J’entre dans un café pas loin de mon bureau : on y trouve du courant, Internet et la climatisation. Le summum du luxe.
« Je cherche une table », dis-je en espérant trouver un coin où je pourrai m’installer avec mon ordinateur portable.
« Malheureusement, nous sommes pleins », me répond le serveur.
Je parcours le lieu du regard et je me rends compte que je ne suis en effet pas la seule à avoir eu l’idée de déjeuner en travaillant.
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Les établissements avec générateurs et connexions sont de nouveau très prisés depuis les coupures d’électricité programmées. Les gens réapprennent à vivre avec. Ils ressortent leurs lampes torches, générateurs, banques d’alimentation, plaques de cuisson de randonnées — tout ce qui leur reste de l’hiver de l’année 2022. Il y a tout de même une différence : s’il y a deux ans le mot même de « blackout » terrorisait les Ukrainiens, aujourd’hui ils n’y voient plus qu’un petit défi quotidien parmi d’autres.
Autant dire qu’ils sont invincibles. Ils transforment leurs problèmes en solutions : pas d’électricité au travail ? Pas de problème, voici une belle occasion de travailler ailleurs qu’au bureau. On peut aussi utiliser ce temps mort pour terminer la lecture d’un livre. Ou passer un moment avec ses proches. C’est aussi souvent une occasion de changer ses habitudes, de tester d’autres horaires de travail et de découvrir comment on peut devenir plus productif en travaillant différemment.
Autre conséquence positive des coupures : la plupart de gens achètent moins de produits alimentaires, ils gaspillent moins et gèrent mieux leur budget. Mais c’est le soir, vers 21 h, que ces coupures offrent les meilleures opportunités de se poser après une journée de travail, de déconnecter et de se reposer vraiment.
À écouter les Ukrainiens, les bienfaits des coupures de courant sont infinis. Et si c’est comme cela, c’est parce qu’ils sont optimistes et qu’ils savent trouver une lumière même dans le plus grand noir. De toute façon, il ne leur reste rien d’autre dans le contexte où l’objectif de la Russie est de continuer à tout détruire, puisque son aviation ne frappe pas uniquement les infrastructures critiques, mais littéralement tout : immeubles d’habitation, centres commerciaux, imprimeries.
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Malheureusement, tous les Ukrainiens ne sont pas encore assez conscients pour comprendre ce qui les attend cet hiver. Selon les informations du Financial Times, ils doivent se préparer à n’avoir du courant que pendant une heure ou deux par jour. Le ministère de l’Énergie a déjà démenti ces informations, mais ce n’est pas forcément une raison de se rassurer. Il est temps de comprendre que cet hiver sera rude. Les Ukrainiens doivent être prêts à continuer à s’adapter, à tenir bon malgré les attaques de l’ennemi. Donc ils continuent. Ils continuent à donner pour l’armée, ils continuent à charger tous leurs appareils à fond – et ils continuent à voir une lumière même dans le noir.