Qu’est-ce c’est qu’un pique-nique avec de l’artillerie, qu’est-ce que les drones peuvent faire et ne pas faire, et comment se sent-on à Kyiv lorsque l’on rentre du front. C’est ce qu’a raconté à The Ukrainian Week/ Tyzhden Ivan Pelykh, fils du célèbre présentateur de télévision Igor Pelykh. Dès les premiers jours de l’invasion à grande échelle, Ivan repousse les envahisseurs. Il fait maintenant partie de la 1ère compagnie internationale des forces spéciales.
Les propos recueillis par Roman Malko
– Comment t’es-tu trouvé dans l’armée?
– C’est une histoire intéressante. Fin février, nous avons emmené tous nos proches à Drohobych (pas loin de Lviv – Red), et je suis revenu en train à Kyiv, car j’avais lu un message sur Facebook de la 112e brigade de TRO (défense territoriale) disant qu’ils avaient besoin de gens avec des drones: « Si vous avez un drone, alors remettez-le nous, ou, si vous êtes pilote, rejoignez-nous. » Je me suis dit : « С’est super, j’irai ». Certes, je ne sais pas tirer avec une mitrailleuse, mais je peux piloter un drone. Je suis venu à leur base (personne n’a répondu au téléphone, bien sûr) et je leur ai dit que je voulais les rejoindre. Ils m’ont demandé : « As-tu une expérience du combat? » – « Non » – « As-tu fait ton service militaire ? » – « Non » – « Bah, tu peux circuler. » Et je leur ai annoncé: « Mais je suis avec un drone! » – « Ça change la donne alors, viens avec nous. » C’est ainsi que je suis entré pour la première fois dans la TRO où, de la fin février à la mi-mars, nous avons fait le tour de Kyiv à la recherche de groupes de renseignements subversifs, puis nous avons aidé un peu les combattants de la région de Kyiv.
– N’était-ce pas effrayant?
– Nous avons eu plusieurs escarmouches, mais c’était des choses mineures. Par rapport à ce qui s’est passé plus tard à l’Est, ça n’était rien du tout. Je sentais que je faisais quelque chose d’utile, et le reste, c’était normal. Ce qui m’a frappé le plus, c’est un incident au poste de contrôle, arrivé dans les premiers jours de mars. Mais commençons par le début. Le 18 février, je conduisais une voiture, et comme j’avais dépassé la vitesse autorisée des 20 km, la police m’a infligé une amende. Et voilà qu’en mars, on passe un barrage routier dans notre voiture, et la police nous demande de nous arrêter. On donne le mot de passe, et ils répondent: « Les gars, c’est un peu gênant de demander, mais avez-vous des cartouches 5.45 ? » « Eh bien, oui, il y en a, et alors? » « Les gars, donnez-nous en un peu, nos cartouchières sont vides. « C’était en quelque sorte irréel: il y a deux semaines, ils m’avaient infligé une amende, et maintenant je partageais mes balles avec eux.
En avril, lorsque tous les anglophones ont été envoyés pour s’entraîner avec les marines britanniques, j’y suis allé aussi. Là, j’ai rencontré « India » – mon futur commandant de compagnie. Plus tard, tous ceux qui auraient réussi la formation pourraient rejoindre la brigade des forces spéciales. La somme des connaissances transmises par les Britanniques en un mois d’études est tout simplement incroyable. Rien à voir avec les grands-pères soviétiques qui vous racontent quelque chose, et que vous ne voulez pas écouter. Là, c’était l’inverse: la leçon terminée, de vous-même, vous courriez vers eux et leur demandiez : comment est-ce qu’on fait, comment est-ce fait ? Ils nous ont donné une base très cool, nous nous y sommes tenus lors de la création de notre compagnie. Cette unité est internationale, certaines personnes ont une expérience militaire, d’autres non, et afin de structurer en quelque sorte tout cela et de l’amener à un dénominateur commun, nous avons utilisé les connaissances que les instructeurs nous avaient transmises lors de la formation. En un mot, la préparation était bonne. Ce n’était pas le cas quand les garçons sont arrivés et qu’on leur a donné des fusils d’assaut: voici un fusible, voici un boulon, « coupe » et en avant.
