Les Nations unies n’ont pas trouvé des preuves de génocide en Ukraine. Pourquoi le scandale a-t-il éclaté ?

Politique
22 mars 2023, 08:49

À l’occasion de l’anniversaire du bombardement du théâtre d’art dramatique de Marioupol, la Commission d’enquête internationale indépendante sur les violations commises en Ukraine (le nom officiel de l’agence – Ndlr) a publié un rapport contenant des preuves vérifiées de crimes de guerre russes. Ce rapport décrit les résultats du travail de la Commission depuis sa création en mars 2022.

Les enquêtes ont été menées au cours de 10 visites en Ukraine, dans 56 villes et localités. La Commission s’est aussi rendue en Estonie et en Géorgie, où les enquêteurs se sont entretenus avec des victimes de guerre ukrainiennes. Au total, 610 entretiens avec 595 personnes (348 femmes et 247 hommes) ont été menés en tête-à-tête et à distance pour établir le rapport. La Commission a également examiné des lieux de destruction dans les territoires libérés, des tombes, des lieux de détention et de torture, ainsi que des débris d’armes.

Dans le document, les experts analysent et confirment de nombreux crimes russes – du franchissement illégal de la frontière par l’armée au bombardement d’installations énergétiques, en passant par la torture de civils dans les territoires occupés et la déportation d’enfants.

Le rapport confirme également que les preuves recueillies indiquent de nombreuses violations du droit international et des droits de l’Homme, et que les attaques contre l’infrastructure énergétique de l’Ukraine et le recours à la torture sont assimilés à des crimes contre l’humanité. Le document qualifie les attaques contre les civils comme des crimes de guerre.

Dans le même temps, la commission rapporte que, puisqu’elle n’y a pas eu accès à Mariupol, il n’existe a pas de raisons suffisantes pour conclure que le bombardement et le siège de la ville constituent un crime contre l’humanité. Plus de 30 personnes qui se trouvaient à Marioupol pendant le siège et les bombardements russes ont été interrogées pour le rapport. Ces gens ont décrit les explosions au cours de cette période comme « constantes » et « sans fin ».

Le rapport fait également référence à « un petit nombre de violations commises par les forces armées ukrainiennes, y compris des attaques aveugles présumées et deux incidents assimilables à des crimes de guerre ».

« La Commission appelle à une approche globale du processus de responsabilisation, comprenant à la fois des poursuites pénales et le droit des victimes à la vérité, à la réparation et à la non-répétition », indique le rapport.

L’indignation de l’opinion publique ukrainienne face aux conclusions de la Commission a été déclenchée, en partie, par les propos de son président, Erik Möse. « Nous n’avons pas découvert qu’il y avait eu un génocide en Ukraine », a-t-il déclaré aux journalistes, ajoutant que l’équipe étudie les preuves et qu’il existe « certains aspects qui pourraient soulever des questions » sur un éventuel génocide.

Plusieurs experts et politiciens ont critiqué publiquement les conclusions du rapport qui « ignorent le génocide contre le peuple ukrainien ». Ainsi, un conseiller du bureau du président ukrainien, Mykhailo Podoliak, a déclaré sur la chaîne 24 que l’ONU, comme toutes les organisations internationales, est « saturée d’argent russe, d’influence russe et agit souvent comme des lobbyistes informels pour la Russie ».

Par contre, une partie des défenseurs des droits de l’homme soulignent que le rapport, malgré la déclaration du chef de la Commission, est un document précieux qui aidera à voter pour la création d’un tribunal international. La coordinatrice de « l‘Initiative des médias pour les droits de l’homme », Olga Rechetylova, écrit que la critique non constructive des conclusions de la Commission sert la propagande russe sur les réseaux sociaux qui cherche à vider le rapport de son sens.

Le Centre pour les communications stratégiques et la sécurité de l’information rapporte que les propagandistes russes manipulent le rapport de l’ONU et mettent en avant l’affirmation que « le génocide en Ukraine n’est pas confirmé ». Ses experts soulignent que le génocide est un type de crime distinct et que les auteurs du rapport n’ont pas cherché à prouver ou à réfuter le génocide du peuple ukrainien. Une distorsion du contenu du rapport pourrait nier tous les crimes des Russes prouvés dans le document, insistent des défenseurs de droit de l’Homme. Il convient également de noter que le membre de la Commission n’a pas nié le fait du génocide, mais a seulement noté qu’une enquête plus approfondie était nécessaire.