Ukraine et OTAN sont ensemble

Politique
4 octobre 2022, 11:46

Pourquoi était-il si important d’annoncer la candidature de l’Ukraine à l’adhésion au Traité de l’Atlantique Nord le 30 septembre?

L’Ukraine a enfin exprimé haut et fort ce qui était soutenu par ses citoyens depuis longtemps (en juin, selon un sondage, 76% des Ukrainiens voulaient rejoindre l’OTAN) et qui flotte dans l’air des discussions d’experts et des politiques. Le président Volodymyr Zelensky a annoncé que l’Ukraine allait signer une demande d’adhésion accélérée à l’OTAN. Le fait que cela se soit passé le 30 septembre, le jour du spectacle de Poutine déclarant que des terres ukrainiennes faisaient désormais partie de son empire, ne fait qu’accroître la portée de l’événement.

Tout le monde attendait le discours du Kremlin. La plus grande crainte était la menace nucléaire. Elle n’a pas disparu, mais des experts militaires, notamment Carlo Massala, directeur du centre d’analyse allemand Metis Institute for Strategy and Forecasts, ont noté que le niveau de chantage nucléaire du Kremlin semblait plus faible qu’auparavant.

La plupart des pays du monde (pas seulement en Occident) ont déclaré à l’avance qu’ils ne reconnaîtraient pas les résultats des pseudo-référendums du Kremlin. Dans le même temps, immédiatement après le discours de Poutine, les États-Unis ont annoncé l’extension des sanctions contre des hommes politiques et des fonctionnaires russes, ainsi que leurs familles. L’UE a également donné son feu vert à un nouveau et huitième train de sanctions. Mais l’événement lui-même, d’une grande solennité sur la Place Rouge, attirait tous les regards des observateurs.

Dès lors, la décision d’annoncer la demande d’adhésion à l’OTAN le même jour était surtout symbolique, dans la droite ligne de l’offensive ukrainienne sur le front et la marche de l’Ukraine vers la victoire. Le président russe a signé des documents d’annexion alors qu’il n’a pas de facto le contrôle de la majeure partie du territoire qu’il veut s’approprier. Compte tenu des succès des Forces armées ukrainiennes dans la région de Kharkiv et de leur progression dans la région de Donetsk, la décision d’organiser ces pseudo-référendums et d’annexer rapidement ces régions était plutôt un signe de désespoir de la part de Poutine. Associée à des déclarations sur la possibilité d’utiliser des armes nucléaires, c’était un véritable chantage. La demande d’adhésion à l’OTAN, annoncée au même moment et par surprise (car les garanties de sécurité étaient illusoires pour l’Ukraine sans adhésion), est une étape audacieuse.

Le discours de Poutine était composé de menaces et d’accusations. « Les États-Unis continuent d’occuper l’Allemagne, le Japon et la Corée », a-t-il dit. Après une telle absurdité, comment avoir la certitude qu’un jour il ne décidera pas de « libérer » l’Allemagne, la Pologne ou l’Estonie? Le slogan « Direction Berlin » est profondément ancré dans les esprits russes.

Actuellement, l’Ukraine fait un rempart entre ces pays européens et la Russie, son armée a l’expérience de résister à la grande et assez forte armée russe (jusqu’au 24 février, elle était même considérée comme la deuxième armée du monde) le long d’une ligne de front de plus de 2 500 km. Aucune autre armée européenne n’a cette expérience. Elle pourra la partager avec les pays de l’OTAN à l’avenir.

Presque immédiatement après l’annonce de sa décision, Kyiv a reçu le soutien du Canada, des pays baltes et, dans une certaine mesure, des États-Unis, bien que le conseiller à la sécurité nationale américaine Jake Sullivan ait souligné ultérieurement que la question de l’adhésion devrait être décidée à un autre moment. Tard dans la soirée du 30 septembre, Politico a publié un article affirmant que la déclaration était une surprise pour la Maison-Blanche.

Dans le même temps, ce qui fait hésiter l’administration présidentielle américaine, se réalise déjà de facto. La propagande russe explique chacun de ses échecs par le fait qu’elle se bat contre “des mercenaires de l’OTAN”, et non contre l’armée ukrainienne. Sans l’équipement américain et sans la résistance des Forces armées de l’Ukraine, le reste de l’Europe aurait du mal à résister à la menace russe. Et la Russie essaye d’avancer avec ses moyens hybrides depuis un moment. L’acte de terrorisme probable sur les gazoducs Nord Stream n’est qu’un des exemples les plus médiatisés.

De plus, le récit selon lequel « la Russie a été provoquée par l’expansion de l’OTAN et l’éventuelle adhésion de l’Ukraine au Traité » ne suscite presque plus de discussions collectives en Occident. Et pas seulement sur ce point. Il est difficile de ne pas remarquer que depuis le début de l’invasion à grande échelle, la Russie a réduit sa présence aux frontières des pays de l’OTAN et de la Finlande en retirant ses troupes pour faire la guerre en Ukraine. Le Kremlin n’a répondu d’aucune façon aux candidatures de la Suède et de la Finlande pour intégrer l’Alliance atlantique. Leur adhésion transforme la mer Baltique en mer intérieure de l’OTAN, mais la Russie ne s’en soucie pas, semble-t-il. L’OTAN est-il dès lors vraiment l’ennemi majeur? En fait, il est tout à fait clair que la Russie a été provoquée non pas par l’OTAN, mais par les fantasmes d’empire de Poutine, qu’il nourrit depuis des décennies.

Lors de sa conférence de presse du 30 septembre, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a répété trois fois: “si la Russie dépose les armes, la paix reviendra. Si l’Ukraine dépose les armes, le pays cessera d’exister en tant qu’État souverain et indépendant en Europe”. Cela souligne une fois de plus à quel point l’Occident comprend la nature existentielle de cette guerre.

La réaction de J. Stoltenberg à la démande de l’Ukraine était tout à fait attendue. Même dans le cadre d’une adhésion accélérée (comme avec la Suède et la Finlande), il faut avoir une décision consensuelle de tous les Etats membres. Même dans le cas de deux pays nordiques, tout ne s’est pas déroulé sans heurts. En particulier compte tenu de la position de la Turquie. Donc, bien sûr, l’Ukraine ne pourra pas devenir membre de l’OTAN demain. Mais le président Zelensky a exprimé ce que les Forces armées ukrainiennes confirment depuis le mois de mars sur le champ de bataille. Cette guerre est un tournant dans notre histoire. Son résultat sera d’une grande importance pour l’architecture de la sécurité mondiale.

Plus précisément, elle a déjà des conséquences. En fin de compte, lentement mais sûrement, cette guerre déclenche des processus internes en Russie même. Les forces démocratiques ne pourront y répondre correctement qu’en agissant toutes ensemble. Selon le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, les choses commencent déjà à se mettre en place. Il est donc temps de passer à un autre niveau de relations.