L’histoire de « Tchornohora »: les Carpates ukrainiennes en terres ardéchoises

Histoire
20 septembre 2024, 16:29

L’histoire commence en 1973 tel un conte de fée : Il était une fois… un groupe d’immigrés ukrainiens installés en France avant et après la Seconde Guerre mondiale qui, nostalgiques de leur pays d’origine, étaient tombés sous le charme d’une localité d’Ardèche, dont les montagnes ressemblaient en tous points aux Carpates ukrainiennes où ils étaient nés. Parmi eux, on comptait des adultes tels que MM. Malynovitch, Kortchak, Klem, Sligouk, Bilak, Saly, Rominsky, Tofan… ainsi que des jeunes gens nés en France de parents ukrainiens. Les « anciens » de l’époque souhaitaient dénicher un lieu propice à l’accueil de camps d’été destinés à la communauté ukrainienne. Après de longues pérégrinations dans le sud de la France, ils avaient jeté leur dévolu sur une propriété située dans la commune de Rochepaule (Haute-Ardèche). Au cadastre, elle se nommait La « Grangeasse » et par la suite, elle fut rebaptisée « Tchornohora » (« Чорногора », soit La Montagne noire) du nom d’un haut sommet des Carpates… mais rembobinons le film de ce qui avait précédé.

Photo : source L’Hebdo de l’Ardèche.

FLASH BACK

Nos prospecteurs projetaient d’acquérir une maison dotée de vastes locaux et d’un terrain assez grand dans un beau décor et d’un prix abordable. Dès l’automne 1972, le « commando » sillonna les routes mais les sites visités s’avéraient trop petits, mal situés ou trop onéreux. C’est alors que de bonnes fées vinrent à la rescousse de nos vaillants « pères fondateurs » en les projetant comme par enchantement au cœur d’un paysage reproduisant à l’identique les collines boisées et les vallons verdoyants des Carpates de leur enfance. Au bord de la route en lacets menant de Saint-Agrève à Rochepaule, tapie au fond d’une vallée près d’un antique pont de pierre se dressait une robuste bâtisse flanquée d’un bâtiment annexe, le tout entouré d’un beau lopin de terre et entouré de forêts de résineux escaladant les collines tandis qu’une rivière murmurait en contrebas du terrain. Le coup de foudre fut immédiat, ils avaient trouvé la perle rare et le conte de fée connaissait une fin heureuse. Renseignements pris, la propriété était à céder et l’accord de vente fut signé en 1973, c’était il y a cinquante et un ans.

REMISE EN ETAT ET ACTIVITES PEDAGOGIQUES

Restait à rendre habitable la maison abandonnée depuis des années et dépourvue de tout confort ayant jadis abrité une activité de moulinage de la soie puis une colonie de vacances. C’est là qu’intervinrent de nombreux bénévoles, lyonnais pour la plupart, qui armés de pelles, pioches, scies et pinceaux consacrèrent leurs week-ends à aménager les locaux d’habitation, dortoirs, cuisine…

Les travaux allèrent bon train et à l’été 1974, on put accueillir les premiers vacanciers de la maison familiale. Après le confort spartiate des débuts, les conditions de vie furent progressivement améliorées pour satisfaire aux normes de sécurité. Au début, cohabitèrent ici plusieurs générations et au fil des ans les plus anciens cédèrent la place aux plus jeunes. Rapidement, furent institués en juillet des cours de langue, d’histoire, de musiques, de danses et de chants appartenant au patrimoine ukrainien puis aussi de pyrogravure, de pysanky (œufs décorés),… sous la conduite d’animateurs passionnés. C’est ainsi que chaque été, la maison rassemble plusieurs dizaines de jeunes venus puiser ici à la source de la culture ukrainienne. Ils s’initient à la langue de leurs aïeux, apprennent à chanter et à danser et profitent également d’une merveilleuse nature au cours d’activités de plein air.

LE SPECTACLE DE FIN DE SEJOUR

A la fin du séjour, les enfants présentent un spectacle agrémenté de danses, de musique et de chants ukrainiens ainsi que de saynètes inspirées de la vie traditionnelle de nos ancêtres en Ukraine. Les parents des enfants ainsi que des habitants de commune de Rochepaule y sont conviés, ce qui au cours des années a permis de tisser des liens d’amitié avec les villageois et leurs édiles familiarisés avec la culture ukrainienne.

POINT DE RENCONTRES ET MUSIQUE

Avec le temps, on vit passer ici des Ukrainiens de tous horizons et, après l’accession de l’Ukraine à l’indépendance en 1991, des visiteurs venus de la mère-patrie tel son excellence Monsieur Youry Kochubey, à l’époque ambassadeur d’Ukraine en France, à l’occasion des 20 ans de « Tchornohora ». De 1993 à 2006, après le camp de vacances, « Tchornohora » se muait en août en conservatoire de musique. Durant 3 semaines, le groupe « Vychyvanka » travaillait d’arrache-pied, répétant musiques et chants ukrainiens en prévision de plusieurs concerts donnés dans la région sous la direction de Mykola Hvozd, un grand chef d’orchestre venu de Kyiv, hélas aujourd’hui disparu.

QUE VIVE TCHORNOHORA

Un dernier coup de chapeau à ceux qui tout au long de l’année maintiennent la maison en état, la remettent en ordre après le départ des enfants et la préparent pour l’été prochain. Sans eux, « Tchornohora » ne serait pas ce qu’elle est. Souhaitons-lui longue vie à l’occasion de son demi-siècle d’existence, ce qui se traduit en ukrainien par « Многая літа » ! (Mnohaya lita), autrement dit longue vie !