– Qui sont ces personnes avec qui vous devez travailler?
– Absolument différentes. Avant cela, aucun des Ukrainiens n’avait servi dans l’armée. Ou s’il l’avait fait, c’était il y a longtemps. Les étrangers eux, en majorité, ont servi dans les armées de leur pays, et certains ont pris part aux hostilités alors en cours. Ce sont surtout des Américains et des Canadiens qui ont fait l’Irak et l’Afghanistan, et pour qui la guerre n’est pas étrangère, bien qu’ils soient également intéressés ici. L’un des Américains, un mitrailleur très cool, était en Irak depuis trois ans. Je lui ai demandé une fois comment il allait ici, et il m’a raconté une chose intéressante. En trois semaines au poste de Hryhorivka (sur la ligne de front), il avait l’impression d’avoir appris plus qu’en trois ans en Irak. Parce que c’est une guerre complètement différente. C’est ce qu’on dit à tous les étrangers, surtout à ceux qui ont une expérience de l’Afghanistan ou de l’ Irak: les gars, vous devez comprendre que dans cette guerre, les talibans, c’est vous. Vous êtes des soldats avec « kalash » sur des chevaux, et votre adversaire a des avions, de l’artillerie, des mortiers et d’autres conneries. Et cet Américain m’a dit: « J’ai passé trois ans en Afghanistan et pour la première fois en trois semaines à Hryhorivka, j’étais sur le champ de bataille et le char n’était pas de mon côté. »
– Comment perçoivent-ils la guerre? Pourquoi sont-ils ici?
– Étonnamment, ils la perçoivent de la même manière que nous. Ils comprennent qu’il y a du bien et qu’il y a du mal. Ils aiment cette ligne de front claire. Je leur ai aussi demandé pourquoi ils étaient ici. La grande majorité assure que c’est pour des raisons idéologiques. Ils disent : « Je comprends que c’est injuste et au lieu de m’asseoir et d’écrire des messages de soutien et de mettre le drapeau ukrainien sur les biographies, je peux venir ici et être utile. » Nous avons un Taïwanais (avant il y en avait beaucoup, maintenant il n’y en a plus qu’un) qui a tout de suite honnêtement dit: « Nous avons le même problème. Je suis juste curieux de voir à l’avance comment ça se passe. Avant que cela ne commence dans notre pays, lorsqu’un grand pays agresseur attaque un petit. Je veux apprendre auprès de vous. » Je l’appelle en plaisantant un espion. Mais les Biélorusses et les Géorgiens évoquent aussi ce sujet: « Après votre victoire, vous viendrez nous soutenir, n’est-ce pas? Qui est le premier dans la file d’attente? On ira en Géorgie ou en Biélorussie? Et quand ça commencera à Taïwan, il faudra faire un grand voyage. On ira à Taïwan. »
– Et les étrangers ont-ils quelque chose à apprendre de nous ou partagent-ils simplement leur propre expérience?
– Ça se passe différemment. Beaucoup d’entre eux, surtout ceux qui étaient dans l’armée, ont une expérience du combat, ils sont vraiment très expérimentés. Si on prend le niveau statistique moyen de leur formation et le nôtre, alors ce n’est pas comparable. Par exemple, concernant le travail des groupes subversifs. Ni moi, ni notre commandant de compagnie, ni les commandants de peloton n’ont objectivement le genre d’expérience qu’ils ont. Et nous, sans aucune honte, les nommons naturellement comme commandants de ces missions et écoutons tout ce qu’ils disent. Tout est très transparent. Si nous ne savons pas quelque chose, nous écoutons et apprenons des étrangers. Et s’ils ne savent pas quelque chose – de même. Parce qu’il faut étudier. Personne n’en a honte. Peut-être en raison du fait que des étrangers servent dans notre pays, nous n’avons pas ce clivage. Il est technologique, très intellectuel et sans débilisme militaire.
— Les étrangers signent-ils un contrat à long terme?
