Les désaccords entre Washington et Kyiv sur les objectifs de guerre augmentent

Politique
17 mars 2023, 11:18

« Plus d’un an après le début de la guerre, Washington et Kyiv sont de plus en plus en désaccord sur les objectifs de la guerre, et des points d’éclair potentiels émergent sur la manière et le moment où le conflit se terminera, » écrit Politico. Les auteurs du texte, Jontathan Lemaire et Alexander Ward, estiment que le plus gros problème pour Kyiv et Washington est l’absence d’une vision commune de la manière dont la guerre devrait se terminer.

« L’administration [américaine] n’a pas d’objectif politique clair ni de but précis. S’agit-il de faire traîner les choses durant longtemps, comme le souhaite Vladimir Poutine ? » cite le député Michael McCaul, président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants. Le politicien a attiré l’attention sur le fait qu’actuellement, les Ukrainiens reçoivent de l’aide « pour survivre, mais pas de quoi gagner ». « Pour l’instant, je ne vois pas de politique de victoire, et s’il n’y en a pas, que faisons-nous ? » a-t-il demandé.

Le destin de la Crimée

« Bien que Biden ait promis un soutien indéfectible et que le Trésor reste ouvert pour le moment, les États-Unis ont clairement fait savoir à Kyiv qu’ils ne pouvaient pas financer indéfiniment l’Ukraine au niveau actuel. Alors que le soutien à l’Ukraine a été en grande partie un effort bipartite, un nombre restreint mais croissant de républicains ont commencé à exprimer leur scepticisme quant à l’utilisation du Trésor américain pour soutenir sans cesse Kyiv dans une guerre sans fin en vue », écrit Politico.

Selon le journal, des responsables américains pensent que l’insistance de Zelensky pour que toute l’Ukraine – y compris la Crimée, qui est sous contrôle russe depuis 2014 – soit restituée avant le début des pourparlers de paix, ne fera que prolonger la guerre. De plus, le Pentagone a constamment exprimé des doutes quant à la capacité des forces ukrainiennes, malgré le fait qu’elles soient équipées d’armes occidentales modernes, à chasser la Russie de la Crimée, où elle est retranchée depuis près d’une décennie.

« Jusqu’à présent, Joe Biden s’en est tenu à son refrain selon lequel les États-Unis laisseront à Zelensky le soin de prendre toutes les décisions relatives à la guerre et à la paix. Mais des murmures à Washington ont commencé à circuler sur la pertinence de cette décision alors que la guerre se poursuit – et que la prochaine élection présidentielle se profile », rapporte Politico.

L’article cite aussi d’autres points de malentendu entre Kyiv et Washington. Basé sur des conversations avec dix responsables, législateurs et experts américains menés par les auteurs de l’article, il s’agit du sabotage du gazoduc Nord Stream, ainsi que de la « défense féroce et épuisante d’une ville ukrainienne stratégiquement sans importance, » c’est-à-dire Bakhmout.

Forteresse de Bakhmout

« Chaque jour de défense de la ville nous permet de gagner du temps pour préparer les réserves et organiser les futures actions offensives » reprend Politico selon les arguments du colonel général Oleksandre Syrsky, commandant des forces terrestres des forces armées ukrainiennes. « En même temps, dans les batailles pour cette forteresse, l’ennemi perd la partie la plus préparée et la plus apte au combat de son armée, les unités d’assaut de Wagner. »

Pendant ce temps, affirme Politico, de nombreux responsables de l’administration américaine ont commencé à s’inquiéter du fait que l’Ukraine gaspille tellement de ressources humaines et de munitions à Bakhmout que cela pourrait compromettre sa capacité à monter une contre-offensive majeure au printemps. « Bien sûr, je ne veux pas minimiser l’énorme travail que les soldats et les dirigeants ukrainiens ont fait pour protéger Bakhmout – mais je crois qu’il s’agit plus d’une valeur symbolique que d’une valeur stratégique et opérationnelle, » a déclaré le média citant le secrétaire américain de la Défense Lloyd Austin. Les auteurs de l’article notent que « Kyiv à présent ne prend pas en compte l’opinion de Washington ».

Quant à l’explosion du gazoduc, selon Politico, les analystes du renseignement américain ne croient pas que Zelensky ou ses collaborateurs aient été impliqués dans le sabotage. Cependant, l’administration Biden a signalé à Kyiv (comme elle l’a fait lorsqu’une voiture piégée avait explosé à Moscou l’année dernière, tuant la fille du philosophe fasciste russe Alexandre Douguin) que certains actes de violence en dehors de l’Ukraine ne seront pas tolérés.

Cette logique de Washington fonctionne aussi en ce qui concerne des missiles balistiques américains à courte portée ATACMS. Politico affirme que les États-Unis n’ont pas fourni ces missiles à longue portée à l’Ukraine, non seulement parce qu’il y en avait peu dans l’arsenal américain. « On craint aussi que l’Ukraine ne frappe des cibles russes éloignées, ce qui pourrait entraîner une escalade de la guerre », écrit le journal.