Nadiya Balovsiak Professeur agrégé du Département des communications médiatiques de l'UCU

Fondateurs et développeurs de start-up fuient la Russie

Économie
29 décembre 2022, 10:32

L’hébergeur vidéo YouTube continue de mener sa propre politique sur le marché russe. La nouvelle victime des sanctions décidées par YouTube est le projet RT Balkan, la division balkanique de la chaîne de télévision de propagande RT. La chaîne, comme de nombreuses autres chaînes pro-Poutine, a été bloquée. Elle a pu travailler moins d’un mois après son lancement.

L’Union européenne a également décidé de mesures qui concernent le numérique. Par exemple, dans son nouveau paquet de sanctions, l’UE a introduit une interdiction d’exporter des ordinateurs portables et des appareils photo vers la Russie. Ces appareils relèvent de la clause de sanctions obligatoires portant sur l’interdiction des livraisons de biens « pouvant contribuer à l’amélioration du secteur technologique de la défense et de la sécurité ».

Nous espérons que cette restriction touchera tous les secteurs de l’économie russe, par exemple les approvisionnements en imprimantes matricielles, qui peuvent causer des difficultés au ministère russe des Affaires étrangères pour imprimer les passeports. Les imprimantes étrangères ne sont pas livrées au pays, et la Russie ne fabrique pas d’imprimantes, donc, sans ces livraisons, il n’y aura rien pour imprimer des documents.

Les conséquences inattendues des sanctions

Fin décembre, les routeurs Cisco ont cessé de fonctionner en Russie et au Bélarus. La raison est la même : les sanctions. Le fabricant déconnecte ses appareils du stockage dans des serveurs situés à l’étranger et des mises à jour logicielles. La société a averti ses clients par une lettre. Le blocage se fera par géolocalisation, ce qui signifie que les routeurs se transformeront en boîtes inutiles en Russie et au Bélarus.

Maksut Shadayev, le chef du ministère russe des Statistiques, a parlé d’une autre complication liée aux sanctions. En raison du refus des fabricants taïwanais de fournir des puces, la production d’équipements du pays a diminué. Il s’agit des processeurs russes « Elbrus » et « Baikal », qui ont déjà été commandés à Taiwan, car c’est là qu’ils sont produits. La question se pose de savoir pourquoi ils sont appelés russes, bien que les iPhones ne soient pas non plus assemblés uniquement aux États-Unis. Commentant la situation, Shadayev a rappelé que les droits intellectuels sur ces puces sont russes, ce sont des développements russes, mais ils sont produits dans d’autres pays du monde. Alors que Taïwan a suspendu ses livraisons, la Russie a produit beaucoup moins d’ordinateurs et d’autres équipements nécessitant des processeurs que prévu. Shadayev a déclaré que la part des ordinateurs et des serveurs équipés de processeurs russes sur le marché ne dépasse pas encore 3 %.

Blocus numérique

Nous ne nous lassons pas de répéter que nul ne peut mieux embarrasser la Russie dans l’espace numérique que la Russie elle-même. Nos experts de la Higher School of Economics ont conclu que 38 fondateurs de start-up devenues des « licornes » ont déjà quitté la Russie. Ce nom est donné aux projets qui, avant d’entrer en Bourse, sont valorisés à plus d’un milliard de dollars.

Dans un nouveau projet de loi, les députés du parti au pouvoir « Russie unie » proposent d’interdire le travail à distance aux Russes partis à l’étranger. On parle de l’interdiction du télétravail pour certains métiers. Actuellement, on ne sait pas exactement à quelles industries cette interdiction pourrait s’appliquer. Dans le commentaire du projet de loi il n’était mentionnée qu’une seule banque, et l’interdiction a été expliquée par la nécessité de limiter l’accès aux secrets d’entreprise et aux données personnelles. Le ministère russe des Affaires numériques s’est très vite opposé à de telles restrictions pour les professionnels de l’informatique, expliquant que cela pourrait affecter négativement le développement des plate-formes numériques et du secteur informatique russe en général. Bien qu’il y a quelques jours à peine, le chef du ministère russe des Affaires numériques, Maksut Shadaev, a déclaré que depuis février, 100 000 informaticiens ont quitté la Russie, soit environ 10 %. Selon lui, environ 80% d’entre eux continuent de travailler pour des organisations russes.

Ensuite, des informations supplémentaires sont apparues selon lesquelles l’interdiction du travail à distance affectera les spécialistes dans le domaine de la sécurité de l’information. La Russie a déjà des problèmes de sécurité informatique, surtout si l’on se souvient à quel point les produits de Kaspersky Lab sont massivement bloqués dans le monde. C’est peut-être une tentative de ramener ces spécialistes en Russie. Un tel scénario n’est pas exclu, car ces dernières semaines, des informations ont commencé à apparaître selon lesquelles des informaticiens qui travaillaient pour un certain nombre de banques russes se sont vu refuser un visa allemand, même pour le travail. On sait déjà que parmi les victimes figuraient d’anciens employés des banques « Sberbank », « Alfa Bank » et VTB, des institutions visées par les sanctions.