– Pour trois ans. Un contrat normal. Certes, ils ont un « privilège »: celui de le déchirer deux mois plus tard sans aucune explication. Et c’est ainsi que la moitié de la compagnie s’est tout simplement enfuie après Lysychansk (pas loin de Lougansk dans le Donbass – Red), parce que c’était effrayant.
— Quelles sont vos premières impressions sur la guerre à l’Est? C’est beaucoup plus dur là-bas ?
— Je dirais que c’est plus facile là-bas qu’ici. Tout est en quelque sorte très compliqué ici. Aujourd’hui, alors que nous voyagions avec « India », il nous a dit: « La pire chose qui puisse arriver à un militaire, c’est l’armée en PDP (point de déploiement permanent – Red.). Vous vous asseyez et vous vous engagez dans une sorte de stupidité militaire. Chez nous, au contraire, on comprend ce qu’on fait. Au début, vous avez peur de tout: on tire, et vous vous esquivez immédiatement. Et puis, vous vous y habituez tellement que lorsque le mortier tire à plus de cent mètres, vous continuez à boire du thé, car « c’est trop tôt pour descendre au sous-sol ». Mais quand le tir arrive à cinquante mètres, alors « d’accord, j’y vais ».
– Avez-vous rapidement appris à déterminer les distances, ce qui vole et où?
– Mais qu’est-ce qu’il y a à déterminer? Tout est simple. Quand je n’étais pas encore dans l’armée, j’étais très intéressé d’apprendre toutes ces subtilités. Mais personne ne le dit à l’entraînement. On dit juste: si vous restez, vous comprendrez. Alors, pour ceux qui sont intéressés, il existe un hack de vie sur la façon de le faire. Vous entendez le bruit de la sortie, c’est-à-dire « boum ». Ensuite, vous écoutez le son de l’arrivée, c’est-à-dire « boum », mais déjà à proximité. Vous comptez le nombre de secondes. S’il s’agit d’un mortier, alors un projectile de mortier vole en moyenne à 330 mètres par seconde, en conséquence, multipliez le nombre de secondes par 330 et vous avez la distance. Plus ou moins. Parce qu’il y a une erreur entre le moment où le son vous parvient et le moment où il part. Mais plus ou moins, c’est la distance. Et un mortier et un char sonnent différemment, et les MANGs (Missiles aériens non guidés) sonnent différemment. Le mortier comme: « ssshhhh ». Et le tank: « frrr ». La « cassette » s’entend alors qu’elle explose au-dessus. Vous ne pouvez pas entendre la sortie, car ce sont les SRTV (systèmes réactifs de tir de volée), qui tirent à 15 km et vous ne l’entendrez pas, parce que c’est très silencieux. Mais quand on entend beaucoup d’explosions au-dessus, c’est bien une « cassette » et il faut réagir.Tombez d’abord, puis cherchez un abri – plus c’est profond, mieux c’est. En principe, les attentes et la réalité coïncident assez bien. Je ne dirais pas que j’ai vu à l’Est quelque chose qui était radicalement nouveau pour moi. Je me souviens bien de Lysychansk. Je suis allongé dans la tranchée , vers minuit, nous sommes bombardés. Et ici, ils lancent des fusées éclairantes qui illuminent tout, autour, comme dans le film « 1917 » où l’on pouvait voir une scène dans laquelle le héros passait devant un bâtiment en flammes – obscurité, silhouette noire et couleur orange. Tout y est absolument pareil: cette fusée éclairante qui illumine tout en orange, étoiles, silhouettes…
Mais nous n’avons pas eu d’action spéciale à Lysychansk. Nous nous assis sous les tires d’artillerie et nous avons attendu. Il y avait plus d’action à Hryhorivka. Le deuxième jour, quand nous avons commencé à voler le matin, un сhar a commencé à travailler sur nous. Et au début, c’est vraiment très inhabituel et raide quand un char ou un mortier vous tire dessus. A trente mètres de là, la maison a été littéralement pulvérisée. En général, nous avons une tradition très intéressante avec des cabanes et des PCOs (postes de commandement et d’observation — Red.). Si notre « India » est allé se laver sous la douche – c’est un signe. Mettez immédiatement des gilets pare-balles, des casques et courez au sous-sol. Il est allé se laver trois fois et trois fois on nous a détruit le PCO. Maintenant, il ne va plus se laver aussi souvent. J’ai même dit que lorsqu’il irait se laver à Kyiv, je demanderai à toute ma famille de partir se cacher, on ne sait jamais…
— L’expérience de « Plast » (colonie de vacances des scouts ukrainiens) était-elle indispensable?
