Gustav Gressel : « Scholz et Biden ont perdu près de trois ans à ne pas soutenir l’Ukraine d’une manière qui permettrait d’inverser le cours de la guerre »

Politique
9 novembre 2024, 13:47

Gustav Gressel, politologue autrichien et chercheur à l’Académie nationale de défense de Vienne, a expliqué à Tyzhden ce à quoi il fallait s’attendre après l’éclatement de la coalition allemande. Il a également laissé entendre que le soutien à l’Ukraine allait changer et que les résultats des élections américaines allaient influer sur les processus en cours en Allemagne.

– Le limogeage du ministre des finances, Christian Lindner, oblige quasiment Olaf Scholz à recourir au vote de confiance le 15 janvier. Si le chancelier le perd, des élections anticipées seront organisées en mars. Quelle est la probabilité de ce scénario et quels sont les défis à relever ?

– Oui, je pense que c’est ce qui va se produire. La constitution allemande limite le vote de confiance. Si Friedrich Merz, le chef de la CDU, ou le parlement demande un tel vote, cela ne peut être qu’un vote de confiance constructif. En d’autres termes, ils devront présenter un gouvernement alternatif, et le vote de confiance devra être en même temps un vote pour un nouveau gouvernement qui remplacera l’ancien. Mais cela est peu probable, car il sera difficile de conclure un accord de coalition avec les deux autres partis. Le chancelier lui-même peut convoquer un vote de confiance simple. Mais seul le président peut dissoudre le parlement et convoquer des élections anticipées.

La décision revient donc à Frank-Walter Steinmeier et Olaf Scholz. Ils sont tous deux membres du parti social-démocrate et ne prendront donc pas de décisions susceptibles de nuire à leur parti. Le SPD est très mal placé dans les sondages et a besoin de temps pour faire campagne. C’est ce qu’ils recherchent, et c’est pourquoi ils ont reporté le vote de confiance.

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– Les élections anticipées pourraient amener au pouvoir un nouveau gouvernement de centre-droit dirigé par la CDU. Qu’est-ce que cela signifie pour le soutien à l’Ukraine ?

– Cela dépendra en grande partie de la coalition qu’il faudra former. Ces derniers mois, le SPD a retrouvé un ton pacifiste et favorable à la Russie, notamment après la nomination de Matthias Miersch, un admirateur de l’ancien chancelier Gerhard Schröder, au poste de secrétaire du parti (après l’éviction de Schröder de son poste de premier ministre, il a longtemps travaillé pour des entreprises énergétiques russes et est toujours considéré comme un ami de Poutine – ndlr).

Bien sûr, cela pourrait changer si Scholz perdait et que le parti élisait un autre président, comme Boris Pistorius, plus sévère à l’égard de la Russie. La CDU dispose d’un solide électorat qui préfère le SPD aux Verts, en particulier Markus Söder, Armin Laschet et Carsten Linnemann. Mais une coalition CDU-SDP aura-t-elle une majorité au parlement ? Le FDP reviendra-t-il au parlement ? Tout cela reste en suspens, mais aura un impact significatif sur les décisions relatives au budget, à l’Ukraine, etc.

– Est-ce que les résultats des élections américaines affectent les processus en cours en Allemagne ?

– Olaf Scholz et Joe Biden ont perdu près de trois ans à ne pas soutenir suffisamment l’Ukraine pour inverser le cours de la guerre. Aujourd’hui, tous les scénarios possibles concernant l’Ukraine, l’OTAN et la défense commune deviennent extrêmement coûteux, car nous devons trouver les ressources nécessaires pour rattraper rapidement tout ce que nous n’avons pas fait. La principale question qui se pose maintenant est la suivante : qu’est-ce qu’il faudra sacrifier ? La sécurité sociale ? Les retraites ? La transition énergétique ? Il faudra bien faire des économies sur quelque chose. Celq promet une lutte interne acharnée et difficile.