Maksym Vikhrov ex-rédacteur en chef du journal Tyzhden

Après la guerre, la priorité sera la lutte contre le chômage

Économie
30 avril 2023, 14:19

Même s’il est encore difficile d’entrevoir la fin de la guerre, un sujet s’impose de plus en plus dans le débat public. Sera-t-il possible de reconstruire le pays sans ouvrir la porte à des migrants ? Un certain nombre d’experts réputés le disent. Mais par ailleurs, est-ce une bonne idée compte tenu de notre situation économique et le chômage élevé ?

C’est un fait établi qu’après la Seconde Guerre mondiale, les principaux pays d’Europe ont commencé à attirer massivement les travailleurs migrants. Mais les parallèles historiques suscitent davantage de débats que d’analyses impartiales. Il est certainement nécessaire d’étudier l’expérience de la reconstruction dans d’autres pays, mais avant de tirer des conclusions globales, ce serait fort utile de regarder de près la réalité ukrainienne.

En 2021, le taux de chômage en Ukraine a fluctué autour des 10 %. Qu’avons-nous après le début de la grande guerre ? Selon la Banque nationale, le taux de chômage moyen en 2022 était de 25 à 26 %. Et c’est sans compter ceux qui ont quitté l’Ukraine. Autrement dit, actuellement un QUART de la population active du pays, c’est-à-dire, près de 3 millions de personnes, n’a pas d’emploi.

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Bien sûr, ce nombre n’est pas définitif du tout. Une partie des Ukrainiens travaille dans le secteur non-officiel, mais il est peu probable que les 15 % de chômeurs « excédentaires » se cachent dans cette « zone grise ».

Quant aux perspectives, immédiatement après la guerre, le nombre de chômeurs ne fera qu’augmenter. Premièrement, certains de nos concitoyens sont actuellement à l’étranger. Les chiffres varient d’un agence à l’autre, mais globalement, cela doit représenter un millions de personnes. Et dès que les États de l’UE commenceront à réduire ou à restreindre les programmes de soutien aux réfugiés ukrainiens, nous assisterons à un boom des retours. Ces personnes, à l’exception des enfants et des retraités, auront aussi besoin d’emplois. Et tôt ou tard la démobilisation commencera en Ukraine (du moins nous l’espérons) et des milliers et des milliers de soldats d’hier retourneront sur le marché du travail. Et il y a aussi la population des territoires actuellement occupés…

Alors, quel taux de chômage aurons-nous – 30 % ou tout de suite 40 % ? On peut débattre des chiffres, car il ne s’agit pour l’instant que d’estimations. Mais nous pouvons d’ores et déjà affirmer que l’une des principales priorités de la reconstruction devrait être la création de nouveaux emplois. Même dans le scénario le plus optimiste, il en faudra beaucoup, beaucoup plus. Et il est extrêmement naïf d’espérer qu’ils apparaîtront automatiquement dès que les armes se tairont.

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Donc, à mieux y regarder, il semble que l’ouverture aux migrants devrait attendre le moment où il y aura une pénurie d’emplois.

La priorité n°1 est de fournir des moyens de subsistance à la population ukrainienne en âge de travailler, non pas en distribuant une « aide humanitaire », mais en la faisant participer au développement du pays.

La priorité #2 est de créer les meilleures conditions pour le retour de nos réfugiés.
Et ce n’est que plus tard, si notre économie commence soudainement à se développer de manière dynamique au point que nous manquerons de travailleurs, que nous pourrons penser à ouvrir le marché du travail aux migrants.