– Tout à fait. Pour moi, dormir dans un sac de couchage et marcher avec un sac à dos était normal, habituel. Mais pour certains, cela ne l’était pas. Eh bien, j’ai appris à démonter le « kalash » à Plast. Par conséquent, lorsque je suis arrivé à la TRO en février et qu’ils pensaient que j’étais un zéro complet, j’ai démonté le « kalash » une ou deux fois, et cela a beaucoup simplifié les choses. Au fait, à propos du sac à dos. S’il est gros et lourd et que vous ne pouvez pas le porter, jetez le simplement. Alors pendant deux semaines, vous n’emportez qu’un sac à dos de 20 litres, dans lequel vous mettez un minimum de choses: un sac de couchage, un сaremat, une paire de chaussettes, un sous-vêtement, une pelle, des powerbanks, et c’est tout … Pour ce qui est des lingettes humides il n’y en a jamais trop.
— Quelle est votre fonction en première ligne du front?
– Comme le dit notre commandant de compagnie: « Quand tu vas là-bas, tu penses venir à la « Chute du Black Hawk » et tu vas liquider les Russes avec le DShK, mais tu te retrouves à un pique-nique avec de l’artillerie. » Tu prends ton thé, tranquille, et ils te tirent dessus avec tout ce qu’ils peuvent. C’était ainsi à Lysychansk. Les choses étaient un peu plus intéressantes à Hryhorivka. Là, nous sommes devenus actifs, nous avons répondu à leurs attaques, sommes allés en petits groupes de l’autre côté de la rivière, on faisait du sabotage, des combats de tir en tête-à-tête, etc. Mais la plupart du temps, vous avez un pique-nique avec l’artillerie. Vous êtes assis soit dans une tranchée, soit dans un sous-sol, soit, si vous êtes malchanceux, dans un ravin. Dans n’importe quelle profondeur possible. De l’expérience de Lysychansk, j’ai compris que lorsque tout serait terminé, j’irai dans la datcha et je commencerai à creuser le sous-sol pour qu’il y ait 2,5 mètres de béton armé sur le dessus, deux issues de secours, un approvisionnement en nourriture et en eau. Je veux vraiment que dans la publicité des complexes résidentiels qui seront construits maintenant, il soit précisé : « Notre complexe résidentiel sera équipé d’un super abri anti-bombes à trois niveaux et des derniers MANPADS sur le toit. »
– Pensez-vous que cela sera nécessaire à l’avenir?
– J’espère que non. Mais espérez le meilleur et préparez-vous au pire. Et sérieusement, la fonction de notre Compagnie internationale des forces spéciales est d’être une réserve mobile, d’intervenir là où c’est nécessaire et de faire ce qui est nécessaire. Au début de la guerre, on voulait nous utiliser comme une brigade mécanisée ordinaire, nous mettre dans les tranchées sur la ligne de front: asseyez-vous, les gars, tenez le front. Mais de suite, il en a été décidé autrement. Le statut de l’armée ukrainienne ne prévoyait pas tout simplement le concept de l’infanterie légère, ce que nous sommes. Il n’y avait donc aucune disposition prévoyant que des personnes avec des armes automatiques pouvaient rapidement se déplacer quelque part et être mobiles. Il y avait seulement des unités mécanisées et c’est tout. Par conséquent, compte tenu des circonstances, notre fonction est de répondre aux urgences. Les quatre positions où nous étions étaient encerclées sur trois côtés, juste derrière nous se trouvaient des positions ukrainiennes. Et notre tâche était d’y aller, de nous établir et d’attendre.
– Travail très créatif alors ?
