Serhiy Demtchouk ex-rédacteur en chef du journal Tyzhden

Char en pâte à modeler : quelque part à l’est

Guerre
15 octobre 2024, 14:44

Notre collègue, l’ancien rédacteur en chef Serhiy Demtchouk, sert actuellement dans l’armée ukrainienne. Dès qu’il a une possibilité, il nous raconte la vie des soldats sur la ligne de front.

Selon les autorités, la population de cette ville est de dix-huit mille habitants. Je me demande pourtant comment on peut y habiter : chaque maison est endommagée, la moitié sont détruites. L’hôtel de ville n’est plus qu’une ruine fumante.

Ruines… Je ne veux pas les décrire. Et pour quoi faire ? Il y a des ruines et des destructions dans chaque ville ukrainienne. Le pays tout entier est parsemé de ruines.

Les rues de la ville sont vides ou presque : on y voit principalement des personnes âgées, mais j’y vois aussi une femme à vélo, un garçon qui promène son chien et une femme qui tient la main à une fillette d’une dizaine d’années. La fillette dit à la femme qu’elle n’a pas peur, mais ce n’est peut-être que mon impression : il y a une dizaine de minutes, une bombe téléguidée russe a frappé non loin d’ici.

« La Russie a largué trois bombes KAB-250 sur la ville. Une femme de 77 ans a été tuée et six personnes ont été blessées. Deux bombes ont touché des immeubles d’habitation et une, un établissement d’éducation. Plus de quatre cents appartements ont été endommagés. »

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J’entends de nouvelles explosions et je vois dans le ciel la fumée qu’elles ont produites. Quinze minutes plus tard, dans un village voisin, je vois des enfants s’amuser sur une balançoire, des femmes bavarder sur un banc près de l’entrée d’un immeuble.

La ville est bombardée tous les jours, de manière systématique et monotone, comme si on la préparait à la démolition. Comme on en a détruites d’autres — Bakhmut, Avdiivka, Toretsk, Vuhledar, pour ne citer que quelques-unes.

Ici, dans des villes à moitié détruites, il est difficile d’avoir du confort, même si certains tentent encore d’y parvenir. En voici un exemple sous mes yeux — un petit char en pâte à modeler avec une tourelle bleue et jaune qui « décore » une crevasse dans un mur. Il a dû être oublié par des enfants, ou qui sait, par des militaires, qui s’amusaient en se cachant à cet endroit.