Alla Lazaréva Rédactrice en chef adjointe, correspondente à Paris du journal Tyzhden

L’Ukraine et le Conseil de l’Europe créent un tribunal spécial sur les crimes de guerre

26 juin 2025, 14:58

Volodymyr Zelensky s’est rendu à Strasbourg pour signer un accord avec le Conseil de l’Europe. Il ouvre la voie à la création d’un Tribunal spécial chargé de poursuivre les Russes pour le crime d’agression contre l’Ukraine.

Le président Volodymyr Zelensky et le secrétaire général du Conseil de l’Europe Alain Bercé ont signé le 25 juin un accord sur la création d’un tribunal spécial chargé de poursuivre les responsables russes pour le crime d’agression commis contre l’Ukraine. Le futur tribunal spécial permettra de mener des enquêtes contre les plus hauts dirigeants de l’État, qui sont généralement protégés par des immunités personnelles. Les condamnations ne seront toutefois possibles qu’après la perte de leurs fonctions.

Ce tribunal aura une personnalité juridique internationale et non le statut de structure nationale. Il est fondé sur l’article 8 bis du Statut de Rome de la Cour pénale international (CPI), complété par les critères de la guerre d’agression tels qu’énoncés dans la résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations unies. « Il est également prévu que le tribunal puisse rendre des jugements même en l’absence des accusés, notamment contre les dirigeants politiques et militaires de la Russie, et potentiellement aussi de la Biélorussie et de la Corée du Nord », indique Evropejska pravda.

Les médias ukrainiens précisent que, contrairement à Nuremberg, où le procès s’est tenu après la fin de la guerre, cette instance commence à examiner les témoignages sans même attendre la mise en place d’un cessez-le-feu temporaire. « Le tribunal de Nuremberg qui a jugé les nazis vaincus fonctionnait dans une Allemagne occupée, les accusés étaient déjà emprisonnés ; le tribunal de La Haye qui jugera les dirigeants russes n’aura pas ce privilège. Toutefois, les pays participant au futur tribunal ont finalement convenu d’un mécanisme qui permettra de prononcer des condamnations même par contumace pour un cercle restreint de hauts responsables russes. Dans ce cas, l’emprisonnement ne pourra être effectif qu’en cas d’arrestation de la personne concernée. Mais la confiscation des avoirs dans les pays occidentaux pourra commencer immédiatement », écrit le journaliste Serhiy Sydorenko.

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La création d’un nouveau tribunal revêt une grande importance symbolique. Tout d’abord, cela rappelle que l’impunité corrompt et encourage la commission d’autres crimes. « S’il n’y a pas de punition, cela se reproduira », a déclaré Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les questions de sécurité et de politique étrangère. En Ukraine, on espère que le tribunal commencera à fonctionner dès l’année prochaine. Cependant, le lancement officiel ne garantit pas que les verdicts seront rendus aussi rapidement.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a estimé que chaque criminel de guerre doit savoir que justice sera faite. « L’accord conclu aujourd’hui et ce tribunal nous offrent une réelle opportunité de traduire en justice les auteurs du crime d’agression. D’autres institutions, même internationales, ne disposent pas des outils nécessaires à cet effet, et nous devons clairement montrer que l’agression mène à la punition », a-t-il souligné dans son discours à Strasbourg. M. Zelensky a appelé le Conseil de l’Europe, l’organisation qui va mettre en place le tribunal, à créer une Cour qui aura une importance historique.

Selon le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Alain Berset, après la signature de l’accord, des négociations vont commencer pour un accord partiel élargi « afin que le plus grand nombre possible de pays puissent se joindre, soutenir et aider à la gestion du tribunal », a-t-il dit.