– Je ne sais pas. Est-ce que aider les Moscovites à passer dans l’autre monde grâce à divers types d’artillerie est un travail véritablement créatif? A mon avis, pas tellement. Je dirais que c’est assez simple et clair. Mais quand vous devez accomplir une tâche, et que vous comprenez que vous ne pouvez pas l’accomplir comme on vous a dit de le faire, mais que, d’une manière ou d’une autre, elle doit être faite, alors c’est plus qu’un casse-tête. Il est nécessaire de proposer une option qui s’avérera correcte. Même si le commandement n’est pas ravi de cette situation. Jusqu’à présent, nous sommes l’une des unités les plus prêtes au combat de bataillon. Tant que tout se passe bien pour nous, on peut dire que nous faisons tout correctement.
– Que faites-vous dans l’équipe?
– Je suis responsable de tout ce qui concerne les drones dans la compagnie. Avant, j’étais responsable des vols, mais maintenant nous travaillons pour monter un département anti-drone avec un pistolet anti-drone, grâce auquel nous avons levé des fonds (450 000 hryvnias en moins de trois jours), afin que les drones étrangers ne volent pas vers nous.
Au début, on ne m’a pas pris très au sérieux, car je n’avais aucune expérience militaire… C’était un peu difficile pour les officiers supérieurs de comprendre qu’il s’agissait d’une nouvelle guerre – une guerre technologique. Et il leur était aussi très difficile de s’y adapter. Ils s’imaginent qu’un drone est une merveille qui peut tout faire. S’il y a un drone, alors nous pouvons voler sur 50 kilomètres, voir toutes les sorties autour et calculer les coordonnées instantanément. Le drone, espèrent-ils, est une pilule universelle pour tous nos problèmes. Mais ce n’est pas du tout le cas.
— Jusqu’où pouvez-vous utiliser des drones pour superviser le territoire d’ennemi?
—Ça dépend. Là où nous sommes aujourd’hui, le troisième « mavic » (drone du modèle « Mavic 3 » – Red.) peut voler sur huit kilomètres sans aucun problème. Et là où nous étions auparavant (dans la région de Louhansk — Red.), l’EW fonctionne si bien que parfois on peut à peine voler sur un kilomètre . Nous avons alors convenu que pour nous, les drones sont plus une arme défensive qu’offensive. Nous n’avons pas essayé de les faire voler quelque part sur 10 km pour calculer l’installation d’artillerie automotrice, qui fonctionne pour nous, car il y a une forte probabilité de perdre le drone. Lorsque vous perdez une mitrailleuse, vous allez à l’entrepôt et vous en récupérez une autre. Mais lorsque vous perdez votre drone, vous devez demander à des bénévoles de vous en trouver un nouveau. C’est pourquoi nous ne les laissons pas voler loin. Nous avons notre domaine de responsabilité – le village que nous tenons, et notre tâche est d’assurer qu’il ne soit pas atteint. Nous dessinons un demi-cercle de plus ou moins trois kilomètres et nous travaillons le long de cette zone afin qu’il n’y ait pas de percées de chars, d’infanterie, etc.
Batailles pour Hryhorivka de la 1ère compagnie internationale des forces spéciales. Vidéo: Ivan Pelykh
— Y a-t-il eu des pertes de drones ?
— Un à Lyssytchansk. C’était à cause de l’impréparation. Nos voisins de la brigade 79 se sont battus, il fallait les sécuriser et repérer l’endroit d’où l’ennemi les attaquait… Nous avons volé 2,5 km sans préparation préalable, mais ne sommes pas revenus. Après cela, nous sommes devenus un peu plus prudents et plus aucun drone n’a été perdu.
– Le drone est-il facile à abattre ?
– Presque irréel. À plus de 250 mètres d’altitude, il est très difficile de toucher un petit point en mouvement. La dernière fois, nous avons travaillé avec un spécialiste qui avait un fusil de sniper Barrett M82 de calibre 50. Il a dit qu’il touche une personne à une distance de deux kilomètres. Mais lorsqu’il a visé le drone, il a admis qu’il ne le voyait pas. Il existe une chance d’abattre le drone lorsqu’il est à basse altitude avec un « kalash » ou un fusil de sniper. Vous pouvez tirer à partir d’un fusil de chasse (jusqu’à 50 mètres), ou lorsque vous avez une EW ou un fusil anti-drone. Alors ça marche.
