Vladimir Poutine est le produit de la plèbe russe

Politique
14 mars 2023, 07:13

Les réalités de notre guerre nécessitent une consultation de dictionnaire de la psychopathologie. Il ne s’agit pas d’un intérêt futile pour s’occuper ou se défouler, mais d’une démarche qui nous permet d’évaluer le cours probable des événements : ce à quoi il faut s’attendre et ce à quoi il faut se préparer.

Il est déjà clair que l’assaut de l’armée russe se poursuivra. La Fédération de Russie est un monstre qui, au fil de sa courte histoire, probablement, à l’exception d’un petit épisode au début des années 1990, quand une population affamée a accepté avec gratitude les « cuisses de Bush » (un surnom courant pour les cuisses de poulet importées des États-Unis dans les années 90), – a adopté une tradition de renforcement de la puissance militaire. La Russie a accumulé une quantité gigantesque d’armes, ainsi qu’une certaine efficacité – à la fois dans les guerres le long du périmètre (y compris sur notre territoire) et loin de ses propres frontières, en Syrie par exemple. Cela s’est fait de manière inefficace, avec de la corruption et des abus, du vol et de la fraude. Cette entité s’est préparée à la guerre, cette entité a toujours fait la guerre. Cette création continuera à faire la guerre tant qu’il y aura de la ressource, parce qu’elle n’imagine pas d’autre existence.

Ils se battent mal, c’est évident, mais malheureusement, la taille compte. Leur équipement, comme on pouvait s’y attendre, est également mauvais, mais il en ont des masses. Et le plus triste, c’est qu’ils n’apprennent rien. Ils ont été prévenus qu’ils ne seraient pas accueillis avec des fleurs, du pain et du sel, mais je ne vois pas de réaction massive et adéquate à cette mauvaise surprise. En d’autres termes, leur contact avec la réalité est manifestement altéré, tout comme leurs capacités cognitives. Certains de ces « touristes » perdent leur sang-froid, désertent ou refusent de suivre les ordres criminels, mais ils ne sont pas assez nombreux. La masse générale d’agresseurs se comporte comme des cafards : même étant empoisonnés, il rampent toujours. Si quelqu’un dit que c’est une déshumanisation de l’ennemi, indigne d’un homme des temps modernes, je me permets de ne pas le prendre en compte. Après la victoire, après une désintoxication complète et une séparation en agneaux et en chèvres, je pourrais probablement discuter de Tarkovski, Lotman et Bakhtin dans un futur lointain. Pour l’instant, une telle perspective n’est pas envisagée. C’est inintéressant.

Il est clair que cette guerre n’est pas le crime d’une seule personne, bien que cet homme soit fou ou défectueux. Ce n’est pas Poutine ou Shoigu qui ont donné leurs instructions de ciblage par l’artillerie de zones résidentielles à Mariupol, Kharkiv et Zhytomyr. Des colonels, des capitaines et des sous-lieutenants l’ont fait. Et leur nom est Légion, car ils sont fort nombreux. Il s’agit donc d’un ennemi collectif et d’un état d’esprit collectif.

Les anthropologues affirment que le concept de « mentalité » ou « l’état d’esprit » (les caractéristiques culturelles et les valeurs d’une certaine communauté, d’un certain peuple) est démodé et n’est pas scientifique, mais à des fins pratiques, ils est logique de l’utiliser. La mentalité du Russe moderne est défectueuse. Certains effets isolés d’une dignité et d’un courage forcent le respect et la gratitude. Mais, excusez-moi, en Russie, presque tous ceux qui participent à des manifestations contre la guerre sont détenus. Au cours de la semaine écoulée, il y en a eu environ 7.000. Autrement dit, pour une population de 145 millions d’habitants, il s’agit de quatre millième de pour cent.

Récemment, le service sociologique de l’Etat russe « Centre russe de recherche sur l’opinion publique » (ВЦИОМ) a réalisé un sondage sur l’ « opération militaire ». Selon les résultats, 68 % des sondés « la soutiennent plutôt », tandis qu’une personne sur cinq n’est pas favorable. Certes, leurs réponses sont comptabilisées comme en Biélorussie, mais il semble que la majorité des Russes approuvent notre assassinat. Pourquoi ? Il est clair qu’on leur a lavé le cerveau, mais personne ne les a forcés à croire les Goebbels locaux. Après tous, il y a Internet et nous ne sommes plus dans une URSS autoritaire. S’ils croient à des mensonges inimaginables de la propagande russe, c’est leur choix et leur responsabilité.

Nous pouvons enfin passer à la psychopathologie. Il existe un terme : accusation d’une victime (« victim blaming » en anglais, c’est une définition stable) qui désigne le fait pour un voleur ou un violeur de reporter la responsabilité de leur crime sur la victime. Cela se déroule selon un scénario, qui est désigné par le terme DARVO (acronyme de l’anglais, deny, attack, reverse victim and offender, c’est-à-dire, « nier », « attaquer », « changer la place de la victime et de l’agresseur »). Ce n’est pas Poutine qui a inventé que les Ukrainiens pendent des russophones, mais cela a été suscité par la conscience, ou l’inconscient russe. Ce n’est pas Poutine qui qualifie l’Otan de « bloc agressif » (j’ai retenu cette expression de mon enfance).

Il n’a fait que profiter de ce que la pensée politique russe a vécu au cours des 200 dernières années. Alexandre Pouchkine, Fiodor Dostoïevski et Josef Staline, ainsi que les criminels de Moscou, lui ont appris que « toute l’Europe est contre les Russes » et que « les Anglais menacent ». Je veux juste prouver que ce n’est pas Poutine qui a inventé l’omniprésent ruban St-George (jaune et marron) pour signaler clairement que « nous pouvons recommencer », il est une créature de la plèbe russe, et ses phobies personnelles, sa manie, son ressentiment sont le contenu exhaustif de la psyché des 68 % conventionnels. C’est pourquoi, dans leur esprit, nous sommes des « nazis », nous avons fait un « génocide » et nous devons être « démilitarisés », et non l’inverse.

Je ne crois pas aux pauvres garçons russes maltraités et trompés qui ont été livrés au massacre par des généraux complices. Je n’ai aucune sympathie pour leurs mères qui croient que « les politiciens ont séparé nos peuples ». Ils ne vont pas se ressaisir rapidement. Je pense que nous devons serrer les dents, combattre et soutenir les uns les autres. Tant que ça dure.