La Géorgie : ne pas répéter les erreurs de la Moldavie

24 octobre 2024, 08:49

Il reste deux jours avant les élections en Géorgie. L’avenir du pays dépend de ce vote. En cas de victoire des forces pro-russes, il ne s’agira pas seulement d’annuler le régime d’exemption de visa avec l’UE : la rupture avec l’Occident signifiera inévitablement la soumission au Kremlin.

Dimanche dernier à Tbilissi, des milliers de personnes ont participé au rassemblement « La Géorgie choisit l’Union européenne ». Ce rassemblement était soutenu par la présidente Salomé Zourabichvili et les principaux partis d’opposition.

Gela Vasadze, expert politique géorgien et directeur des programmes régionaux au centre d’analyse stratégique géorgien GSAC, a décrit cette marche comme « l’événement préélectoral le plus massif de l’histoire de la Géorgie » et a relevé un détail intéressant qui la distingue des autres.
« L’écrasante majorité de ceux qui sont sortis hier n’avaient rien à voir avec un quelconque parti politique. Aujourd’hui, les électeurs ont le choix : si vous n’aimez pas les uns, votez pour les autres. D’un point de vue électoral, les chances de l’opposition sont désormais meilleures. Mais il leur sera extrêmement difficile de gagner sans un vote de protestation. La tâche principale consiste donc à mobiliser le plus grand nombre de citoyens. La société civile n’est pas une communauté d’experts, tous les citoyens politiquement actifs doivent amener les indifférents à ces élections et leur expliquer ce qui est en jeu », est convaincue Gela Vasadze.

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Selon Stanislav Jelikhovsky, docteur en sciences politiques, membre correspondant de l’Académie ukrainienne de géopolitique et de géostratégie, le parti Rêve géorgien fait tout pour rester au pouvoir et cherche à obtenir une majorité pour pouvoir changer la constitution du pays. C’est là que ses vecteurs pro-européens et pro-atlantiques se précisent.

« La victoire du parti au pouvoir pourrait couper la Géorgie de l’Occident et elle se rapprochera de plus en plus de l’orbite géopolitique russe. La Géorgie joue le rôle d’un nouveau tremplin pour la conquête du Caucase du Sud par la Russie », explique-t-il dans son commentaire pour Tyzhden.

« L’Azerbaïdjan, l’Iran et la Turquie pourraient être ajoutés à l’orbite russe également ». En fait, la Géorgie est restée l’un des derniers éléments de l’ancrage de la Russie dans le Caucase du Sud. Au milieu de ce cercle de feu se trouve l’Arménie. Bien qu’elle ait maintenant déclaré son éloignement de la Russie, si elle est entourée de tous côtés par des États pro-russes, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle les rejoigne, elle aussi. Ainsi, la Russie est en train de construire un corridor pro-russe qui la mènera au Moyen-Orient.

Est-il opportun aujourd’hui de comparer la situation en Géorgie avec ce qui s’est passé en Moldavie lors des élections présidentielles et du référendum sur l’intégration européenne qui se sont tenus le 20 octobre ? Selon Ivanna Stradner, chargée de recherche à la Fondation pour la défense des démocraties, basée à Washington, « la Géorgie observe la Moldavie, et si l’Occident échoue à Chisinau, Tbilissi sera la prochaine ». Certes, la Moldavie a dit « oui » à l’Union européenne, mais avec une courte avance. Le « oui » l’emporte avec 50,17%. C’est très peu. Quels sont des raisons d’un résultat si fragile ?

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Les votes en faveur de l’intégration européenne ont surtout eu lieu dans la partie centrale de la Moldavie, y compris dans la capitale Chisinau, où se concentre la majeure partie de la population. Maia Sandu est arrivée au pouvoir en promettant d’unifier le pays, mais la guerre en Ukraine, les coupures de gaz et l’inflation lui ont fait perdre la sympathie des électeurs. La Russie, en violation des accords, a coupé les livraisons de gaz à la Moldavie, ce qui a créé des difficultés pour le gouvernement moldave.

Les réponses de Chisinau à tous ces défis n’étaient guère convaincantes, comme le démontrent les résultats des élections et du référendum. La Russie ne relâche sa prise ni sur la Moldavie, ni sur la Géorgie. Les forces pro-européennes de Géorgie doivent faire preuve d’un maximum de retenue et de clairvoyance pour éviter de tomber dans tous les pièges tendus par Moscou. Il est très important de ne pas se tromper d’ennemi et de ne pas succomber aux spéculations mesquines et aux querelles internes. La période historique actuelle est une période de grande responsabilité pour l’avenir de chacun d’entre nous. En Géorgie, en Moldavie, en Ukraine, en Occident et dans toutes les autres parties du monde.