— Qui a un avantage dans les drones, nous ou eux ?
– C’est une question controversée. Comme nous travaillons sur Mavic, ils le font aussi. Comme nous avons « Leleka », ils ont donc « Orlan ». Il ne s’agit pas que de drones. Nous sommes meilleurs, mais ils en ont plus, et pas deux fois, mais cinq, dix fois plus. Cela s’applique à tout. Nous sommes plus technologiques, nous travaillons plus clairement, mais nous avons moins d’équipement à tous les niveaux. Et cet avantage en nombre, quoi qu’on en dise, il se fait sentir, d’abord dans l’artillerie.
– Durant le temps où vous étiez au front, avez-vous remarqué une augmentation de nos capacités? Est-ce que l’aide de nos partenaires y arrive?
– Oui, cent pour cent. Des M777 se tenaient près de nous. Lorsque nous corrigions certains « Gvozdyka » ou « Acacia », la portée des coups était très importante, 400-300 mètres. Mais lorsque les chars nous ont attaqués à plusieurs reprises et que le M777 fonctionnait, à une distance de plusieurs dizaines de kilomètres, leur erreur pour quatre tours n’était que de 50 mètres. C’est fantastique. Avant notre sortie finale de Hryhorivka, nous avons détruit leur entrepôt d’armes, et cela a été relativement calme pendant trois jours ou ; c’était généralement calme pendant trois jours. Les progrès sont donc tangibles. Il nous faut davantage d’armes. Ne vous inquiétez pas! Donnez-nous ces missiles de 300 km.
— Que représente cette guerre pour vous personnellement ?
– C’est un défi. Il faut enfin en finir. Cela fait 300 ans qu’on essaye de mettre un point à la ligne, le moment est venu. Soit vous suivez la tradition et faites quelque chose pour faire comme d’habitude, soit vous avez soudainement de la chance et c’est vous qui écrivez la fin de cette histoire d’envahissement russe. C’est pourquoi nous essayons.
— Quand vous venez à Kyiv, quels sont vos sentiments ?
– Même avant Kyiv, quand nous étions à Kostyantynivka, tu sais ce qui me surprenait? La lumière était allumée la nuit. Сomment était-ce possible, la lumière? Et où est le couvre-feu? Éteignez immédiatement! J’ai l’habitude de rouler sans phares. Même maintenant, je me gare sous les arbres, comme au front. Quand les porcs étaient ici, tout le monde savait qu’ils étaient proches. Et quand ils sont partis quelque part à l’Est, eh bien, tout le monde s’est détendu. Ça fait 8 ans qu’on vivait de cette façon… On ressent des sentiments étranges. Il y a quelques jours, je suis allé à un festival de musique en soirée. L’esprit de « Gogolfest », l’endroit très cool sur Parkova, je n’y étais jamais allé avant. Je m’y suis rendu et c’était alors comme une vie d’avant. De la musique, on vend des choses… Et je regarde tout ça comme un sauvage. Ce n’est pas qu’on ne comprend pas ce qui se passe, mais c’est très étrange. Je me suis juste assis et n’ais pas prononcé un mot pendant vingt minutes, m’habituant au fait que tout allait bien. C’était bizarre. Tant de monde au même endroit, sans abri, tout brille au milieu de la nuit…
– Ça ne te rend pas nerveux?
– Au début je me suis énervé, parce que je me sentais comme un sauvage. Les gens vêtus de vêtements colorés m’ont rendu nerveux. Je suis probablement tellement habitué à l’apparence marécageuse, verte et coyote, que lorsque je marchais et que j’ai vu quelqu’un dans un T-shirt jaune ou dans une robe rouge vif, la première chose que j’ai pensé était pourquoi? Pourquoi vous rendez vous si visibles, mettez vite quelque chose de vert. Cela a été comme ça pendant les 20,40 premières minutes, puis je m’y suis habitué.