Le fils de Natalia Kravtsova, cofondatrice de l’association Femmes d’acier, est un soldat de la Garde nationale ukrainienne depuis 2015. Durant tout ce temps, il se trouvait à Marioupol, où il a fait face à l’invasion russe. Il y a près de 11 mois, il a été capturé par les Russes alors qu’il quittait l’usine Azovstal, en octobre 2022. C’est CICR qui a confirmé qu’il se retrouve toujours en captivité.
« Quand nos soldats sont sortis de l’usine, plusieurs épouses, mères et sœurs de militaires ukrainiens se sont unies au sein de l’association “Femmes d’acier”, car nous ne savions pas quoi faire ensuite », a expliqué la mère du défenseur capturé. Selon Natalia Kravtsova, depuis que l’ONG existe, elle essaie d’aider tous ceux qui la rejoignent en leur donnant des conseils tirés de leur propre expérience : « Nous avons parcouru un long chemin, nous avons presque un an d’expérience. Les nouveaux venus qui nous rejoignent ont quelquefois seulement un mois ou deux de telle expérience douloureuse. On les soutient comme on peut ».
La femme n’a toujours pas été informée sur le lieu exact où se trouve son fils, parce que la Russie ne fournit aucune information officielle après le départ des prisonniers d’Olenivka, une prison qui se retrouve sur les territoires occupés dans la région de Donetsk. Cependant, la mère a la confirmation du représentant russe de la Croix-Rouge internationale que son fils est toujours en captivité : « La Croix-Rouge m’a contacté personnellement à ce sujet il y a environ un mois. [Avant cela] il n’y avait aucune information ».
La cofondatrice de l’ONG explique que quand les soldats ont quitté Azovstal, la Croix-Rouge devait être constamment présente. Ensuite, il s’est avéré qu’ils n’étaient pas là tous les jours, ou n’enregistraient pas toutes les personnes qui sortaient. Par conséquent, de nombreux parents ne disposent d’aucune information objective sur l’emplacement de leurs proches, même maintenant.
La femme raconte à quel point la procédure bureaucratique est longue pour les familles des soldats portés disparus : il faut d’abord contacter la police nationale et soumettre un rapport indiquant la disparition de la personne. À l`Azovstal, les militaires ont reçu l’ordre du commandant en chef suprême de déposer les armes et de quitter l’usine, afin de sauver leur vie. « Quand une personne disparaît, il ne peut y avoir aucune certitude absolue qu’elle soit en captivité », explique Mme Kravtsova.
Elle raconte que dans la déclaration de disparition, il faut décrire toutes les circonstances dans lesquelles la personne a été contactée pour la dernière fois, donner son numéro de téléphone afin de tenter de la localiser. Il faut aussi faire un test ADN, ajoute Natalia : « Il peut ne jamais ne servir, mais il y a diverses circonstances où il est impossible d’identifier une personne. Par exemple, si des parents sont décédés ou sont partis à l’étranger ». Ensuite, il faut se renseigner au Service national d’information s’il existe des documents sur un séjour éventuel en captivité d’un proche, ou sa disparition documentée. Les proches se tournent aussi vers le Service de sécurité ukrainien et le Quartier général de coordination pour le traitement des prisonniers de guerre, qui comprend des représentants de diverses structures étatiques spécialisées. La question de la recherche d’une personne en captivité est aussi l’une des principales compétences du Comité international de la Croix-Rouge.
Selon Mme Kravtsova, la communication avec les structures officielles ukrainiennes était généralement réussie. C’était moins satisfaisant avec le CICR.
Dans les premiers jours qui ont suivi la création de l’ONG, Natalia Kravtsova, avec d’autres membres de Femmes d’acier, s’est rendue au CICR en groupes afin de comprendre le principe de leur travail : « Au début, nous n’avions pas une compréhension claire de leur mandat, on ne savait pas vraiment ce que faisait la Croix-Rouge ».
Selon Mme Kravtsova, le CICR a pu quand même enregistrer un certain nombre de personnes dans les lieux de détention des prisonniers de guerre. Cependant, la plupart du temps, la communication avec le Comité sur cette question est inefficace. Femmes d’acier disposent d’une assistance juridique puissante pour démarrer les démarches après une disparition d’un proche, dit la femme. Pour cela, il existe même des avocats qui s’occupent des appels aux organisations internationales.
« Nous constatons que les organisations qui sont censées être des défenseurs de l’humanité, qui doivent se battre pour le traitement humain des prisonniers de guerre et des otages civils, en réalité ne sont pas efficaces », estime-t-elle.
Rester sans nouvelles d’une personne proche, c’est une très grande souffrance, dit Natalia Kravtsova. « Quand on se retrouve dans une telle situation, les gens sont souvent comme paralysés. C’est un vrai malheur qui demande beaucoup de force mentale, mais autour de vous, les gens font leur vie et ne pensent pas au malheur des autres. C’est très difficile ! Je voudrais que les gens se rendent compte que nous sommes nombreux dans ce cas, et qu’il est possible de s’unir et de s’entraider. L’essentiel est de ne pas baisser les bras, de croire que ton fils, ton mari, ton père ou ton frère reviendra sain et sauf, quel que soit le temps qui passe. Il faut continuer à aller de l’avant, à chercher, à aider les autres, et ensuite, ça aide à aller mieux », partage-t-elle son expérience.
Plus de sept mille militaires ukrainiens sont toujours portés disparus, estime le commissaire aux personnes disparues dans des circonstances particulières, Oleg Kotenko. Derrière chaque nom, une famille, une histoire, une grande douleur et un énorme espoir de revoir son proche.