matviyiv.

Quoi qu’il arrive, la jeune femme ne baisse pas les bras. Elle continue de chercher, d’espérer, d’attendre. Il se peut que la bonne nouvelle vienne demain.