L’amitié toxique du Kremlin

Économie
9 novembre 2022, 14:57

Comment la Russie tente-t-elle de contourner les sanctions

L’industrie de la défense de Russie n’est plus capable de produire des modèles d’équipements modernes, ce qui oblige Moscou à rechercher des substituts ou des moyens d’obtenir des produits sanctionnés.

Il est désormais connu que l’armée russe utilise des drones d’attaque et d’espionnage iraniens de différents types (malgré toutes les dénégations des autorités du Kremlin). Selon de nombreux experts, cela signifie un manque d’armes de haute précision, principalement des missiles de croisière, ce qui oblige la Fédération de Russie à rechercher une alternative.

En même temps, malgré de nombreuses déclarations des fonctionnaires russes sur le remplacement réussi des produits importés, les produits de l’industrie de la défense de la Fédération de Russie sont extrêmement dépendants des pièces de rechange étrangères. Cela est confirmé par l’analyse des composants de quelques exemplaires de l’équipement militaire russe. Par exemple, le véhicule aérien sans pilote “Orlan-10” utilise des microcircuits et des optiques occidentaux. Ce sont précisément ces composants qui manquent au fabricant russe après l’introduction des sanctions, ce qui pousse la Fédération de Russie à s’approvisionner à l’étranger.

Ainsi, la police de la Suède a récemment informé sur le vol des caméras de surveillance spéciales qui ont été placées le long des autoroutes du pays. Plus tard, les agents des forces de l’ordre suédois ont établi un lien entre les vols sur les routes suédoises et les drones russes. Selon l’attaché de presse du département, Fredrik Hultgren-Friberg, les enquêteurs ne peuvent pas fournir plus d’informations à ce sujet pour le moment.

De plus, la Russie cherche activement des voies possibles pour contourner les sanctions, en particulier, grâce à l’aide des pays tiers. La Fédération de Russie dispose d’un réseau influent d’agents et de lobbying dans de nombreux pays du monde, elle cherche auprès d’eux des opportunités d’importations parallèles, tout en restant sous les sanctions. Les changements dans le commerce extérieur de la Russie récemment publiés par le New York Times illustrent cette dynamique qui s’est formée après le début de la guerre totale contre l’Ukraine.

The Telegraph

Un exemple plus concret : à la fin du mois d’octobre, une visite de la délégation russe en Ouzbékistan a eu lieu à l’initiative du Kremlin. La délégation comprenait le vice-premier ministre, le ministre de l’industrie et du commerce de la Fédération de Russie, Denys Manturov. Le but officiel de la visite était d’améliorer la coopération économique entre les pays, et le but officieux c’était la recherche d’un “corridor” pour fournir la Russie des produits militaires et à double usage qui sont pourtant soumis à des sanctions. De plus, Moscou compte utiliser des entreprises ouzbèkes pour servir ses propres intérêts. L’infographie ci-dessus démontre un comportement d’un autre partenaire russe au Moyen-Orient, la Turquie. La coopération entre Moscou et Ankara existe depuis longtemps et a déjà provoqué le mécontentement des partenaires de la Turquie au sein de l’OTAN. Il s’agit, par exemple, du scandale qui a suivi l’achat de systèmes de défense aérienne russes S-400. Aujourd’hui, les dirigeants russes tentent de persuader leurs partenaires turcs de vendre à Moscou un certain nombre d’équipements militaires importants. Il est notamment question de communications sécurisées, de drones, d’imageurs thermiques et de dispositifs de vision nocturne, qui font cruellement défaut à l’armée russe. Un achat éventuel de microcircuits pour l’industrie de la défense est à l’étude également.

Nous espérons que les autorités turques, qui ont pris à plusieurs reprises des mesures cohérentes pour soutenir l’Ukraine, comprennent clairement la menace que représente une telle coopération « toxique » avec les agresseurs russes. Aucun gain économique ne peut compenser les pertes de réputation d’Ankara. La Turquie, en tant qu’État démocratique et civilisé responsable, membre de l’OTAN, n’autorisera pas la violation du régime de sanctions contre la Russie et continuera à soutenir l’Ukraine dans sa lutte contre l’agresseur.

Auteur:
Petro Koval