L’Ukraine se prépare à exporter de l’électricité vers l’Europe

Économie
2 avril 2023, 11:17

L’avant-dernier jour de mars, le directeur de la société ukrainienne d’énergie nucléaire Energoatom, Petro Kotin, a annoncé son intention de créer une ligne pour alimenter en électricité le système européen. La même annonce un mois plus tôt aurait créé l’émoi chez les Ukrainiens ordinaires, car le pays était plongé dans l’obscurité. L’Ukraine subissait les attaques systématiques de missiles russes visant le système énergétique. En même temps, la propagande russe lançait des campagnes de désinformation affirmant que les pénuries venaient des ventes d’électricité à l’Europe (ce qui était pourtant impossible, en raison de la destruction du réseau).

Souvenons-nous que M. Kotin, ou plutôt le service de presse d‘Energoatom, a publié il y a un mois une infographie montrant que pas une seule installation énergétique en Ukraine n’était restée intacte. En fait, le pays n’a survécu à l’hiver que grâce au fantastique professionnalisme des travailleurs ukrainiens du secteur de l’énergie et à une aide occidentale sans précédent.

Et voilà que la même personne, un mois plus tard, a déclare : “Energoatom se prépare à créer une ligne de transport qui reliera les réseaux électriques ukrainien et européen à travers la Pologne. La société a entièrement achevé sa part des travaux. Actuellement, une partie de l’équipement nécessaire a été installée et les unités compétentes d’Energoatom mènent des activités de préparation à la mise en service. À l’avenir, cette ligne de transport permettra à l’Ukraine d’exporter et d’importer de l’électricité de l’UE”.

Cette déclaration, toutefois, n‘a rien d’étrange: L’Ukraine a besoin d’argent, l’Europe a besoin d’électricité. Il s’agit d’un accord gagnant-gagnant. La ligne électrique KhNPP-Rzeszów (qui reliera la centrale ukrainienne de Khmelnytsky à la ville polonaise de Rzeszów) a été construite pendant l’ère soviétique. Elle a été déconnectée du réseau en 1993. Depuis lors, la restauration de cette ligne a fait l’objet de nombreuses discussions.

Il suffit de dire qu’une fois la ligne mise en service, l’Ukraine gagnera plus avec l’électricité qu’avec le transit du gaz russe vers l’Europe. Elle pourrait recevoir environ 150 millions d’euros par mois, voire plus. Après tout, l’électricité reste une ressource relativement bon marché en Ukraine, puisqu’elle ne coûte que 89 euros par MWh.

Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’à l’automne dernier, le prix de l’électricité en Europe a atteint 400 euros par MWh. Il a même atteint un record à court terme de plus de 1 000 euros par Mwh. On ne peut donc que se demander ce qui a empêché l’Ukraine de lancer cette ligne, par exemple avant la guerre, lorsque le réseau électrique du pays était uni à celui de la Russie et du Belarus.

Officiellement, on expliquait que le projet était entravé par un certain nombre de difficultés techniques et par le manque d’intérêt de la part des Polonais. Mais il est intéressant de noter qu’après l’intégration du système électrique ukrainien dans le réseau européen ENTSO-E, la Pologne, ainsi que la Moldavie, la Roumanie et d’autres voisins européens, ont commencé à demander à l’Ukraine de les aider à s’approvisionner en électricité en hiver.

D’ici à la fin de 2022, l’Ukraine prévoit même d’exporter environ 800 à 850 MW d’électricité par jour vers l’UE. C’est ce qu’a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans une interview, 20 jours avant que le réseau électrique ukrainien ne subisse son premier tir de missile dévastateur en octobre 2022.

Par ailleurs, l’électricité ukrainienne a un autre intérêt pour l’Europe. Elle permettra d’abandonner la consommation de charbon russe et de réduire la consommation de gaz russe.

La guerre a contraint les Ukrainiens à se mobiliser au maximum, ce qui a suscité l’idée de reconstruire la ligne électrique KhNPP-Rzeszów. Il n’est donc pas surprenant que cette possibilité ait été évoquée dès que l’intensité des attaques de missiles et de drones russes contre les installations énergétiques ukrainiennes a diminué.

Il y a toutefois un bémol. Dans le contexte de l’agression militaire russe, qui a particulièrement affecté le secteur énergétique ukrainien, de tels projets n’ont guère besoin d‘attirer trop d’attention, pour ne pas souffler d’autres mauvaises idées aux agresseurs.